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C H A P I T R E LXVÍL
Hijloire de cMilhejm Trime Arabe.
C' Omme je dcraeiirois fort long-
„ temps à Alep , j'cuiTe bien
déliré d'aller voir la ville de TadiTior
, qui en eft éloignée de cinq
on fix journées , parce qu'il y a
dans ce lieu de très beaux reftes
d'Antiquité : Mais comme le chemin
en eft fort dangereux, à cau-
Ic des Arabes , je n'ofai entreprendre
ce voiage>; d'autant plus,
que j'appris qu'un an auparavant
que j'arrivaiTe à Alep quelques
Marchands Anglois , qui avoient
eu la même curiofité que moi ,
avoient fait une fort fâcheufe rencontre
avec le Prince ou Chef de
ces voleurs. La chofe fe palla de
!a maniéré que je vais dire.
CJes Anglois , pour eviter toula
violence qu'on leur pourroit
quelques f^irc > fe mirent douze de com-
Atiglois pagnie & affemblercnt jufqu'au
nombre de vingt quatre valets tous
Prince armez de bon fufils & de bons
Millieym. moufquetons , de forte qu'ils fe
crurent en état de n'avoir rien à
craindre , & de pouvoir refifter
aux bandes d'Arabes qu'ils pourroient
rencontrer. Etant donc partis
d'Alep , & n'étant plus gueres
loin de Tadmor , ils apprirent
que Milheym Prince Arabe
chef de tous ces coureurs , &
fort connu parmi les Francs, etoit
arrêté dans cet endroit avec
une partie de fon monde.
Ils furent donc d'avis
de ne paiTer pas plus avant , mais
de demeurer où ils étoient , &
de voir ce qui en arriveroit. Le
Prince Milheyra , qui jugeoit bien
qn'il ne pourroit pas les avoir par
la force, crut qu'il réuflîroit mieux
en ufant de finefle. Dans ce deffein
il envoia à ces Seigneurs Anglois
, comme par une efpece
d'Ambafladc , quatre perfonnes
accompagnées de plusieurs ferviteurs.
Ils portoient avec eux quelques
prefens , & avoient ordre
de faire civilité à ces Meilleurs ,
de la part de leur Chef , Se de
de leur offrir fes fcrviccs , ajourant
qu'ils pouvoient aller viiiter
librement & fans rien craindre ,
tout ce qu'ils auroient envie de
voir. L'Ambaflade fut receuë civilement
& renvoiée avec bien des
remercimens. Et même ces Anglois
pour rendre la pareille au
Prince Arabe jugèrent à propos
de deputer vers lui deux des principaux
de leur compagnie. Ces
deux furent le S'. Timothee de la
Noy & Georges Metketf, qui depuis
fut fait Confuí de la Nation
à Alep , fonffion dans laquelle
il eft mort. Ces deux Meilleurs
accompagnez de quelques ferviteurs
, fe rendirent à laiTente de
Milheym , qui les rcceut d'une
maniere fort honnête , & en apparence
pleine de cordialité & d'affedion
: Mais après qu'ils eurent
fait leurs prefens , & qu'on eut
encore aflcz longtemps converfé
depart & d'autre , il leur demanda
d'un air plein de fierté, comment
ils avoient eu la hardieflè
de venir au lieu où il étoit , à
quoi ces Seigneurs répondirent
qu'étant amis du Grand Seigneur,
ils avoient h. liberté d'aller & de
venir par tout 011 il leur plaifoit
dans les états de fa HauteiTej Mais
il leur repartit fièrement, fi le
Grand Seigneur lui même venoit
ici , je le traitterois comme vous:
Aurefte vous êtes des Efpions, &
vous n'êtes venus ici qu'a delfein
d'examiner toutes chofes pour en
aller faire votre rapport au Baiïïi
d'Alep , & nous faire prendre s'il
vous eft poíliblc. Vous êtes aufti
la caufc continua-t-il, de ce que
je ne puis rica prendre fur les
Turcs,
e n E G Y P T E , S Y R Î E > &c.
