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 C H A P I T R E  LXVI.  
 I k ^ a n  c f m e ^  C a r a v a n e  p o u r  la  ¡ S M e q u e .  %e n y e r f e m e m  
 d'une  maifon  à  Akp,  ok meurent  quelques  Armeniens.  Subtilité  de  l'air  
 d  Akp,  &  ulcere  qui  en provient,  Juif  qui  aune  grande  famille.  
 Omrae  j'ai  deflein  de  ramaf- 
 'fer  dans  ce  Chapitre  plufieurs  
 parcicularitez  qui  prifes  féparément  
 ne  pourroient  pas  fournir  de  matiere  
 à  autant  de  Chapitres  particuliers  
 ,  &  que  le  peu  de  liaifon  
 qu'elles  ont  enfemble  ne  me  permet  
 pas  de  m'y  propofer  aucun  
 ordre  ,  j'cfpere  que  le  Lefteur  
 voudra  bien  les  recevoir  telles  que  
 je  les  îuiprefente.  
 Départ  Le  4.  d'Oaobrc  il  partit  d'ici  
 rava'S:'^"""^  CaraTOnc  pour  ia  Mecque-,  la  
 ¡»¿"^a  marche  qu'elles  tiennent  ordinaireilecque. 
   mène  eft  aflèz  agreable  s  à  caufe  
 du  concours  dei  iiabitans  qui  y  
 viennent  en  foule.  Car  perfojiiie  
 pour  ainfi  dire  ne  demeure  à  la  
 maifon  ,  &  tout  ie  monde  ,  tant  
 les  femmes  que  les  hommes  fortent  
 de  la  ville  pour  voir  partir  
 la  Caravane.  Cela  ne  fe  fait  qu'- 
 une  fois  tous  les  ans  ,  &  pour  
 faire  ce  voiage  on  accommode  
 les  chameaux  &  les  mulets  le  
 plus  proprement  qu'on  peut  ,  en  
 leur  mettant  des  bouquets  de  
 plume  à  la  tête  ,  &  d'autres  ornemcns  
 ,  parce  que  la.  plufpart  
 de  ceux  qui  entreprenent  ce  
 voiage  ne  le  font  que  par  plaifir,  
 ou  par  devotion  ,  lors  qu'- 
 ils  vont  vifiter  le  Tombeau  de  leur  
 Prophete.  
 Renverfe-  Autant  qu'il  y  eut  de  plaiiir  à  
 "emaifon.'*'«"'  P^mr  cette  Caravane  ,  autant  
 fut  trifte  un  accident  dont  
 je  vai  parler.  Le  26.  Février  de  
 l'année  fuivante  1683.  il  arriva  
 par  malheur  qu'une  certaine  maifon  
 vint  à  fondre  :  Il  y  eut  fix  
 Arméniens  enfevelis  fous  fes  ruines  
 ,  &  un  autre  qui  fut  fort  
 blclTé,  ils  y  étoient  venus  pour  fe  
 divertir  enfemble.  
 On  a  à  Alep  un  air  extrêmement  
 fubtil  ,  qui  caufc  à  la  plus  Siibtilitij   
 J  '  -  1  ut;  I .  
 part  des  étrangers  une  elpece  de  Alep  
 g a l l e ,  qu'on  appelle  ordinaire-ma'  
 ment  le  mal  a'Alep.  Il  commence  
 par  une  petite  puftule  qui  
 caufe  des  demangeaifons  ,  &  il  
 demeure  en  cet  état  pendant  quelques  
 femaines  ,  enfuite  cela  s'augmente  
 jufqu'a  ce  que  la  puftule  
 devienne  groife  comme  le  bouc  
 du  doigt  ,  &  alors  elle  reflemble  
 à  une  groiTe  bube  Elle  refte  
 ainfi  un  an  entier  ,  en  rendant  
 continuellement  du  pus  :  Mais  
 cette  incommodité  produit  cet  
 avantage  ,  que  ceux  à  qui  elle  
 vient  5  ne  doivent  pas  craindre  
 d'être  malades  ,  la  nature  fe  déchargeant  
 vraifemblablement  de  
 toutes  fes  mauvaifes  humeurs  
 par  cette  fuppuration.  Ce  mal  
 vient  indifféremment  à  toutes  les  
 parties  du  corps  ,  mais  le  plus  
 fouvent  ,  c'eft  à  une  des  mains.  
 J'en  ai  vû  tel  qui  l'avoit  fur  le  
 nez  ,  un  autre  à  la  levre  ,  de  
 forte  que  c'eft  quelque  fois  un  mal  
 fort  incommode  ,  principalement  
 dans  ces  fortes  d'endroits.  J'avois  
 demeuré  plufieurs  mois  à  Alep  
 fans  m'apercevoir  de  ce  mal,  mais  
 enfin  il  me  vint  comme  aux  auj  
 très  ,  &  je  l'eus  au  menton  ,  &  
 j quoi  que  je  partiflè  d'Alep  avant  
 que  le  mal  fût  venu  à  fa  maturité  
 ,  il  me  continua  toujours  jufqu'a  
 ce  que  l'année  fik  achevée.  
 Il  eft  donc  fort  croiable  que  
 quand  une  fois  ce  mal  s'clt  attaché, 
   le  venin  gaigne  li  avant  qu'- 
 il  ne  peut  plus  en  être  chafle  quoi  
 qu'on  change  d'air.  Il  faut  auffi  
 attribuer  à  cette  fubtilité  de  
 l'air  d'Alep  ,  ce  que  l'on  voit  
 ordinal