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 voit.  Sa  priere  fut  exaucée  &  Melac  
 Gabrail  c'eft  à  dire  l'Ange  Gabriel  
 lui  releva  aufli  tòt  qu'il  n'avoit  
 qu'a  prendre  fur  le  rivage  de  la Mer  
 autant  de  fable  dans  le  pan  de fa robe  
 qu'il  en  pourroit  tenir,  qu'en  
 fuite  il  n'avoit  qu'a  le  femer  devant  
 loi  fur  l'eau  en  maniere de petit  che  
 min  ,  &  marcher  hardiment  là  deffus. 
   Le  dévot  folitaire lit  ce  qui lui  
 étoit  révélé,  mais  comme  il  n'avoit  
 pas  pris  aflez  de  fable,  ou  qu'il  l'avoit  
 femé  un  peu  trop  largement,  
 il  fe  trouva  fort  embaraiTé  au  milieu  
 du  golfe,  car  le  fentier  qu'il  avoit  
 fait  alloit  à  fonds  ,  à  mefure  qu'il  
 avançoit  fon  chemin  ,  &  il  n'avoit  
 las  de  quoi  en  faire  d'autre  devant  
 ui  ,  le  lable  lui  aiant  manqué  :  Il  
 eut  donc  recours  à  la  priere  &  aux  
 larmes  pour  fe  tirer  de  cette  perplexité. 
   Mahomet  voiant  l'excellente  
 pieté  de  ce  bon  Mufulman,  &  touché  
 du  danger  où  il s'étoit  mis  pour  
 aller  à  la  Mofquée  obtint  auiïï  tôt  
 de  Dieu  ,  qu'une  avance  de  terre  
 s'etendît  jufqu'au  pauvre  Dervis  ,  
 afin  qu'il  eût  ainli  le  moien  de  fe  
 rendre  dans  le  temple  à  l'heure  de  
 la  priere.  Depuis  ce  temps  là  cette  
 langue  de  terre  eft  toujours  demeurée  
 pour  conferver  éternellement  la  
 mémoire  de  ce  Miracle.  
 De  ce  golfe  de  Nicomedie  on  
 .^l'f!  entre  dans  la  Mer  de  Chalcedoine,  
 appellée  par  les  Anciens  Fretum  
 Chalcedonium  ,  Bofphoriis  Chaleedonius, 
   Bofphorus  Thracius,  & de  
 quelques  autres  noms  encore.  Au  
 milieu  de  cette  petite  Mer  qui  ne  
 contient  pas  plus  de  huit  milles  détendue  
 ,  l'on  voit  tout  auprès  de  
 Chalcédoine un Fare  fur un  Promontoire  
 ou  Tête,  avec  une  maifon  de  
 plaifance  du  Grand  Seigneur  appellée  
 Panari  Kiofke  ,  c'eft  à  dire  
 Maifon  de  Tlaifance  du  Fanal  ou  
 Fare.  
 Ce  mot  de  Kiofke  fignifie en  langue  
 Turque  une  galerie  couverte.  
 Les  Kiasks  ne  confiftent  ordinairement  
 qu'en  plufieurs  colomnes  difpofées  
 en  quarré  avec  des  Galeries  
 tout  autour  ,  couvertes  d'un  Toift  
 bas  en  maniere  de  Pavillon.  
 La  Situation  de  ce  Kiosk  eft  très  
 Chalcedoine. 
   
 agreable  ,  parce  qu'elle  occupe  le  
 milieu  &  l'endroit  le  plus  elevé  d'un  
 très  beau Jardin,  le  plus  régulier  de  
 tous  ceux  qu'on  voit  en  Turquie.  
 On  y  voit  auflî  plufieurs  allées  ti-GrandSdrées  
 au  cordeau,  &  quelquesparter-S"™'- 
 res  qui  font  aifez  bien  entendus;  au  
 lieu  que  prefque  tous  les  autres  jardins  
 du  Grand  Seigneur  ne  font  
 qu'un  amas  confus  d'arbres  plantez  
 ça  &  là  fans  ordre  &  fans  iymmetrie. 
   Toutes  ces  allées  aboiitiiTent  
 au  Kiofk,  d'où  l'on  a  une  très  belle  
 vue,  puifqu'on  y  découvre  la  
 plus  grande  partie  de  Conftantinople, 
   du Grand Serrail,  & de Galata.  
