a i z V O Y A G E au L E V A N T
de joye» & alors avec une maflc de
fer il frappe trois ou quatre coups
à la digue, quieft puis après rompue
par la quantité de monde qui s'empreffe
à y mettre la main. En fuite
de quoi l'eau qui a fon cours libre fe
repend en un inftant tout le long
de la ville. Et même lors que le
BalTa ell: au Caire la chofe fe fait
avec grande Cérémonie , comme
d'allumer des feux de joye , tirer des
fufées&c.
Toutes les Villes de l'Egypte ont
de femblables foiTcz qui leur apportent
l'eau du Ni l , qui fans cela leur
manqueroit.
C'eft;unc des plus grandes incommodiiez
de l'Egypte, à caufe de la
chaleur prefque infupportable qui y
régne pendant tout l'Été, & qui eil
encore augmentée par la nature du
terroir, à caufe que tout le Pais eft
fablonneux , & que le fable étant
échauffé par les raions du Soleil,
jufqu'a être brûlant, il échauffé tellement
l'air qu'a peine le peut-on refpirer.
C'eft cette chaleur qui fait
que tous les Khalits font à fee fix
mois de l'année, & qu'il ne fe rempliflènt
qu'au mois d'Août, lors que
le Nil eft à fa plus grande hauteur.
L'accroiflèment de cette Riviere
commence ordinairement au mois de
Mai , mais on ne commence pas
à la publier le long des rues plus tôt
que le 20. de Juin. On fait le jugement
de cet accroiflèment à une
colonne qui eft dans une maifondu
Bafla fur une petite Ifle vis à vis du
vieux Caire. Tous les jours on y
va voir combien la Riviere eft crue,
& aulTi tôt on le fait fçavoir aux
Crieurs publics qui le repandent par
tour. Au commencement d'Ofliobre
l'eau cefle de croître, & vers la
ne coule plus du tout , le Khalits
exhale une horrible puanteur, tant
par la corruption de cette eau croupie
, que par les ordures & excremens,
& même les Charognes qu'on y jette
des fenêtres qui ont vue fur ce
Canal. Ainfi il y a fujet de s'etonner
de ce que cette puanteur qui
noircit dans la poche l'argent & les
clefs de ceux qui demeurent au près
du Khalits ne caufe pas la pefte tous
les ans. On pourroit pourtant éviter
cette incommodité fi l'on en faifoit
écouler toute l'eau de bonne
heure; mais le Soubachi trouve fon
avantage à laiiTer les chofcs comme
elles font , car l'eau de ce Canal
étant devenue comme du limon &
une efpece de terraud fort gras , il
vend cela aux jardiniers qui s'en fervent
comme d'engrais pour leurs
jardins.
Il ne faut pas s'imaginer pourtant
que le Khalits s'aiTciche de foi même.
Quand on le veut mettre à
fee, on le coupe en divers endroits
par le moyen de plufieurs petites
chauffées , par defllis lefquelles jettant
l'eau d'un côté & d'autre, on
la fait peu à peu fortir du Canal;
de forte qu'en peu de temps le fonds
fe iêche. Cela arrive ordinairement
environ le mois de Mai. En fuite
on en ôte le limon avec des pelles,
& des beches, & le chargeant fur
des ânes on le porte aux champs.
Si l'on ne faifoit cela, le Khalits
s'empliroit tellement en trois ou quatre
ans du limon que l'eau du Nil y
apporte avec foi , que toutes les
maifons feroient fous l'eau pendant
tout le temps de fon inondation.
De tour ce que nous venons de
dire il eft aifé de juger qu'en Egypte
pendant la plus grande partie de
fin du même mois le Nil commence Tannée on ne boit que de mcchanpcu
à peu à baiffer: C'eft pour cela! te eau dans les villes & dans les enciue
dés le commencement de ce ^ - ' - ' ''''•
mois on fait crier par toutes les rues
que tous les Sacas , ou porteurs
d'eau, n'ayent plus à aller puiferde
l'eau dans le Khalits. La raifon de
cela eft que lors que l'eau ne coule
plus que lentement elle ne vaut plus
rien à boire, parce que toutes les faktez
s'y arrêtent. Mais quand elle
droits qui font éloignez du Nil,
car ils n'en ont point d'autre que
celle qui a croupi des mois entiers
dans des timbres & refervoirs, ou
bien celle qui leur eft apportée par
les Mores dans des peaux de bouc ,
& qu'ils vendent par les rues, mais
qui ne vaut gueres mieux. Mais
pour celle du Nil, clic cil ordinaircmc*
u
e n E G Y P T E , SY r i e ; &c. 213
que dans le Levant elles n'ont
rement fort bonne & agreable à boire
quand cette riviere ne croît point,
principa- Apres ce Khalits qui eft la plus
ks iiies&longue rue de la Ville , fuit celle du
niarchez
des Efclavcs.
