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298 V O Y A G E au L E V A N T en E G Y P T E, S Y R IE, &c.
à midi pendant la priere qui fe fait
comparabicmcnt le plus grand
" cette heure. Ce fut par cette
nombre : Les juifs vicnnen: fouvent
s'y établir ^ prinopalcmcnu
quand ils font âgez , & cela dans
la vue d'y achever leur vie & dV>
tre enterrez après leur mort dans la
vallée de Jofaphat ou aux environs ,
afin de comparoitre les premiers au
Jugement univerfcl s Car ils croyent ;
que c'eft la que fe fera ce Jugement.
Lors que je partis de Jerufalem je
rencontrai environ à deux lieuës de
la ville quelques perfonnes qui y alloient
dans le deflein que je viens
de dire> & entre autres trois femmes
dont il y en avoitdeux fort vieilles
, qui faifoient paroitre un extréne
défit d'aller achever leur vie à
Jerufalem.
Pource qui efl: du Temple de Sa- Tj^pt
lomon, c'eft à dire de la Mofquée de SaBque
les Turcs ont ainfiappelléc, les™"'
gens du païs difent qu'il eft bâci fur
es fondemens du vieux Temple, &
que par dedans il a la même figure,
Porte Dorée que Notre Seigneur
entra à Jerufalem monté fur une
dnefle. Apres cette Porte fi l'on
veut faire le tour de la ville on
rencontre la Porte S. Etienne , &
enfuite toutes les autres dans l'ordre
que nous les avons mifes.
Rcnipars Les murailles de la ville fontafl"ez
' belles & bâties de pierres de taille;
Elles ont d'efpace en efpace plufieurs
Tours quarrées avec des embrafijrcs.
Ces murailles ont environ
fix braiTes de haut, & du moins
trois pieds d'epaifleur. Ce fut Soliman
Empereur des Turcs qui fit
faire cette enceinte à la ville l'an
15^9. Quelques uns croyent que
l'ouvrage avoit été deja commencé
par fon Pere Selim quand il eut pris
Jerufalem fur les Soudans d'Egypte
en i f i / .
La montagne de Sion eft fur une
même hauteur que la ville, auffi
y eft ' •
mais au
grande hauteur .
la ville. Sur quoi l'on me dît un
jour que celui qui avoit tracé l'enceinte
-elle renfermée en partie quoique dans un efpace beaucoup
a Nord . où eft fa plus j plus petit. Par dehors il paroit tçl
elle eft hors de [que je l'ai décrit ci devant, & que
& les remparts de la ville
étoit un Renegat Génois qui en
étoit alors Baflk : & que lors qu'il
eut achevé cet ouvrage, les Turcs
voiant que cette partie de la montagne
, commandoit la ville , entrèrent
en deiBance & crurent qu'il
n'avoit fait cela qu'en vue de doniier
occafion aux Chrétiens de fe
rendre un jour Maitres de la ville
, ce qui fut caufe aufli qu'on
le fit I mourir , car il eft dangereux
de donner aux Turcs le moindre
fujet de deffiance.
Grandeur. Pource qui regarde la | grandeur
qu'a la ville aujourd'hui > j'eftimc
que fon circuit eft d'environ trois
quarts d'heure à en faire le tour
par dehort les remparts. Elle eft
bâtie d'une maniere affez ferrée &
elle eft raifonnablement peuplée:
Mais prefque toutes les rues en font
étroites & tortues. Ses habitans font
en partie Mahometans > en partie
originaires du païs , & en partie
Juift. Les premiers en font inje
l'ai reprefenté dans la taille-douce
que j'ai donnée de la ville de Jerufalem.
Autant que j'ai pû m'en
faire inftruire il a environ cent pas
de tour. Aurefte tant de cela que
des autres chofes il faut s'en rapporter
à ce que difent les habitans ; car
les Chrétiens n'ont pas le pouvoir
d'y entrer ou d'en approcher. Il
leur eft même defendu de mettre le
pied fur la place qui eft autour &
qui eft aflez grande, & s'il y en avoit
quelqu'un qui y fût furprisjil
faudroit aflTcurément qu'il fe fît
Mahometan , ou qu'il fût brûlé.
Les Juifs n'ont pas à cet égard plus
de liberté que les Chrétiens.
