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 _ que Mahomet  II.  qui  pritConftantiiiople  
 n'ctoic  entré  ia  premiere  fois  
 dans  cette  Eglife  en  cet  equipage,  
 que  parce  qu'on  lui  dit  que  li  les  
 Grecs  n'en  faifoient  point  de  fcrupulc  
 ,  il  .pouvoir  bien  auffi y  entrer  
 îiir  fon  cheval, & n'en defcendre que  
 devant  l'Autel  ,  pour  y  faire  fa  
 priere.  
 Il  n'en  eft  donc  pas  de  même des  
 Mahometans.  Ils  ne  s'appliquent  
 jamais  à  la  priere,  que  dans une po- 
 /hire  fi  modefte  &  fi  humiliée  qu'on  
 ne  peut  rien s'imaginer au de là.  Car  
 après  s'être bien lavez, &avoir  quitté  
 leurs  fouliers  à  la  porte  de  la  Mof»  
 quée  ,  ils  fe vont  p  acer  le  plus  près  
 qu'ils  peuvent  de  l'Imam,  fans  
 pouflèr  pourtant  ,  ou  fans  prellèr  
 trop  ceux  qui  font  venus  avant  eux,  
 là  ils  fe jettent  à  genoux,  &  fevont  
 afibir  fur  les  talons;  quieftlapofture  
 qui  pailè  chez  les Orientaux  pour  
 la  plus  humiliée,  afin  d'attendre  en  
 cet  état  que  l'on  commence  la priere  
 ,  fans  que  pendant  cela  aucun  ofe  
 parler  à  ceux  qui  font  auprès  de lui,  
 ni  même  qu'il  y  penfe.  
 Quand  le  temps  de  la  priere efl;  
 venu,  l'Imam  fe  levé  ,  &  fc  tenant  
 debout,  met  fes deux  mains  ouvertes  
 contre  fa  têté,  après quoi fe bouchant  
 les oreilles avec les deux pouces,  
 il  leve  fes yeux  au  Ciel,  &  entonne  
 la  pnere, d'une  voix fort haute, &di»  
 ftinftement,  pendant que le peuple le  
 fuit  à  baife  voix,  &  imite  toutes  fes  
 différentes  poftures.  Il  n'eft  pas  neceilàire  
 d'inferer ici les mots mêmes de  
 la  priere,  nous nous cententerorîs de  
 donner  l'explication  des  principaux  
 paiTages  Arabes  que  les  Mahometans  
 employent  dans  leurs  prieres,  
 car  c'eft en cette langue qu'ils  prient,  
 &  ces  paiTages  font  tirez  du  premier  
 chapitre  de  1'Alcoran.  
 Lors  que  les  Turcs  au  commencement  
 de  leur  priere  levent  les  yeux  
 &  les  mains  en  haut  ils  difent  Bis  
 milla  hirraiham  irrachmi  c'eft  à dire  
 Au  mm  'Dieu  Très  hon  à-  très  
 mijericordieux.  Apres  quoi  baiiTant  
 les  mains  plus  bas  que  la  ceinture,  
 ils  lifent  aiant  les  yeux  baiffez  vers  
 terre,  la  priere  qu'ils  appellent  Fa.  
 ttche  ou  Fatha  ,  comme  qui  diroit  
 en  E G Y P T E ,  SYRIE,  &c.  
 la  Treface,  parce  qu'elle  eft  tirée de  
 la  Préface  ou  du  commencement  de  
 l'Alcoran,  en  voici  l'explication.  
 Laué Joit  Dieu  qui  eft le  Seigneur  
 du  monde  ,  Très  bon  &  très  miferieordieuK. 
   â  Grand  Roi  du  jour  du  
 Jugement  ,  nous  t'adorons  ,  nous  
 menons  nôtre  confiance  en  Toi  :  conferve  
 nous  Çpuijque  nous  t'invoquons') 
   au  droit  chemin  de  ceux  que  
 tu  as  élus  ¿r  que  tu asfavori  fez  de  ta  
 grace  :  ne permets  pas  que  nous  nous  
 détournions  au  cfjemin  de  ceux  contre  
 lefquels  ta colere efi enflammée,  &  des  
 incrédules  ou  des  err ans.  Amen.  
 Quand  ils  ont  achevé cette priere  
 ils  fe courbent  vers  la  terre  ,  mettant  
 les  deux  mais  fur  leurs  genoux,  
 &  difent  Alla  hou  Hecber  ce.  c'eft  
 à  dire  Dieu  efi grande  â mon  Dieu  
 honneur  te  [oit  rendu,  ta  louange  &  
 ton  nom foient  bénits  ,  ta  grandeur  
 fort  exaltée,  car  il  n'y  a point  d'autre  
 Dieu  que  Toi.  
 Apres  cela  ils  crient  tous  à  haute  
 voix  avec  l'Imam,  ou  celui  qui  fait  
 la  priere  Alla  Hecber  ,  ò  Grand  
 Dieu,  Se  fe  profternant  ils  baifenc  
 deux  fois  la  terre,  cnant  à  chaque  
 fois  Alla  Hecber.  
