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 luflêiit  boire  ils  ne  laifleroient  
 pas  de  l'eflliier  avec  tout  le  foin  
 imaginable  >  d'eu  il  eft  aifé  de  
 conckirre  que  la  difference  que  les  
 Mahometans  mettent  entre  le  pur  
 &  l'impur  confiftc  plus  dans  l'exterieur  
 que  dans  l'interieur  ,  &  
 qu'ils  ne  craignent  pas  tant  de  falir  
 leur  ame  que  leur  corps.  
 Entre  les  chofes  qui  leur  font  
 defenduës  ,  il  ne  faut  oublier  
 l'ufure  ,  ou  pour  mieux  dire  la  
 defenfe  de  prêter  de  l'argent  à  
 intereft  ,  ce  qu'ils  tiennent  pour  
 un  grand  péché.  Mais  pour  ce  
 qui  efl:  des  petits  negoces  iifuraires  
 ,  ils  y  favent  des  coups  de  Negoces  
 maître.  Par  exemple  fi  quelqu'-uiuraires.  
 un  a  affaire  d'argent  ,  il  s'en  va  
 chez  un  Marchand  ,  &  il  acheté  
 quelque  marchandife  à  crédit  ,  &  
 auiTi  tôt  fans  fortir  de  la  boutique, 
   il  la  revend  au  Marchand  même  
 à  bien  meilleur  marché  qu'il  
 ne  l'a  achetée  ,  pourvû  qu'il  lui  
 donne  de  l'argent  contant  ,  cela  
 fait  ,  le  Marchand  l'écrit  fur  fon  
 livre  pour  le  premier  prix  ,  auquel  
 il  lui  a  vendu  fa  marchandife. 
   
 CHAPIe 
 n  E G Y P T E ,  S Y R I E ,  &c.  119  
 C h a p i t r e  XVI.  
 %effecl  des Turcs  four  leurs  Ecclefiajlïciues  :  En  quoi confijle  
 leur  minijlere  :  Ordres  Ecdefiafiques.  &-c.  
 COmme  les  Mahometans  ont  un  
 refpeft  tout  particulier  pour  
 leurs  Mofquées  ou  Eglifes  ,  auffi  
 ont-ils  de  même  leurs  Ecclefiaftiques  
 en  grande  veneration.  Le  
 Supérieur  de  tous  eft  le  Mouf- 
 Mouft),/i,  qui  tient  chez  eux  le  même  
 rang  que  le  Patriarche  chez  
 les  Grecs  ,  &  que  le  Pape  
 dans  l'Eglife  Romaine  ,  c'eft  à  dire  
 qu'ils  le  regardent  comme  le  Chef  
 de  la  Religion  Mahometane  ,  Se  
 l'Oracle  qui  explique  toutes  les  difficultés  
 de  la  Loi  qui  font  de  quelque  
 importance.  
 Son  eleibion  ne  depend  pas  d'une  
 Affemblée  de  leurs  Ecclefiaftiqaes,  
 mais  uniquement  du  Grand  Seigneur, 
   qui  en  donne  toujours  l'inveftiture  
 à  une  perfonne  d'une  vie  
 irréprochable,  favante  dans  la  Loi,  
 &  confiderable  par  fa  vertu.  Auiïï  
 fon  autorité  s'etend-elle  fi  loin,  que  
 lors  qu'il  porte  fon  jugement  fur  
 quelque  chofe,  le  Grand  Seigneur  
 même  n'y  contredit  jamais.  Les  
 difficultez  qu'on  lui  propofe  ,  &  les  
 folutions  qu'il  en  donne  font  toujours  
 par  écrit,  foit  qu'elles  regardent  
 les  cas  de  confcience,  ou  autre  
 chofe,  &  la  reponfe  qu'il  y  fait,  
 - aptes  que  la  chofe  fur  laquelle  on  
 le  confulte,  a  été  brièvement  couchée  
 fur  le  papier,  ne  confifte  qu'- 
 en  un  oui  ou  un  non,  ou  en  quelque  
 autre  telle  courte  reponfe,  à  quoi  il  
 ajoute  ces  mots  T>ieu  le  fçait  mieux,  
 qui  font  voir  qu'il  ne  fe  croit  pas  
 infaillible. Ce s jugemens , ou les  petits  
 papiers fur lefquels ils font écrits,  s'appellent  
 FetuaonFeJla,  & ils font  de  
 telle  force  que  lors  qu'on  les met  entre  
 les  mains  du  CaÂou  Juge,  il eft  
 obligé  de  prononcer  aulH  tôt  conformément  
 à  ce  qui  y  eft  contenu,  
 ftns  qu'on  puifTe  en  appeller  à  un  
 autre  Juge  ,  ou  tirer  les  affaires  en  
 longueur  par  quelque  detour  dcchicane. 
   Il  lui  eft  libre  de  fe  marier,  
 aufli  bien  qu'à  tous  les autres  Turcs,  
 mais  il  faut  que  f;i demeure  ordinaire  
 foit  à  Conftantinople.  Dans  les autres  
 villes  ce  font  les  Cadilefquers  
 qui  font  obferver  tant  le  droit  Civil  
 que  le droit  Ecclefiaftique.  '  
 Le  Sultan  le  va  confulter  fur  les  
 affaires  d'etat  ,  de  même  que  lors  
 qu'il  s'agit  de  condanner  à  
 mort  quelque  perfonne  diftinguée,  
 de  faire  la  paix  ou  la  guerre  &c.  
 Soit  qu'il  vueille  en  cela  faire  paroitre  
 fa  juftice  &  fa  pieté,  foit  qu'il  
 vueille  par  ce  moien  porter  fes  fujets  
 à  une  plus  promte  obeiffance. 
   
 En  effet  le  Grand  Seigneur  ne  
 deftituë  jamais  un  Grand V i z i r  ou  
 quelque  Baffa  de  leurs  Charges  
 pour  caufe  de  crime  ou  de  mal-verfation  
 ,  ni  il  n'entreprend  point  
 d'auties  aff-iircs  d'importance,  qu'- 
 il  n'ait  pris  l'avis  du  Moufti,  parce  
 que  les  peuples  croient  qu'il  y  a  
 plus  d'équité  dans  le  jugement  d'un  
 homme  fage  &  pieux  ,  que  dans  le  
 pouvoir  abfolu  d'un  Prince.  Aufti  
 arrive-t-il  rarement,  quoique  le  
 Grand  Seigneur  foit  au  defliis  des  
 Loix  ,  qu'il  garde  fi  peu  de  mefure  
 que  de  des-honorer  une  dignité  à  
 laquelle  leur  Religion  a  attribué  le  
 pouvoir  de  juger  de  tous  les  differcns. 
   Cependant  quoique le  Prince  
 confulte  d'ordinaire  le  Moufti fur les  
 affaires  d'importance  ,  il  arrive  
 pourtant  fouvent  que  ce  dernier  efl  
 obhgê  de  s'accommoder  à  la  volonté  
 du  Prince  ,  s'il  veut  fe  maintenir  
 dans  fa  dignité,  parce  que  le Prince  
 la  lui  peut  ôter,  comme  il  la  lui  a  
 donnée.  
 C'eft  peut-être  de  là  qu'il  efl:  arrivé  
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