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Al»'ir'li
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dire à votre Maitre que je fuis prefentement
affis fur mon Trône , ér
que quandj'aurai le loifir, je pourrai
ùien lui aller rendre •viJite.XLn diHuK celi
il rotirna bride avec tout fon monde,
fins faire plus' de difcours , &
retourna dans fou Camp. Quand
le Baffii eut apris ces nouvelles ,
il en fur extrêmement irrité , &
s'en retourna dans la ville ; bien
refolu de tirer raifon de cette
affiiire , & d'aller fondre fur le
Prmcc Arabe. Pour cet effet il
donna ordre que cinq cens hommes
tous gens d'elite fctinfent prêts.
La nuit fuivante fut fort obfcure,
& il tomba beaucoup de pluye,
de quoi Je BaiTa efperant de tirer
avantage , monta à cheval avec
tous les gens , & fe rendit fans
bruit au camp de Milheym , où
il trouva (tout fort tranquille.
Auditor les Turcs fc jetterent fur
ces Arabes endormis ; Ils en
tuerent quelques uns fur la place,
& prirent le Prince Milheym prifonnier
avec cinq autres petits
Princes , & feize autres perfonnes
des principaux.
Cependant il eft fort croiable
qu'ils n'auroient pu prendre Mil
heym qui s'étoit deja mis en état
de fe fauver , s'il avoit pû avoir
fon - cheval , car il etoit fi vite
qu'on ne pouvoit jamais l'atteindre
: Mais fon More, ce ferviteur
aiFeaionné, fongeant plus à fauver
fa vie que celle de fon Maitre ,
s'en etoit faifi, & en fui avec.
Le BaiTa retourna donc en triomphe
dans la ville , où il fut
receu au bruit du Canon , &
'cc toutes les marques de la plus
grande joie. Les principaux Aralies
étoient menez après lui liez
fur des chevaux: environ quarante
cavaliers du commun étoient
menez comme des chiens en leflè,
& vingt deux têtes de ceux qu'on
avoit tuez lors qu'on alla fondre
fur le Camp , étoient portées en
montre fichées au bout d'autant de
de lances.
Cara Mahomet ne fut pas plutôt
affis en l'on Palais qu'il fit apporter
de l'eau pour fe kvcr les mains
& le vifage en diTant Ilemdulla,
Loue Jott "-Dieu. Auffitôt après il
le ht apporter plufieurs robes ou
vertes de drap, avec trois bourfes
chacune de cinq cens écus . afin
de les diftribuer à fes Officiers ,
pour les recompenfer d'avoir li
bien executé fes ordres , donnant
une double portion à celui qui le
premier avoit faifi Milheym ; Mais
celiu-ci voiant qu'on ne lui donnok
pas une plus grande recompenfe
fc jetta à genoux devant le Baffii
& baiû bien humblement fa vefte,
en diiant qu'il le remercioit trcs
humblement do fon prefent, s'eftimant
aflêz bien recompenfé d'avoir
eu le bonheur de lui faire une
chofe agreable. Le BaiFa remarqua
auffitôt ce que cela vouloit dire ,
& redoubla encore cette double
portion qu'il lui avoit donnée.
Apres cela il commanda qu'on
mit par écrit les noms des prifonniers
& de ceux dont on avoit apporté
les têtes , & après les avoir
lavées & bien nettoiées de la pouffiere
& du fang, il les fit apporter
une a une devant Milheym , afin
de lui en demander les noms,qu'on
écrivit enfuite fur leurs fronts.
Entre ces têtes il s'en trouva quelques
unes de ceux dont le Prince
faifoit le plus d'état , & à mefurc
qu il en difoit le nom , il foupiroïc
& haulToit les épaulés. Enfuite le
BaiTa fit couper la tête à huit des
pnlonnicrs , & fit emmener les
autres jufqu'a nouvel ordre. Tout
cela fe fit dans l'efpace de deux
heures. Deux, jours après on en fit
mourir trois autres d'une mort fort
extraordinaire. Cc fut de leur percer
le cou des deux côtez des epaules,
& l'on fourra dans les playes
des batons avec des torches ardentes
, dont les gouttes tout enflammees
leur tomboient continuellement
lur le corps qui etoit nud jufqu'a h
ceinture: On les promena dans
cet état fur des chameaux par toute
a ville jufqu'au Château , où on
leur coupa la tête. Tous les jours
liuvans on en fit mourir quelques
ims aclamêmcmanicre.
Cependant
e n E G Y P T E , S Y R I E , &c.
tiré du fupplice.
Quand on les eut tous fait
mourir de la manière que nous
j venons de dire , le Prince Mil-
! heym fut envoié à Conflantino-
' pie avec les têtes que nous avons
dit , dont les principales étoient
embaumées. Mais quand il fut
amené devant la Tente du Grand
Seigneur , cet Empereur dit cjue
cet homme ne valoit pas la peine
qu'on le lui envoiât , & donna
ordre qu'on lui coupât le tête, ce
qui fut fait fur le champ.
Cependant il arriva quelque choft
d'extraordinaire. Un de ces
mifcrables condannez à la mort
palTant par devant un des Aga de
Mahomet à qui il avoit fauvé la vie
dans une certaine occafion , lui
cria, Ne vous fouvenez-vouspoint
^un jour que je vous fauvai la- vie
(lui marquant en même temps oii
cela étoit arrivé) il efl à. prefent
en vôtre pouvoir de me conferver
la mienne. L'Aga l'aiant reconnu
demanda fa grâce au Bafla , qui
la lui accorda dès qu'il eut appris
la chofe , & à l'ioftant il fut
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