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 96  y O Y A G E  au  L E V ANT  
 CHAPITRE  XIII.  
 't)berfes  panicularhesi  fur  le  cMinifiere  Eccleßafiique  des  
 (jrecs,  Jur  leurs  Ceremonies  &-c.  
 Apeine  les  Empereurs  curentils  
 cmbraiTé  la  Religion  Chrè'  
 tienne,  qu'ils  commencèrent  à  s'attribuer  
 ,  autant  que  cela  fut  poffible, 
   l'autorité  de  difpofcr  des charges  
 de  l'Eglife  ,  &  avec  le  temps  
 ils  s'en rendirent prefquc entièrement  
 les  maîtres.  
 Il  ne  faut  donc  pass'etonncrqu'à  
 leur  exemple  les  Empereurs  Turcs  
 s'en  foient  emparez  abfolument,  &  
 que  comme  ils  ont  toujours  beaucoup  
 aimé  les  prefens,  ces  charges  
 foient  aujourd'hui  à  vendre  au  plus  
 offrant;  principalement  depuis  qu'- 
 ils  ont  cru  être  alTez  affermis fur  le  
 Throne.  
 Il  eft  certain  que  les  Grecs,  tout  
 opprimez  qu'ils  font ,  n'ont  encore  
 pû  fe  défaire  de  l'ambition,  &  que  
 pouflèz  par  cette  paffion, ils tâchent  
 par  toute  forte  d'addrellè  de  parvenir  
 aux  Patriarchats,  &  aux  autres  
 charges  Eccleiîaftiques  qui  en  approchent, 
   Se cela  non  feulement  par  
 le  mérité  ,  mais  principalement  à  
 force  d'argent.  
 Les  Grecs  ne  reconnoiflênt  point  
 du  tout  le  Pape  pour  le  Chef  de  
 l'Eglife  i  mais  ils  ont  pour  leurs  
 premiers  Prélats  quatre  Patriarches  
 qui  ont  chacun  une  égalé  autorité  
 dans  leur  Patriarchat,  fans  que  l'un  
 dépende  en  aucune  façon  de  l'autre, 
   Le  premier  efl:  le  Patriarche  
 de  Conftantinople,  le  fécond  celui  
 d'Antioche,  le  troifiéme  celui  d'Alexandrie, 
   &  le  quatrième  celui  de  
 Jcrufalem.  Ils  reçoivent  tous  quatre  
 l'inveftiture  de  leurs  Charges  du  
 Grand  Seigneur  ou  de fesMiniftres,  
 &  fur  tout  celui  de  Conftantinople  
 reçoit  la  fienne  du  Grand  Vizir  ,  
 &c  les  trois  autres,  des  BaiTas  de  
 chaque  Province;  Mais  le  Patriarchat  
 -de- Conilaiitirtopie  eft  le  plus  
 cdnfiderable  de  tous.  
 Depuis  donc  que  l'orgueil,  aidé  
 de  la  Simonie  >  s'eft  rendu  maître  
 de  ce  Patriarchat,  il  faut  que  tous  
 les  Prélats  inférieurs  fourniffent fouvent  
 des  fommes  confiderables  à  
 celui  qui,  pour  être  revetu  de  cette  
 dignité,  &  fouvent  même  pour  
 debufquer  fon  predeceflèur  ,  a  fii  
 obtenir  l'agrément  du  Grand  Seigneur  
 par  une  grande  profuiîon  
 d'argent.  
 Il  eft  vrai  qu'on  dit  qu'autrefois  
 les  Sultans  faifoient  quelques  prefens  
 aux  Patriarches , afin  d'attirer  
 par  ce  moien  à  leur  parti,  les  peuples  
 que  ces  Prélats  avoient  fous  
 !eur  Jurifdiction  j  mais  il  eft  certain  
 &  au  fceu  de  tout  le  monde  
 que  dés  qu'ils  ont  crû  être  aflêz  
 affermis  fur  leur  Thrône  ,  ils  en  
 ont  ufé  autrement,  &  qu'ils  ont  receu  
 depuis  cela  &  reçoivent  encore  
 aujourd'hui  de  grands  prefens  
 des  Patriarches,  &  comme  ils  hauffent  
 tous  les  jours  de  prix  par  les  
 nouvelles  encheres  de  ceux  qui  a t  
 pirent  au  Patriarchat,  ils monteront  
 à  la  fin  fi  haut  qu'a  peine  toute  la  
 Grece  y  poura  fournir.  
