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 Al»'ir'li  
 3 4 0  V O Y A G E  a u  L E V A N T  
 dire  à  votre  Maitre  que je  fuis  prefentement  
 affis  fur  mon  Trône  ,  ér  
 que  quandj'aurai  le loifir,  je  pourrai  
 ùien lui aller rendre •viJite.XLn diHuK celi  
 il rotirna bride avec tout fon  monde,  
 fins  faire  plus'  de  difcours  ,  &  
 retourna  dans  fou  Camp.  Quand  
 le  Baffii  eut  apris  ces  nouvelles  ,  
 il  en  fur  extrêmement  irrité  ,  &  
 s'en  retourna  dans  la  ville  ;  bien  
 refolu  de  tirer  raifon  de  cette  
 affiiire  ,  &  d'aller  fondre  fur  le  
 Prmcc  Arabe.  Pour  cet  effet  il  
 donna  ordre  que  cinq  cens  hommes  
 tous  gens  d'elite  fctinfent prêts.  
 La  nuit  fuivante  fut  fort  obfcure,  
 &  il  tomba  beaucoup  de  pluye,  
 de  quoi  Je  BaiTa  efperant  de  tirer  
 avantage  ,  monta  à  cheval  avec  
 tous  les  gens  ,  &  fe  rendit  fans  
 bruit  au  camp  de Milheym  ,  où  
 il  trouva  (tout  fort  tranquille.  
 Auditor  les  Turcs  fc jetterent  fur  
 ces  Arabes  endormis  ;  Ils  en  
 tuerent  quelques  uns  fur  la  place,  
 &  prirent  le  Prince  Milheym  prifonnier  
 avec  cinq  autres  petits  
 Princes  ,  &  feize autres  perfonnes  
 des  principaux.  
 Cependant  il  eft  fort  croiable  
 qu'ils  n'auroient  pu  prendre  Mil  
 heym  qui  s'étoit  deja  mis  en  état  
 de  fe  fauver  ,  s'il  avoit  pû  avoir  
 fon - cheval  ,  car  il  etoit  fi  vite  
 qu'on  ne  pouvoit  jamais  l'atteindre  
 :  Mais  fon  More,  ce  ferviteur  
 aiFeaionné,  fongeant  plus  à  fauver  
 fa  vie  que  celle  de  fon  Maitre  ,  
 s'en etoit  faifi,  &  en fui avec.  
 Le  BaiTa  retourna  donc  en  triomphe  
 dans  la  ville  ,  où  il  fut  
 receu  au  bruit  du  Canon  ,  &  
 'cc  toutes  les  marques  de  la  plus  
 grande  joie.  Les  principaux  Aralies  
 étoient  menez  après  lui  liez  
 fur  des  chevaux:  environ  quarante  
 cavaliers  du  commun  étoient  
 menez  comme  des  chiens  en  leflè,  
 &  vingt  deux  têtes  de  ceux  qu'on  
 avoit  tuez  lors  qu'on  alla  fondre  
 fur  le  Camp  ,  étoient  portées  en  
 montre  fichées  au  bout  d'autant  de  
 de  lances.  
 Cara  Mahomet  ne  fut  pas  plutôt  
 affis  en  l'on  Palais  qu'il  fit  apporter  
 de  l'eau  pour  fe  kvcr  les  mains  
 &  le  vifage  en  diTant  Ilemdulla,  
 Loue  Jott  "-Dieu.  Auffitôt  après  il  
 le  ht  apporter  plufieurs  robes  ou  
 vertes  de  drap,  avec  trois  bourfes  
 chacune  de  cinq  cens  écus  .  afin  
 de  les  diftribuer  à  fes  Officiers ,  
 pour  les  recompenfer  d'avoir  li  
 bien  executé  fes  ordres  ,  donnant  
 une  double  portion  à  celui  qui  le  
 premier  avoit  faifi Milheym ;  Mais  
 celiu-ci  voiant  qu'on  ne  lui  donnok  
 pas  une  plus  grande  recompenfe  
 fc  jetta  à  genoux  devant  le  Baffii  
 &  baiû  bien  humblement  fa  vefte,  
 en  diiant  qu'il  le  remercioit  trcs  
 humblement  do  fon  prefent,  s'eftimant  
 aflêz  bien  recompenfé  d'avoir  
 eu  le  bonheur  de  lui  faire  une  
 chofe  agreable.  Le  BaiFa  remarqua  
 auffitôt  ce  que  cela  vouloit  dire  ,  
 &  redoubla  encore  cette  double  
 portion  qu'il lui avoit  donnée.  
