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 nous  avions  en  vue  le  Cap  Lagata  
 qui  cil  à  cette  Ifle.  Le  26.  
 nous  fumes  fort  agitez  par  la  mer  
 qui  étoit  funeufemenc  émuë  ,  fans  
 pouvoir  ni  entrer  dans  le  port,  ni  
 faire  voile.  Quand  nous  fûmes  ve-1  
 nus  devant  le  Cap  Lagata  le  vent  
 nous  chalfa  encore  de  là,  cependant  
 on  commença  à  s'entre  regarder  
 triftement.  Quelques  uns  
 des  Grecs  allumoient  pendant  toute  
 la  nuit  des  bougies  devant  leur  
 S.  George,  à  qui  ils  promettoient  
 de  faire  une  offrande  d'argent,  
 s'ils  arrivoient  heureufement  à  terre;. 
  Car  c'eft  leur plus  grand  Saint,  
 &c  à  qui  ils  ont  recours  dans  ces  
 occafions  comme  à  leur  protefteur.  
 J1  y  en  eut  même  un  d'entre  eux  
 qui  vint  avec  fon  bonnet  recueillir  
 à  la  ronde  ce  que  l'on  voudroit  
 donner  pour  oifrir  à  ce  S.  George  
 au  premier  lieu  que  l'on  rencontreroit, 
   oCi  il  y  auroit  une  chapelle  
 dediée  à  ce Saint.  J'etois  tout étonné  
 de  la  fauHê  devotion  de  ces  
 Chrétiens  ignorans,  dont  celui  qui  
 faifoit  l'office  de  colledteur  des  offrandes  
 étant  enfin  venu  jufqu'à  
 nous,  demanda  auffi  quelque  chofe  
 pour  S.  George.  Je  hauifai  les  
 cpaules  &  lui  dis  que  je  ne  connoiflbis  
 point cet homme là,  & que je  
 n'avois  pas  cette confiance en lui qu'- 
 il  nous  pût  tirer  du danger  où nous  
 étions  ,  &  levant  les  doits  vers le  
 Ciel,  c'eft  de  là,  luidi-je,  que nous  
 le  devons  attendre  &  même  fans  argent. 
   Ainfi  flottant  par  la mer  avec  
 bien  de  l'inquiecude  &  du  chagrin  
 ,  d'autant  plus  que  nous  n'étions  
 plus  gueres  bien  fournis  de  
 pain  ni  d'eau,  nous  nous  trouvâmes  
 le  lendemain  matin  au  lever  
 du  Soleil,  eloigner  de  Damiette  de  
 cent  dix  milles  d'Italie plus que nous  
 n'en  étions  loin  le  jour  d'auparavant. 
   Alors  le  vent  commença  à  
 s'appaifer,  mais  la  mer  étoit  encore  
 extraordinairement  agitée.  Cependant  
 on  jugea  que  le  meilleur  
 confeil  que  l'on  pût  prendre  étoit  
 de  tourner  vers  Tripoli,  ou  S. Jean  
 d'Acri.  Apres  midi  on  apercent  la  
 terre  ,  mais  nos  matelots  ne  faifoient  
 là  defliis que  des  conjeaures  
 fort  incertaines.  Le  28.  nous  fiimes  
 tout  le  matin  à  ne  faire  que  
 flotter  à  caufe  du  vent  contraire,  
 mais  environ  midi,  comme  nous  
 eûmes  pris  un  autre  cours  
 nous  
 arrivâmes  à  deux  heures  
 devant  
 Sour  ou  Tyr  ,  qui  n'etoit  pas  peu  Sour  ou  
 éloigné  du  lieu  où  l'ignorance  de^y'  
 nos  matelots  leur  avoit  fait  croire  
 que  nous  arriverions,  aulTl  faut-il  
 avouer  que  ce  font  les  plus  pauvres  
 gens  de  marine  qu'il  y  ait  
 au  monde.  
 Cette  ville  eft  dans  la  Galiieé  au  
 midi  de  Said  ou  Sidon,  &  au Nord  
 de  S.  Jean  d'Acri.  Dès  que  nous  
 eûmes  jetté  l'ancre  ,  je  me  mis  à  
 en  deiiiner  la  vue  que  je  donne  
 ici  N°.  67.  telle  qu'elle  paroit  de  
 l'endroit  oii  nous  étions  à  l'ancre,  
 avec  toutes  les  ruines  qu'on  y  voie  
 depuis  un  bout  jufqu'à  l'autre.  Le  
 Chateau  eft  marque  à  la  lettre  A,  
 &  c'eft  la  feule  chofe  confiderable  
 qui  fe  prefente  à  la  vue,  tout  le  
 refte  qu'on  voit  fur  le  bord  de  la  
 mer  ce  ne  font  que  des  monceaux  
 de  pierres  &  d'anciennes  ruines  
 qu'on  voit  çà  &  là  le  long  du  rivage, 
   &  dont  il  y  en  a  quelques  
 unes  auxquelles  on  peut  reconnoitre  
 quelle  à  été  autrefois  la  grandeur  
 &  la  magnificence  de  cette  
 ville  fi  célébré  par  fon  commerce:  
 on  voit  aulli  quelques  reftes  de  ce  
 Port  fi  fameux,  qui  paroiflènt  hors  
 de  l'eau.  Il  y  a  très  peu  de  maifons  
 de  refte  qui  ibient  habitées,  
 &  c'eft  un  Aga  qui  y  commande.  
 Mais  je  m'étendrai  davantage  
 fur  cette  matiere  quand  je  parlerai  
 de  mon  retour.  
 Pendant  que  j'etois  occupé  à  
 defliner  la  ville,  mon  Camarade  de  
 volage  eraployoit  le  temps  a  pêcher  
 à  la  ligne,  &  la  manière  dont;  
 il  le  faifoit,  etoit  de  mettre  la  ligne  
 autour 1  de  fon  doit,  &  lors  
 qu'il  fentoit  que  le  poiiTon  avoit  
 mordu  l'appât,  il  tiroit  le  fil  avec  
 fes  deux  mains  l'une  après  l'autre,  
 par  ce  moien  nous  en  eûmes  un  affez  
 bon  plat,  &  nous  le  trouvâmes  
 d'un  goût  excellent.  
 J'euiTe  bien  voulu  débarquer  ici,  
 mais'  il  fallut  s'en  pailêr  >  parce  
 Z  que