fi: M
i l l
S i i ' ! .
j\ . (
ii6 v. P Ï A G E au L E V A N T
C H A P I T R E XLI.
Du de fa fource, &• de [on accroljjemem.
C'Eft avec raifon que les Anciens
ont dit il y a longtemps
que cette Riviere n'a point fa pareille
au monde; en cela ils ne fe
font point trompez, puis qu'elle a
quelque choie de fmgulier , foit à
l'égard de fa fource, foit à l'égard
de fes effets.
Ils ont placé fa fourcc , ou plus
tôt fes deux fources, car elle vient
efFeftivement de deux divers endroits
, dans les montagnes de la
Lune à douze degrcz de latitude
Meridionale , où la neige de ces
montagnes venant à fondre , fait
pluileurs ruiifeaux qui forment deux
grands Lacs l'un à l'Orient, & l'autre
à l'Occident, qui font eloignez
l'un de l'autre d'environ quatre vingt
milles. Et leurs eaux, après avoir
fait chacun un Canal, fe rejoignent
dans l'Ethiopie , environ à deux
degrez de latitude Septentrionale,
où elles n'en font plus qu'un, qui
après avoir coulé une fort grande
etenduë de païs , c'eft à dire
par de là l'onzieme degré , fe
fépare encore & faitl'IfledeMeroé,
qui s'étend prefque jufqu'aui / . degré
, où ces deux branches du Nil
fe rejoignent en une feule riviere,
qui après avoir bien ferpenté j fe
vient rendre à une grande montagne
, au travers de laquelle elle pafle
avec violence , & fe précipite
enfuite par une furieufe cafcade,
dans l'Egypte. Apres l'avoir toute
traverfée de fes eaux, elle fe fepare
encore au deifus de Memphis, où
elle fait une Ifle , enfuite de quoi
s'etant rejointe , & aiant coulé
quelque temps en un feul Canal, elle
fe partage au delTous de Memphis
, & fait deux rivieres , dont
. celle qui va du côté du Couchant
s'appelle Agathoda:mon & celle qui
va du côté du Levant cil nommée
le* riviere de Buballis. Ces deux
branches du Nil s'allant décharger
dans la Mer Mediterranée font cette
Ifle qu'on appelle le Delta d'Egypte
parce que l'efpace de terre renfermé,
entre ces deux branches de la riviere
& la côte de la Mer, a la figure
de cette lettre Grecque Au relie
ces deux gros bras du Nil fe partagent
en quelques autres, & ceux-ci
encore en d'autres plus petits, de
forte qu'enfin le Nil fe décharge,
par neuf embouchûres dans la Mediterranée"
, à 31. degrez pour le
moins de latitude Septentrionale.
C'eft là comme nous le voions dans
les Cartes de Ptolomée , où font
exprimez les noms de toutes ces embouchures
: Si d'autres Anciens
n'ont parlé que de fept, c'eil qu'il
y en avoit déjà deux qui s'etoicnc
boûchées par l'abondance du fable ,
comme depuis il s'eft eft encore
boûché d'autres , puis qu'aujourd'hui
il n'y en a que deux ou trois
tout au plus. autant que je l'ai pu
remarquer après m'etre tranfporté
exprès fur les lieux. Ces bras du
Nil portent d'alfez gros vaiifeaux.
Celui qui m'a paru le plus grand eft
auprès de Rozette , l'autre eft auprès
de Damiette, c'eft celui par où
j'entrai dans l'Egypte , comme je
l'ai dit ci deifus. Les autres font
petits & fans profondeur, tellement
qu'ils ne doivent pafler tout au plus
que pour de petits ruifleaux.
Il eft vrai que cette fource du Nil
eft conteftée par d'autres , qui la
rejettent mémeabfolument, comme
n'aiant aucune vrai-femblance, à ce
qu'ils croient , & ils iuppofent au
contraire qu'il faut chercher l'origine
du Nil dans les pluies qui tom-•
bent en abondance dans l'Ethiopie.