 Apres  cela  il  commanda  qu'on  
 mit  par  écrit  les  noms  des  prifonniers  
 &  de  ceux  dont  on  avoit  apporté  
 les  têtes  ,  &  après  les  avoir  
 lavées  &  bien  nettoiées  de  la  pouffiere  
 &  du  fang,  il  les  fit  apporter  
 une  a  une  devant  Milheym  ,  afin  
 de  lui  en  demander  les  noms,qu'on  
 écrivit  enfuite  fur  leurs  fronts.  
 Entre  ces  têtes  il  s'en  trouva  quelques  
 unes  de  ceux  dont  le  Prince  
 faifoit  le  plus  d'état  ,  &  à mefurc  
 qu  il  en  difoit  le  nom  ,  il  foupiroïc  
 &  haulToit  les  épaulés.  Enfuite  le  
 BaiTa  fit  couper  la  tête  à  huit  des  
 pnlonnicrs  ,  &  fit  emmener  les  
 autres  jufqu'a  nouvel  ordre.  Tout  
 cela  fe  fit  dans  l'efpace de  deux  
 heures.  Deux,  jours  après  on  en  fit  
 mourir  trois  autres  d'une  mort  fort  
 extraordinaire.  Cc  fut  de  leur  percer  
 le  cou  des  deux  côtez des epaules, 
   &  l'on  fourra  dans  les  playes  
 des  batons  avec  des  torches  ardentes  
 ,  dont  les  gouttes  tout  enflammees  
 leur tomboient  continuellement  
 lur  le  corps  qui  etoit  nud  jufqu'a  h  
 ceinture:  On  les  promena  dans  
 cet  état  fur  des  chameaux  par  toute  
 a  ville  jufqu'au  Château  ,  où  on  
 leur  coupa  la  tête.  Tous  les  jours  
 liuvans  on  en  fit  mourir  quelques  
 ims  aclamêmcmanicre.  
 Cependant  
 e n  E G  Y  P  T E ,  S Y R I E ,  &c.  
 tiré  du  fupplice.  
 Quand  on  les  eut  tous  fait  
 mourir  de  la  manière  que  nous  
 j  venons  de  dire  ,  le  Prince  Mil- 
 ! heym  fut  envoié  à  Conflantino- 
 ' pie  avec  les  têtes  que  nous  avons  
 dit  ,  dont  les  principales  étoient  
 embaumées.  Mais  quand  il  fut  
 amené  devant  la  Tente  du  Grand  
 Seigneur  ,  cet  Empereur  dit  cjue  
 cet  homme  ne  valoit  pas  la  peine  
 qu'on  le  lui  envoiât  ,  &  donna  
 ordre  qu'on  lui  coupât  le  tête,  ce  
 qui  fut  fait  fur le champ.  
 Cependant  il  arriva  quelque  choft  
 d'extraordinaire.  Un  de  ces  
 mifcrables  condannez  à  la  mort  
 palTant  par  devant  un  des  Aga  de  
 Mahomet  à  qui  il  avoit  fauvé  la  vie  
 dans  une  certaine  occafion  ,  lui  
 cria,  Ne  vous  fouvenez-vouspoint  
 ^un  jour  que je  vous  fauvai  la-  vie  
 (lui  marquant  en  même  temps  oii  
 cela  étoit  arrivé)  il  efl  à.  prefent  
 en  vôtre  pouvoir  de  me  conferver  
 la  mienne.  L'Aga  l'aiant  reconnu  
 demanda  fa  grâce  au  Bafla  ,  qui  
 la  lui  accorda  dès  qu'il  eut  appris  
 la  chofe  ,  &  à  l'ioftant  il  fut  
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