 Cette  ville  eft  à  l'occident  de  ce  
 jardin,  &  n'en  eft  éloignée  que  d'une  
 bonne  lieuë.  Le  port  &  la  ville  
 de  Chalcedoine  en  font à côté  droit,  
 tirant  vers  le  Nord-Oueft.  Les  
 Ifles  du  Prince  &  laPcopontidefont  
 devant  ,  tirant  vers  le  Sud-Oueft  :  
 une  partie  de  l'emboucheure  du  
 Golfe  de  Nicomedie  eft  au côté gauche  
 vers  le  Sud.  Et  les  belles  
 campagnes  de  Bithynie  à  l'extremité  
 defquelles  il  eft  placé  ,  font  
 derriere  ce  jardin  à  l'Orient.  
 Ce  fut  la  beauté  naturelle  de  cet  
 endroit  qui  porta  Sultan  Soliman,  
 fécond  à  y  faire  bâtir  ce  Kiofk,  
 ou  maifon  de  plaifance,  afin  d'y  
 aller  quelque  fois  paiTer  agréablement  
 le  temps  avec  quelques  Dames  
 du  Serrail.  Et  pour  cet  effet  il  fit  
 faire  dans  un  endroit  un  peu  plus  
 élevé  que  le  refte,  un  très  beau  
 Sopha  garni  de  matelas,  de  quarreaux, 
   &  de  riches  tapiflèries,  &  
 environné  d'un  baluftre  de  marbre  
 taillé  à  la  Morefque.  Ce  Sopha eft  
 quarré,  &  placé  prefqu'au  milieu  
 d'un  grand  baiîin  de  la  même  figure, 
   qu'on  voit  s'emplir  infenfiblement  
 par  une  infinité  de  petits  jets  
 d'eau,  jufqu'a  une  hauteur  fuftîfante  
 pour  s'y  pouvoir  baigner  commodément. 
   
 Soliman  ,  qui  n'avoit  pas  moins  
 d'inclination  pour  le fexe  que  pour  
 les  armes  ,  fit  enrichir  ce  lieu  de  
 tous  les  ornemens  que  l'Architeifture  
 Mahometane  pût  inventer,  
 pour  favorifer  les  plaifirs  qu'il  prenoit  
 avec  fes  Sultanes.  
 Il  
 doine.  
 Il  paflbir  fouvent  avec  elles  de fon  
 Serrai!  de  Conftantinopleàce A'wJié,  
 qm  n'en  eft  éloigné  que  d'environ  
 un  mille,  afin  de  s'abandonner  avec  
 plus  de  liberté  à  tous  les  excès  de  
 volupté,  auxquels  fon penchant  Naturel  
 le  portoit,  &  il  y  étoit  encore  
 cxcitè  par  la  beauté  de  ce  lieu  qui  
 n'avoit  été  bâti  &  embelli  que  dans  
 cette  vue.  Le  Fare  qui  eft  auprès  
 de  ce  Kiosk  fert  à  eclairer  la nuit aux  
 vaiilcaux  qui  vont  à Conftantniople,  
 de  même  cju'aux  Barques  qui  vont  
 jetter  l'ancre  auprès  de  Chalcedoine,  
 dont  pourtant  le  nombre  eft  fort  
 peu  confiderable.  
 Chaloe-  Le  Port  de  Chalcedoine  n'eftgueres  
 frequeiiîé,  non  plus  que  la  ville;  
 il  n'y  a  que  quelques  petites  Bar- !  
 ques  &  Kaiqucs  qui  vont  à  Con- 
 Itantinople  pour  en  rapporter  des !  
 vivres  &  d'autres  choies  neceflaires !  
 dont  on  n'cft  gueres  bien  fourni  
 dans  ce  lieu.  
 Cette  ville  etoit  autre  fois  une  
 des  plus  célébrés  de  la  Propontide.  