 Dans  l'efpace  de  deux  ans,  vers  
 l'année  i6yo  ,  deux  differens  Prélats  
 firent  prefent  au  Grand  Seigneur  
 ,  pour  pouvoir  être  Patriarches  
 l'un  ,  de  Cinquante mille  Ecus»  
 &  l'autre  de  Soixante  raille.  
 Ce  font  de  grandes  fommes  pour  
 des  Caloyers  qui  font  profeiïïon  de  
 pauvreté,  &  qui  ne  devroient  poA  
 lèder  rien  en  propre.  Mais  cependant  
 quand  quelqu'un  de  ces  moines  
 peut  trouver  quelques  riches  
 marchans  qui  leur  en  veulent  bien  
 avancer  une  partie  ,  il  fait  propofer  
 Ion  dellêin  au  Grand  Vizir,  
 qui  ne  manque  pas  d'accorder  le  
 titre  de  Patriarche  à  celui  qui  en  
 donne  le  plus,  &  après  qu'ilareceu  
 l'argent  
 Si..  
 c r t  E G Y P T E ,  
 l'argent  qu'on  lui  en  offre,  il  en|  
 expédie  le  barat  ,  ou  ,  le  brevet'  
 du  Grand  Seigneur,  qui  depofc  
 l'ancien  Patriarche,  &  met  en  fa  
 place  le  nouveau,  avec  ordre  aux  
 Grecs  de lui obéir,  &depaïer  incef  
 famment  les  dettes  qu'il  a  été  obligé'  
 de  faire  pour  fa  promotion  ,  k  
 tout  fous  peine  des  coups  de  bâton  
 ,  de  confifcarion  de  biens,  &  
 de  voir  fermer  les  Eglifes.  
 Aufll  tôt  on  envoyé  cet  ordre  à  
 tous  les  Archevêques  &  Métropolitains, 
   qui  le  font  incontinent  favoir  
 à leurs  Suilragans  ;  &  ceux  ci fe  
 Icrvant  de  l'occafion  exigent de  leurs  
 I  apas  ou  Prêtres  &  des  peuples  qui '  
 dependent  d'eux,  non  feulement  la'  
 lomrae  que  le  Patriarche  leur  a  impoiée, 
   mais  quelque  chofe  de  plus,  
 fous  prétexté  de  quelques  dons  &i  
 de  quelques  prefens  qu'il  faut  faire  
 au  nouveau  Chef  de  l'Eghfe.  
 Une  élévation  aulli  irreguliere  &  
 aulli  corrompuë  que  l'eft  celle  ci  
 n'empêche  pas  qu'on  ne  traitte  le  
 Parriarche  ,  lors  qu'on  parle  à  lui  
 de  Vanagiotitafou,  c'eft  à  dire  w - 
 tre  Toute  Sainteté  ,  ou  'votre  Très  
 grande  Sainteté,  Mais  ce  titre  ne  
 lui  eft  donné  qu'après  qu'il  a  pris  
 poffeffion  de  la  dignité  Patriarchafc  
 ,  &  voia  comme  la  chofe  fe  
 paffe.  
