V O Y A G E au L E V A N T
II. Qi ie toutes les Pyramides
étoient placées rcgulierement, &
que chacune des trois grandes qui
font demeurées jufqu'a prefent ,
étoit à la tète de dix petites qu'on
a de la peine à reconnoitre aujourd'hui
parce qu'elles font fort ruinées:
cependant on ne laiife pas de
juger encore qu'il y en a eu environ un
cent,tant de grandes que de petites. Si
Melton les a vues, il faut qu'elles ayenc
été depuis couvertes de fable ; Car
on n'y voit à prefent rien du tout
que ce qui paroit dans nia tailledouce.
III. Qu'elles font toutes bâties fur
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vé. Mais qilaiid on eft auprès on
remarque tout le contraire. Elle
cft quarrée de même que l'autre,
mais je ne faurois dire quelle largeur
a chaque face, parce que je ne l'ai
pas mefurée. J e ne fcai pas fi M'.
Thevenot l'a fait, mais il dit qu'elle
a à chaque côté fix cens trente un
pieds , aiant au refte fon fommeten
pointe fi aiguë qu'autant qu'on le
juge à l'oeil , un feul homme ne s'y
pourroit pas tenir. Le côté du No r d
, en eft gâté par l'humidité comme
nous l'avons dit de l'autre.
une hauteur qui elt une Roche fort
folide cachée fous un fable blanc.
Ce que l'on peut remarquer évidemment
à des foiFes & à des cavitez
qu'on voit çâ & là autour
des Pyramides, de même qu'à une
Troific- La Troifiême cft petite & de peu
d'importance. On croit qu'elle a
été autrefois revetuë de pierres femblables
à celles du Tombeau que
nous avons dit qui étoit dans la
premiere Pyramide, ce qui a donné
lieu à cette penfée, c'eft qu'on trouve
aux environs t tlU.V V 11 10 uLInIHe- gj ^rlat lnJ ldU le^ qVi^il laLnl ltl Lii-- a- J 1 , i-l».. V^ U a U I 1»..
té de fcmblables pierres. QuelquesI ouverture qui eft au coin entre le
uns croyent que le lieu où font bâ- Levant & le No rd auprès delà granries
les Pyramides, eft l'endroit où , de Pyramide , par cette ouverture
l'on enterroit autrefois les morts tels on voit fort aifément la Roche. Ce
que font chez nous les Cimetieres, ¡qui rend auilî fort probable que les
& même que c'étoit celui de Mem-1 pierres dont les Pyramides font bàphi
s , & ils difent que tous les Hi - , ties ont été prifes fur le heu même,
ftoriens Arabes s'accordent en ceci au heu d'y avoir été aportées de
que cette ville là étoit dans l'endroit; loin , comme l'ont écrit quelques
même où font les Pyramides & vis voiageurs & quelques anciens,
à vis du Vieux Caire. ' En effet il faut que les Pyramides
Il faut que j'ajoute ici quelques foient enfoncées bien avant dans le
Remarreniarques
fur les Pyramides, tirées
d'un certain Melton Voiageur Anglois.
I. Qu e toutes les Pyramides ont
iàble , car quand on entre dans la
plus grande, il y a des chemuis qui
conduifeiit en bas , isc qu'on dit qui
vont fort loin, où ils aboutiifent à
divers endroits ou l'on mettoit aulli
les corps morts , mais l'envie ne
nous prit pas de les aller voir après
la peine que nous avions eue à voir
celle d'enhaut.
IV. Qu e les Pyramides ne font
f]ues fur eu une ouverture par ou on cntroit
les Pyia- d^nj u^g ^Hée fort profonde & fort
longue , qui conduifoit dans une
chambre ou les anciens Egyptiens
enterroient les corps de ceux pour
qui les Pyramides avoient éré faites. _
Et que la raifon qui fait qu'on ne 'pas bâties de marbre , comme quelvoit
point aujourd'hui ces ouvertu- ques uns l'ont écrit , mais d'une
res , c'eft qu'elles ont été bouchées pierre de fable blanc & fort dure ,
par le fable que le vent y a amené. | ce que Melton a fort bien remarqué,
Pour preuve de cela, dit Melton ; |& que j'ai trouvé tel aufli. Car fi
c'eft que j'ai trouvé fur quelques u- elles étoient bâties de marbre ou de
nés des Caractères Hiéroglyphiques, pierre de roche, il ne pourroit pas
qui fans doute ne fignifioient nenien être tombé des morceaux tels que
autre chofe que les noms & les qua- ceux qu'on en trouve. Q_uoi c|u'au relirez
de ceux qui y étoient enterrez, fte il s'en faille beaucoup que espicr-
Mais je n'ai vu ces Charaâeres nul- res iòientfi gâtées que le difent quellepart.
ques Ecrivains, & Melton même.