Elles commencent environ Pafques
&: continuent par dcgrandesondées
près
e n E G Y P T E . S Y R I E , &c. i n
donnée que nous fommes redevables
près de vingt femaines. Mais iàns
faire tort à leur fentiment on auroit
de deux découvertes confiderables
plus de fujet d'en conclurre avec
qu'on a faites de la fource
toute la vrai-femblance qu'on peut
de cette Riviere.
fouhaitter dans ces fortes de choies
La premiere eft celle de Teter
que l'accroiiTeraent de cette riviere | PrtzV que Kirchcrus nous a donnée,
(qui commence bien plus tôt dans : & qui fe trouve aulll dans h Def-
" • '' "Egypte où on i cnption de l'Afrique du D' OI~
plierc Dapper pag. fS. où il fait
parler cc Tais en ces termes.
l'Ethiopie que dans l'Egypte
l'appcrçoit dés le commencement
de Mai'sc dure jufqu'au commencement
d'Octobre , auquel temps il 1 „ Apres avoir
ceife de croître & commence à baiffer)
doit être attribué à ces grandes
pluyes d'Ethiopie , que d'ail'eurer
que fa fource ne vient pas de plus
loin.
Pour nous , il nous femble qu'il
eft bien plus raifonnable d'en croire
• ^ J ^ i r ^ I /H -il
parlé de la fertilité
„ des terres de l'Empire du Prcte-
1, Jan , il ne fera pas mal à propos
» de dire aufll quelque chofe des
,, principales Rivieres & des prin-
I, cipaux Lacs qui y ibnt. La prc-
), miete qui fe prefente eli cette
„grande & fameufe riviere du Nil,
c e u x q u i fe font donné la peine d'al- ,, de laquelle non feulement les
1er fur les lieux pour faire des re
cherches exaftes de la fource de cette
riviere , que de s'en rapporter
aux raifonnemens & aux conjefturcs
de ceux qui demeurant dans l'Europe,
& méditant à leur aife dans leur
Cabinet , veulent décider par la
force de leurs raifonnemens ce qu'-
on doit croire du cours & de la fource
de cette riviere bien loin au delà
de la Ligne.
Il eft certain qu'il n'y a perfonne
qui puilfe mieux faire ces recherches
& ces découvertes, que les Miffionnaires
de l'Eglife Romaine , car
comme d'un côté ils fe font un de-
Anciens & les Modernes ont
,, écrit avec etonnement & avec
„ admiration , mais dont nous
,, trouvons encore qu'il eft fait men-
„ tion dans la S". Ecriture.
„ Les Ethiopiens l'appellent au-
„ jourd'hui Aboi & elle a fa fourcc
,, dans le Roiaume de Goyam dans
„ une certaine Province appelle Sa- „ hala dont les liabitans fe nom-
„ ment-ii^flHi.Ce font des Chrétiens,
„ mais dont la Religion a fi fort dej,
généré avec le temps par la rui-
„ ne de leurs Eglifes & par les
1) fuperftitions auxquelles ils fe
font peu à peu laiiTez aller, qu'-
voir & une occupation cont inuel lei l s ne different pas beaucoup à
d'aller par tout faire des Profelytes'„ prefent des Païens dont ils font
pour les alïïijettir à robeïflfance du „ voifins.
„ La fource du Nil eft dans la
partie Occidentale du Roiaume de
afliijettir
Siège de Rome , & que de l'autre
lous pretexte de devotion , & à la
faveur de leur habit pauvre &: Ample
ils peuvent aifément pénétrer
dans les païs les plus éloignez &
qui font inacceflibles aux autres
voiageuts à caufe des dangers qu'-
on y court; Il eft certain encore
que prefque tous ces Miftîonnaires
, & particulièrement les Jefuitcs
font es plus habiles & les
plus rufez faifeurs de recherches
qu'il y ait au monde j deforte
que s'en faifant une affaire
comme ils font ordinairement, ils
font très capables d'y reullir.
C'eft donc aux foins qu'ils ont
pris J & à la peine qu'ils fe font
„ Gojam fur le fommet d'une hau-
„ teur , & ce fommet fait une cfpc-
„ ce de plaine qui eft prefque toute
„ environnée de Montagnes. L'an
„ 1618. le 21. d'Avril, étant dans
„ ce Roiaume avec l'Empereur &
1, fon armée, je montai dans cet en-
„ droit & j'examinai tout fortexaâe-
„ ment, j'y trouvai premièrement
!, deux fources ou fontaines chaeu-
„ .ne large d'environ quatre paumes
„ de Diametre,&en ce a j'eus le plai-
„ fit de voir ce que plufieurs grands
„ P r i n c e s , comme Cyrus , Camby-
„ fes , Alexandre le Grand, & le
„ fameux Jules Cefar, n'ont pu ob-
F f î tenir
I r