 Après  que  les  lettres  du  Caloyer  
 qui  afpire au  Patriarchat  font  
 expédiées,  il  fe  tranfporte  au  Serrail  
 ,  ou  au  logis  du  Camacan  ,  
 accompagné  de  deux  ou  trois  Eveques  
 de  fon  parti.  Si  tôt  qu'il  
 cft  arrivé,  &  qu'il  a  baifé  très  humblement  
 le  bas  de  la  vefte  de  ce  
 Gouverneur  ,  on  lui  lit  les  lettres  
 du  Grand  Seigneur  ,  en  fuite  de  
 quoi,  après  qu'il  a  revêtu  par  deflus  
 fon  habit  noir  de  Caloyer,  qui  
 ne  rcffemble  pas  mal  à  celui  des  
 Kenediams  ,  deux  veftes  de  brocatelle  
 de  diverfes  couleurs,  dont  
 le  Grand  Seigneur  lui  fait  prefent,  
 il  monte  à  cheval  avec  les  Evêques  
 de  la  luite,  qui  font  vêtus  &  ornez  
 de  même  que  lui,  &  en  cet  
 équipage  il  s'en  va  depuis  le  Serrail  
 jufqu'a  l'Eglife  Patriarchale  qui  en  
 c(t eloignée de plus d'une demie lieue.  
 S Y R I E .  &c;  9 7  
 I  Cavalcade  qui  le  mené  pour  
 prendre  poifeffion  de  cette  Efilifc,  
 ne  confifte  qu'en  une  douzaine  de  
 lerfonnes  ou  environ,  fçavoir  un  
 j Capig,,  deux  Chao„x  ,  le  /Oa,a  ,  
 I ou  Secretaire  du  Laimacan,  &ni,cU  
 ques  Janiffaires  qui  vont  devant  
 lui.  Les  trois  ou  quatre  Evêques  
 de  Ion  parti  &  quelques  autres  Caloyers  
 vont  derrière,  vêtus  comme  
 nous  avons  dit,  de  robes  de  brocard  
 par  delTus  lein-s  habits  noirs,  
 ajuftement  plus  propre  à  fervir  
 pour  une  mafcarade  ,  qu'a  faire  
 I ornement  d'une  Cavalcade  bien  
 ! ordonnée.  
 Lors  que  le  Patriarche  eft  arrivé  
 a  la  porte  de  fon  Eglife,  laquelle  
 II  trouve  fermée,  il  dcfcend de  cheval  
 ,  &  le  Secretaire  du  Vizir  ou  
 du  Caimacan  lit  tout  haut  devant  
 lui  &  devant  tous  ceux  qui  fe  trouvent  
 a  cette  Cérémonie,  le  Barat,  
 ou  les  Lettres  du  Grand  Seigneur.  
 Eniuite  de  quoi  les  portes  de  l'Egide  
 étant  ouvertes  ,  i|  le  mené  
 dedans  ,  &  après  qu'il  l'a  ailis  fur  
 le  Throne  Patriarchal,  il  s'en  retourne  
 avec  fa  fuite  au  Serrail.  
 Ainfi  il  le  laiffe  paifible  poiTeffeur  
 de  fon  Benefice  ,  jufqu'a  ce  
 qu  il  prenne  envie  à  un  autre  Caoycr  
 d'offrir  vingt  bourfes plus  que  
 1 autre  n'a  donné,  ces  vingt  bourles  
 ,  fe montent  à  dix  mille  Ecus  
 I  tous  
 les  Miniftrcs  de  l'Eglife  vont  chacun  
 felon  fon  rang  baifer  les  mains  
 du  nouveau  Patriarche  &  Im  fouhaitter  
 le  VolychronostiTanagiotita  
 ion,  cjque  l'on  appelle  à  Rome  à  
 1 égard  du  Pape  ad  multos  annos.  
 Apres  quoi  l'on  fait  favoir  à  tousles  
 Prélats  Grecs  de  l'Empire  Ottoman  
 quils  aient  à  fatisfaire  au  plutôt  à  
 a  taxe  que  le  nouveau  Patriarche  
 leuraimpofée,  s'ils  ne  veulent  pas  
 qu  on  en  mette  d'autres  en  leur  place  
 ,  comme  cela  arrive  aflez  fou- 
 [ vent.  
 Voila  les  dereglemens  &  le  miferable  
 état  ou  l'oppreffion,  l'orgueil,  
 &  la  Simonie  ont  réduit  l'Eglife  
 Grecque  ,  qui  n'eft  plus  qu'une  
 ombre  de  ce  qu'elle  a  été  autrefois. 
   
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