Pour
e n E G Y P T E . S Y R I E . & c .
Pour ce qui regarde le bâtiment
de cette merveille du monde , la
feule qui refte aujourd'hui des fept
que l'antiquité a tant vantées , l'opinion
commune e f t , felon que Pline
le di t , que la plus grande Pyramide
qui eft celle où l'on entre,
& fur laquelle on peut monter, a
¿ té bâtie & achevée dans l'efpace de
vingt ans , qu'il y a eu trois cens
(bixante dix mille hommes qui y
ont été emploiez, & qu'en raves,
& en oignons feulement ils ont depenfé
dixhuic cens Talons. Cela
paroitra à la vérité incroiable à ceux
qui n'ont jamais été en ce païs l à ,
mais fi l'on fongc que c'eft la nourriture
ordinaire du petit peuple, &
que ptefque tous ceux qui ont été
emploiez à elever ces groiTes maf-
Ics , étoient des efclaves & des
mercenaires , qui outre la pain &
l'eau n'avoient rien autre chofe que
ces raves & ces oignons,' il n'y aura
plus un fi grand fujet de s'etonner.
Il faut encore confiderer que l'oignon
eft ici fort délicat, & de bon
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toutes creufées au côté d'une Roche
en ail'ez mauvais ordre , & fans
fymmetrie par dehors, mais fort egales
& bien proportionnées par dedans.
Elles ont toutes un puits
quarré qui eft de même taillé dans
le R o c , & c'eft le lieu où les Egyptiens
mettoient les corps de ceux
pour qui la grotte avoir été faite ,
parce que cela leur fervoit de ièpulcre.
Les murailles de quelques unes
font pleines de figures hiéroglyphiques
taillées aullî dans le R o c ,
dans quelques unes elles étoient fort
petites , & dans d'autres, grandes
comme nature, entre autres, dit-il,
j'en ai remarqué une, où je contai
feize grandes figures , qui reprefentoient
huit hommes & huit femmes
qui s'cntretenoient par la main avec
quelques autres petites figures des
deux cotez.
A quelque diftance de la plus grande
Pyramide du côté d'Orient on
voit le Sphinx fi fameux chez les
Anciens. C'eft une ftatuë qui cft
taillée dans le Ro c même , qui
reprefente ime tête de femme avec
la moitié de la poitrine. Mai s à
preiènt elle eft enfoncée dans le fable
g o û t , deforte qu'en aiant égard à
la foibleiTe des hommes , il ne faut
pas condanner trop legerement les
Juifs qui fe plaignoient dans le de- _
fer t , de ce qu'ils n'avoient plos les | on voit le fable plus élevé qu'ail-
Oignons d'Egypte.Mais il y a un j leurs, & cela jufqu'à uneailêzgran-
jufqu'au cOu. A main droite
Spllin.
î d'Egypte,
autre fujet de s'etonner, c'eft comment
de fi groffes pierres, que celles
qui entrent dans la conftruftion
des Pyramides ont pu être enlevées
fi haut , & c'eft dommage que les
hiftonens dont nous avons les
écrits aiant fait paiTer jufqu'a nous
la connoiÛance de tant de cho f e s ,
ne nous ayent point di t , quels ont
été les Inftrumens & les machines
dont on s'eft fervi pour cet effet.
Af lêz près de ces batimensd'eteraux^
mvl-ne'le durée on trouve quelquesgrot-
(lestes qui :ont aufli fervi autrefois de
lieux à enterrer les morts ; nous
n'eûmes pas aflèz de temps pour les
aller voir , deforte que voulant en
dire ici quelque chofe, tout ce que
je puis faire > c'eft d'inférer ici ce
qu'en a laifle par écrit ce Melton
dont j'ai dâja parlé, qui a examiné
fort curieufement toutes ces chofes.
Il y en a ptufieurs, dit i l , qui font
Vyramide
»
de etenduë , deforte qu'on peut
croire avec raifon , que fous cette
hauteur eft caché le refte du corps
qui avoit la reflèmblance d'un lion
, & que la face en eft tournée du
côté droit. C'eft une mafli extraordinairement
groiTe , mais où les
proportions ont pourtant été obfervées
, encore que la tête feule ait
vingt fix pieds de haut , & que depuis
l'oreille jufqu'au menton il yen
ait quinze, felon la mefure qu'en a
prife le S'. Thevenot. De loin il
paroit être de cinq pierres jointes
cnfcmble, mais quand on eft auprès
on voit , que ce qu'on avoit pris
pour les jointures des pierres , ne
font proprement que des veines qui
font dans le Roc . Pline dit que
cela a fervi de Tombeau au Ro i Amafis,
& il n'eft pas incroiable que
cela en ait pu fervir , puis qu'il eft
dans un endroit qui n'etoit autrefois
comme
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