 On  dit  que  ce  fut  un  certain  Berger  
 ,  nommé  Calcedon  ,  fils  de  Saturne, 
   qui  commença à y bâtir  quelques  
 cabanes  fur  les  bords  d'une  petite  
 riviere  qui  y  paife,  &  qu'il  les  
 nomma  de  fon  nom.  Longtemps  
 après  les  Habitans  de  la  ville  de  
 Chalcis  ,  qui  eft  dans  I'lile  d'Euboée, 
   qu'on  appelle  aujourd'hui  
 Megrefont,  j  envoierent  une  Colonie, 
   ¿confirmèrent  de  nouveau  ce  
 nom  qui  s'accordoit  fort  bien  avec  
 celui  de  leur  ville.  Ceux  de  Megar 
 c ,  ville  fituée  auprès  de  l'Ifthme  
 de  Corinthe,  firent  la même  chofe,  
 environ  l'an  du  Monde  3290.  Mais  
 ceux-ci  aufli  bien  que  les  autres,  ne  
 fc  connoiflànt  pas  trop bien au  choix  
 d'une  contrée  qui  fût  capable  de  
 fournir  leur  Colonie  d'abondance  &  
 deplaifir,  négligèrent  uneauflibelle  
 fituation  qu'eft  celle  qui  eft  vis  à  
 vis  de  celle  qu'ils  avoient  choifie,  
 faVoir  le  lieu  oii  eft  à  prefent  Conftantinople, 
   &  meriterent  par  làque  
 l'Oracle  de  Delphes  leur  donnât  le  
 nom  d"Â-veugles,  lequel  ils ont  toujours  
 retenu  depuis.  
 M'  Grelot  rapporte  ici  une  Hiftoirc  
 divcrtiflante,  qu'il  donne  
 comme  l'ayant  prife  d'Amen.  Nous  
 l'avions  empruntée  de  lui  ,  comme  
 plufieurs  autres  choies  qui  concernent  
 la  defcription  de  Conftantinople  
 ,  de  la  vérité  defquelles nous  avions  
 été  confirmez,  par  notre  propre  
 experience.  Mais  comme  quelques  
 fçavans  que  nous avons  confultez  
 depuis  fur  ce  fait  particulier,  
 nous  ailêurent  que  cette  Hiftoire  ne  
 fe  trouve  point  dans  l'ancien  Auteur  
 à  qui  le  S'.  Grelot  l'attribue,  nous  
 ne  nous  faifons pas  notre  affaire  de  
 la  garantir,  &  laiilànt  cette  difcudîon  
 à  l'habile  homme  de  qui  nous  
 l'avions  empruntée,  qui  a  peut  etre  
 en  main  de  quoi  juftifier fa  citation,  
 nous  nous  contenterons  de  rapporter  
 la  choie  telle que M'. G rdot  nous  
 , la  donne.  
 '  11 dit  donc  qu'  Arrien  l'Hiftorien  
 qui  ctoit  voiiin  des  Clialcedoniens,  
 puifque  la  ville  de  Nicomedie  lui  
 donna  le  jour,  dit  que  ces  peuples  
 aiant  négligé  pendant quelque  temps  
 le  culte  d'une  Divinité  à  qui  leurs  
 Ancêtres  avoient  elevé  un  'Temple  ,  
 furent  châtiez  d'une  maladie  hojiteufe, 
   à  laquelle  ne  trouvant  point  
 de  remede  ,  ils  crurent  que  le  plus  
 promt  etoit  de  retrancher  la  partie  
 infcdée,  quelque  confiderable  qu'- 
 elle  pût  erre,  pour  fauver  le  tout.  
 Cette  Divinité  en  colere  ctoit  apparemment  
 Venus,  puis  qu'elle  avoit  
 un  fort  beau  Temple  à  Chalcedoine, 
   '&  que  le  mal  qui  afHigeoit  les  
 Chalcedonicns  ctoit  un  de  ceux  
 qu'apporte  cette  Déefle.  La  maladie  
 ctoit  h  la  vérité  facheufe,  mais  
 le  remede  l'etoit  encore  davantage;  
 &  s'il  y  euft  eu  là  quelqu'un  de  nos  
 Empyriques  pour  faire  aflicher  aux  
 Carrefours,  comme  ils  font  tous  les  
 jours  à Paris,  qu'ilsgucriflèntinfailliblement  
 de  tous  les  maux  que  peut  
 caufer  Venus,  il  auroit  bien  fait  
 plaifir  aux  Dames  Chaleedoniennes,  
 qui  fe  trouvèrent  toutes  Veuves fans  
 avoir  perdu  leurs maris.  
 Ce  temple  de  Venus  ne  fe  voit  
 plus  à  Chalcedoine  ,  non  plus  que  
 celui  d'Apollon  ,  qu'un  certain  
 Cocconas  rendit  célébré  par  les Oracles  
 qu'il  avoit  l'addreiTe  de  faire  
 prononcer  par  cette  Divinité.  
 Ce  
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