Afin d'eviter de tomber dans
cet inconvenient par ignorance
ou par furprifc j on ne fort jamais
de Cloitre fans être accompagné
d'un Religieux qui a de
coutume de conduire les Pèlerins,
Se outre cela on a toujours auffi
un Drogeman avec foi , qui
vous montre les lieux où vous
avez la liberté d'aller. Car fi l'on
s'ecartoit tant foit pei>, ou qu'ou
vînt
vienne à faire quelque chofe qui
ne pliit pas aux Turcs , ce feroit
au Cloitre qu'ils s'en prendroient
, & non aux Etrangers,
& les Religieux feroient obligez
de payer de fort grolTes fommes,
difgrace qui leur eft arrivée diverfes
fois ," à ce que me dirent
le Pete Gardien & le Pere Procureur.
Partícula- Lg Cloitre oui demeurent ces
Religieux eft fitué entre la Por-
Jer°uralem, te de Betlilehem & celle de Da-
SdesRe-mas , dans la partie la plus OcnSf^
de-cidentale & la plus haute de la
meurent, ville. Il porte le nom de S. Sauveur.
Le nombre des Religieux
eft ordinairement de trente à
quarante perfonnes fur lefquelles
commande le "Pere Gardien ou
Reverendidîme. C'eft d'ordinaire
un Italien ou un fujec du Roi
d'Efpagne : Il a autant d'autorité
qu'un Evéque , & auffi lors
qu'il officie aux jours des grandes
fêtes , il porte la Mitre &
la Croilè. Celui qui tient le
fécond rang eft le Tere Procureur
, qui doit être né Efpagnol.
Du temps que j'étois à Jerufalem
celui qui en exerçoit l'office n'étoit
pas Prêtre , mais feulement
Frere-lay. Les fonctions de cette
charge font d'entretenir correfpondance
avec tous les grands
perfonnages de la Chrétienté ,
d'ecrire toutes les lettres qu'on
envoyé en divers endroits , &
de faire reponfe à celles qu'on
reçoit , c'eft lui auffi qui à le
maniment de l'argent. La troifiéme
perfonne eft le -Tere vicaire
qui doit être un François.
Les autres Religieux font pour la
plus par Efpagnols & Italiens; Il
a auffi d'ordinaire quelques
"rançois, mais peu d'Allemans.
Tous les Religieux qu'on y
envoyé de l'Europe font obligez
d'aller demeurer dans le lieu qui
leur eft marqué par le Gardien,
foit à Jerufalem ou dans quelqu'-
autre endroit de la Terre St= , &
il faut qu'ils y demeurent trois
ans , au bout defquels il leur eft
permis d'en forcir , encore faut-il
l
m
que ce foit avec l'agrément du
Pere Reverendiffiine ; Car s'il a
des raifons pour les faire demeurer
plus longtemps , il faut obeïf
fans contredire. Cependant ils vivent
d'une maniere fort frugale ,
car la plus part du temps ils ne
mangent point de viande , à caufe
des jeûnes frequens qu'il faut
obferver, & d'ailleurs ils n'ont pas
grand rafraichiffemenc de poiilon,
parce que Jaffa ou Joppe , qui
eft le lieu le plus proche d'où ils
en puiffi;nt. avoir , eft éloigné de
Jerufalem de -dix ou douze heures
de chemin , & quand on y
en apporte , c'eft comme on
dit vulgairement , pour la bouche
de Monfieur , & non pas pour
tout le Couvent. Cela fait que la
pluspart ont de l'impatience de
retourner en Europe , &: de reprendre
la vie de leurs Couvens , où
ils vivent afleurémcnt d'une miniere
plus agreable.
Tous les voiageurs qui viennent
d'Europe , de quelque Religion
qu'ils foient , vont loger chez ces
¡Religieux , mais non pas qu'ils
|y foient obligez , comme quelques
uns l'ont écrit. Car on a dans
les Etats du Grand Seigneur, de
même que par tout ailleurs, la liberté
d'aller loger où l'on veut, &
fi l'on fouhaitte d'aller demeurer
chez les Grecs, ou en quelque
maifon bourgeoife , perfonne ne le
peut empêcher. Ce n'cft donc que
par coutume que les Chrétiens
d'Europe vont loger chez les Latins
. que les Grecs vont chez les
Religieux Grecs, & les Arméniens
ou autres Chretiens chez ceux de
leur Communion. Mais il faut
avouer en même temps qu'on ne
pourroit pas choifir un logement
plus commode ni plus agreable , car
la reception que ces Religieux font
aux Pclerins, lans avoir égard à la
difference de Religion, eft telle qu'-
il faut avouer qu'on leur eft fort
obligé de leur civilité. Quelques
uns d'eux venoient tous les foirs
me tenir compagnie pendant une
heure ou une heure & demie , mais
ils me faifoient toujours demander
p p j aupaia-
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