Hazard ou l'on tient le marché le
Lundi & le Jeudi, &oii l'on trouve
toujours une fi grande quantité de
monde, principalement les jours de
marché, qu'on a bien de • la peine à
percer la foule, C'eft une très belle
rue , fort longue & fort large, à
l'un des bouts de laquelle il y a un
Beziftan, ou une Halle qui eft remplie
el'aullî belles boutiques que celles
de Conftantinoplei & à l'autre
bout eft le marché des Efclaves,
pas tant de liberté qu'ailleurs.
Les Cophtes qui font proprement j.
les Ôhrêtiens d'Egypte, ont à pre-co^ta«.
fent deux Eglifes au Caire dont l'une,
qui eft confacrée à la Vierge
Marie , eft dans la rue Havet
Zuetle , & l'autre qui eft en celle
des Grecs, eft dédiée à S. Barbe, &
eft petite & obfcure. Autrefois ils
avoicnt plufieurs Eglifes & plufieurs
Cloîtres , & même aufli un Evêquc
au Chandal qui eft un des faubourgs
du Caire, mais à prefent elles font
toutes ruinées. Tout ce grand
nombre eft réduit à deux, dont l'un
içavoir des Efclaves blancs dont il i eft dcdié à l'Archange Gabriel , &
s'y en vend de toutes fortes. Hommes
Cr.iiid
nombre de i
fes liabi-O«
tans.
Femmes, Garçons & Filles &c.
Il y a encore un autre marché des
Efclaves où l'on vend les noirs de
l'un & de l'autre fcxe.
Four ce qui regarde la quantité
fes habitans, je n'ai jamais vu
de ville fi peuplée, & l'on a beaucoup
de peine dans les marchez &
autres endroits fréquentez,à percer
la foule du monde, on en a encore
plus à garder fa bourfc, car les Arabes
font les plus grands voleurs
du monde , auffi en ont-ils bien la
mine.
Le refte des Habitans c'eft, comme
prefque par toute l'Egypte, des
Turcs , des Mores (dont il y en a
quelques uns fort noirs) des Juifs &
des Chrétiens, fçavoir des Cophtes
& des Grecs : Car pour ce qui eft
des Européens on y en trouve tres
peu, & ceux que j'y ai vus de mon
temps, étoientia plus part François
qui avoient là leur Confuí. Pour
d'Anglois & de Hollandois, je n'y
en ai point trouvé. Cette abondance
de monde eft caufe qu'en
temps de pefte il en meurt une prodigieufe
quantité , mille ou quinze
cens pour un jour c'eft l'ordinaire,
& • quand pendant le cours d'une
contagion il en eft mort deux cens
mille , à peine le peut-on remarquer.
11 y a eu même de
certains temps qu'il en eft mort fix
ou fept cens mille. Ajoutez à cela
qu'on ne voit point de femmes par
les raës, oiij'au moins tres peu, parl'autre
à un certain Abbé nommé
Merkajur. C'eft ici aufli qu'ils ont
leur Cimeticre & qu'ils enterrent
leurs morts.
Dans la Ville & dans les fauxbourgs
on compte jufqu'a neuf
boucheries publiques auxquelles on
donne le nom de boucheries du
Grand Seigneur. Mais quand je
parle ainfi , il y faut aufli comprendre
Boulac où 1! y en a deux, dans
l'une defquelles on tué les boeufs, &:
dans l'autre les moutons & les chevres,
Peut-être porrent-elles lenom
que nous venons de dire, parce que
la tête & la peau de toutes les bétes
qu'on y tue , excepté les chevres,
appartiennent au Grand Seigneur,
ce que fes Miniftres favent convertir
en de grolTès fommes d'argent
qu'ils font venir dans les coffres de
fon Epargne.
La garnifon ordinaire du Caire Garnifon,
eft compofée de fept fortes de gens
de guerre, fçavoir les Metferracus,
les trois compagnies de Spahis, les
Janiffaires, les Chiaoux & les Aftiperes.
Avant que de finir ce chapitre il
faut que j'ajoute ce qui fuit. Un
jour que j'allois me promener hors
de la ville avec le Drogueman ou
Jnterprete du Confuí, je deflinai
auprès du Nil une partie de la ville,
telle qu'elle paroift N°. 86. L'endroit
qui eft marqué de la lettre A.
eft un coin du Chateau. Ce deffeing
De ilei ns
de quelques
fut bien tôt fuivi d'un autre ;
car lors que nous fumes rentrez dans
D d 3 • la
vues.
<t I,
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