 Ces  inclinations  s'appellent  Rekiets, 
   elles font différentes en  riombre  
 felon  les  différentes  heures  de  la  
 priere.  Le  matin  ils  n'en  font  que  
 fix,  à  midi  huit,  après  midi  fix,  le  
 foir  huit  ,  &  autant  à  mmuit  quand  
 les Lunes  de  Recheh  Chaban  ou  Ramazan  
 les  obligent  de  fe lever la nuit  
 pour  aller  à  la  Mofquée.  
 C^and  la  premiere  de  ces  genuflexions  
 eft  faite,ils  fe levent  &  Kcommenccat  
 cettc  Fatha,  qu'ils  difent  
 en  fe tenant  debout,  fans  mettre  
 leurs  pouces  dans  les  oreilles,  
 continuant  au  refle cette  priere  jufqu'a  
 ce  qu'ils  ayent  fait  autant  de  
 genuflexions  que  l'iieure le demande,  
 alors  ils  fe  levent  à  demi  ,  &  vont  
 s'afFoir  fur  les  talons  ,  regardant  
 fort  attentivement,  & fans tourner la  
 vue  ailleurs  ,  dans  leurs  mains  ouvertes, 
   comme  s'ils  lifbient  dans  un  
 livre  ,  &  cependant  ils  prononcent  
 à  l'honneur  de  Dieu  un  certain  
 nombre  de  benediftions  qu'ils  content  
 par  les jointures de leurs dor^rs.  
 Ces  
 Ces  benediiSJrions  font  autant  d'aftions  
 de  grâces  qu'ils  rendent  à  Dieu  
 de  ce  qu'il  les  a  exaucez  en  leur  
 priere.  Elles  s'addreffent  auflî  quelquefois  
 à  Mahomet  avec  ces  mots  
 Reful  alla  ,  Ambajfadeur  de  Dieu,  
 qu'ils  repetent  à  chaque  fois i  mais  
 pour  l'ordinaire  elles ne s'addreflênt  
 qu'à  Dieu  avec  les mots  de  Subham  
 alla.  Dieu  [oit  loué.  AllemDullilla. 
   Louange  à  Dieu  ,  la  illalla.  
 Il  n'y  a  foint  d'autre  Dieu  que  
 Dieu  &c.  
 Quand  donc  les  Turcs  ont  fait  
 tous  leurs  Rekiets  ou  baifers  de  terre  
 ,  ils  finiifent  leurs  prieres  qui  ne  
 durent  jamais  gueres  plus  d'une  demie  
 heure  ,  cependant  ils  fe  prennent  
 la  barbe  ,  après! quoi  fe  tournant  
 à  droite  &  à  gauche,  ils  faluent  
 les  deux  Anges qu'ils croient  qui  
 font toujours à leurs cotez  ,  l'un  pour  
 les  porter  au  bien,  &  l'autre  pour  
 les  accufer  du  mal  qu'ils  peuvent  
 avoir fait.  Ces  Anges  font, à ce qu'- 
 ils  difent  ,  le  bon &  le mauvais  ,  le  
 premier  eft  blano,  & l'autre noir &c.  
 Alors  quelques  Chantres  montent  
 fur  de  petites  tribunes  ou  balcons  &  
 y  chantent  à  diverfes  reprifes  une  
 efpece  de  Pièaumes  dont  l'air  n'eft  
 pas  désagréable.  LeLundr.leMecredi  
 ,  &  le  Vendredi  un  Predicateur  
 monte  en  chaire  pour  expliquer  
 quelque  point  de  l'Alcoran  qu'il  cn- 
 Knd  &  qu'il  expofe  à  fa  maniéré.  
 Chacun  peutàiïïfter  à  ces  prédications, 
   aufïï  bien  qu'à  celles qui fe font  
 quelquefois  dans  le  Marché,  &  on  
 les  finie  toujours  par  quelques  prières  
 qui.fe  font  pour  la  profpenrédn  
 bultan  &  pour  le  Succez  de  fes  armes  
 ,  à  quoi  le  peuple  qui  eft  prefent  
 ne  répond  rien  autre  chofe  qu'  
 Amen.  ^  
 Voila  ce  qui  fe  fait  à prefent dans  
 le  Temple  de  S.  Sophie  &  dans toutes  
 les autres Mofquées.  Il eft aifé de  
 s'imaginer  la  douleur  qu'ont  les  
 Grecs  de  voir  cela.  Ils  gémiflint  
 continuellement  de  voir  leurs  Sanftuaires  
 à  ceux  qui  ont  une  autre  
 efperance  que  celle  qui  ne  doit  &  
 qui  ne  peut  être  appuyée que fur Jefus  
 Chrift  ,  qui  reconnoiflènt  une  
 autre  parole  divine  que  celle  de  
 Moife  ,  des  Prophètes  &  des  Apôtres, 
   &  qui  leur  comptent  pour  une  
 grande  grace  la  tolérance  qu'on  leur  
 accorde  pendant  qu'ils  retiennent  
 leur  ConfeiTion.  
 Mais  il  ne  fera  pas  désagréable  
 au  Lefteur  de  trouver  ici  quelque  
 chofe  de  la  Religion des Grecs & des  
 particularitez  de  leur  Difcipline  Ecclefiaftique  
 ,  difons  en  donc  audi  
 quelque chofe.  
 CHAPIil  
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