Turcs , parce qu'en même temps
que vous prenez vos feuretez pour
la confervation de vos biens, vous
confervez auili ceux des Turcs par
vos Caravanes continuelles & bien
efcortées , tant lors qu'elles partent
que lors qu'elles retournent , c'eft
pourquoi j'ai refolu de vous faire
tous pendre. Là defliis il fit appel-
]er le bourreau qui vint auffitôt
avec des cordes & du favon pour
les faire mieux couler. Ces deputez
voiant cet apprêt lui dirent refolument
que s'il cxecutoit fur eux ce
dont il les menaçoit, leurs amis en
prcndroient une telle vangeance,
que les Arabes s'en fouviendroient
éternellement. La rcponfe fut qu'il
ne fe mettoit pas en peine de cette
vangeance , qu'il iroit contre
leurs amis avec tout fon monde ,
& qu'il les feroit tous pendre comme
eux. Pendant ces difcours
quelques autres petits Princes Arabes
qui étoient là prefens, travailloicnt
à un accommodement, difant
que cela fe pouvoir moiennant une
ibmme d'argent (_& en effet c'etoit
le feul but que ces fcelerats s'etoient
propofé) cependant le Prince
Milheym faifoit toujours femblant
de fe tenir ferme à fa premiere refo
lution , & infiftoit toujours fur ce
qu'il les vouloir faire pendre : Mais
enfin venant à fe relâcher , il fit
lîi demande, qui fut que ces Seigneurs
Ambaflàdeurs lui paiaiîènt
vingt mille écus. Enfin l'accord
fut fait à trois mille , à condition
que le paiement s'en feroit en argent
, & en ce qu'ils avoient de
plus grande valeur fur eux , que
du refte on leur laidèroit leurs armes
, excepté deux paires de piftolets
pour le Prince Milheym.
Pour faire cette fomme il fallut
que ces Seigneurs Anglois donnaffent
tout ce qu'ils avoient d'argent
raonnoié , les beaux harnais de
leurs chevaux , & tout ce qui fe
rrouua fur eux de quelque valeur,
comme des montres , des talTes
d'argent , des habits &c. parmi
tout cela ils firent paiTer auflî quelque
cuivre doré , & outre cette
perte , ils eurent encore le déplai-
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fir d'être obligez de s'en retoumec
/ans avoir vû les Antiquitez de Tadmor.
Mais il ne fe pafla pas beaucoup
de temps fans que la Natioil
Angloife fe vît vangée de cette
perfidie.
Environ Un an après que cela
fut arrivé , Cara Mahomet, BafTa
d'Alep ) cnvoia à diverfes fois des Prince' "
Deputez au Prince Milheym afin Milheyiri.
de l'exhorter à rechercher l'amitié
du Grand Seigneur, & à fe mettre
fous fa proteftion. Enfin le traitté
en fut conclu , & la chofe fut portée
fi loin , que Milheym s'accorda
de venir en perfonne à Alep
pour faire lés foûmiiîions au Bafla j,
comme reprefentant le Grand Seigneur.
Qiiand le jour qu'on avoic
pris pour cela fut arrivé , Cara
Mahomet envoia fix de fes chevaux
avec une partie de fes gens
pour aller prendre le Prince Arabe
dans fon Camp , qui étoit à
quatre heures d'Alep , & cepcn-'
dant il fe mit en état de l'allet
recevoir lui même hors de la Porte
de la ville. Environ midi Milheymi
fe mit en marche monté fur un
des chevaux du Haifa , & accompagné
de fon monde. Il étoit:
déjà à la moitré du chemin, lors
qu'un de fes valets qui étoit More:
de naiflance , & que Milheym
aimoit beaucoup , vint en hâte
après lui en foupirant profondement
à diverfcs reprifes , & comme
le Prince lui eut demandé
quelle en étoit la caufc , il lui
repondit d'un air abbattu que le
coeur 11c lui difoit rien de bon de
ce voiage. Milheym qui le crue
un peu trop legerement (puis qu'il
eft cwtain que le Bafla n'avoïc
aucun mauvais deffein) demanda
auffitôt le cheval qu'il avoit de
coutume de monter , qui en
apparence étoit fort maigre, comme
le font ordinairement ceux des
Arabes , mais qui font d'ailleurs
fi bons qu'on les vend ordinairement
cinq cens ecus la piece , &
menx: quelques uns jufqu'a mille ,
& lors qu'il fe vit deffus un cheval
avec lequel jl fé pouvoir fauvcr ,
¿1 dit au député du Baffa Aile*;
V V X dire