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 garder  les  uns  les  autres  au  travers  
 d'une  grille  de  fer.  La  porte  écoit  
 cependant  gardée  par  deux  huiffiers  
 avec  leurs  fiilils  chargez.  Apres  
 deux  grofles  heures  nous  fûmes  me-,  
 nez  devant  le  Gouverneur,  à  qui  je  
 donnai  mon  paflèport,  &  dès  qu'il  
 l'eut  lû  il  commanda  qu'on  nous  
 donnât  la  liberté  ,  &  qu'on  nous  
 laillàt  aller  oil  nous  voudrions.  
 Quand  donc  je  me  vis  en  liberté  
 j'euflê  bien  voulu  retourner  fur mes  
 pas  pour  fatisfaire  ma  premiere  envie  
 ,  mais  je  ne  pus  jamais  y  faire  
 confentir  ma  compagnie  ainii  nous  
 continuâmes  nôtre  voyage.  
 Mola,  Quand  nous  fûmes  venus  aux  environs  
 de  Mola  je  trouvai  un  Amphitheatre  
 tout  ruiné.  Le  Pais  qui  
 Caïete  qui  eft  en  grande  partie  fitueé  
 s'etend  depuis  ici  jufqu'a  la  riviere  
 Garigliano,  &  qu'on  eftime  à  environ  
 trois  heures  de chemin,  eft  l'endroit  
 où  etoit  autrefois  la  celebre  
 ville  de  Minturne,  auprès  des  ruines  
 de  laquelle  cette  rivière,  qui  fépare  
 le  pais  de  Labour  d'avec  le territoire  
 de  Rome,  fe  va  décharger  
 dans  la  mer  de  Tofcane.  Je  trouvai  
 auprès  de  cet  Amphitheatre  un  
 aflèz  long  Aqueduc,  avec  plufiéurs  
 autres  ruines  ,  du  refte  il  eft  aíTez  
 difficile  de  reconnoitre  quel  lieu  c'etoit  
 autre  fois.  
 D'ici  on  palle  l'eau  pour  aller  à  
 dans  la  mer.  Cette  ville  porte  
 le  nom  de  la  Nourrice  d'Enée  qui  y  
 eft  enterrée.  On  voit  dans  le  Château  
 le  fquelette  de  Charles  de  
 Bourbon  Général  d'armée  de  l'Empereur  
 Charlequint,  qui  mourut  le  
 fixieme  de  Mai ifz/.  à  l'aflitut,  &  
 lors  qu'il  montoit  à  l'Efcalade  du  
 Fort  de  Saint  Pierre  à  Rome.  Son  
 corps  fut  porté  à  Caïete,  &  y  fut  
 mis  en  terre  avec  cet  Epitaphe.  
 AuBo  Imperio,  Gallo  -uiiio,  Superata  
 Italia  ,  Tontifice  obfefo,  
 Roma  capta  ,  Borhonius  hìc  jacet. 
   
 „  Cy  gift  Bourbon  après  avoir  
 „ é t e n d u  les  bornes  de  l'Empire,  
 ,,  vaincu  les  François,  s'etre  rendu  
 „  maiftre  de  l'Italie  ,  avoir  affiégéle  
 „  Pape,  &  pris  la  ville  de  Rome.  
 O n  montre  aufli  dans  ce  lieu  une  
 ouverture  ou  une  fente  dans  un  rocher  
 ,  qu'on  dit  qui  s'cft  faite  dans  
 le  temps  que  Notre  Seigneur  rendit  
 l'Efprit.  
 Le  lendemain  au  matin  nous  paffâmes  
 par  Terracine  qui  a  été  autre- cine,  
 fois  un  fameux  Port  pour  les  vaifféaux  
 des  Romains,  &  enfin  nous  
 nous  rendîmes  à  Rome  le  ló.  
 May.  
 e n  E G Y P T E ,  S Y R I  E ,  &c-  lî  
 • C H A P I T R E  IV.  
 Départ  de  %ome  à  Ligourne.  Jeu  h  'Bdon  dans  ce  lieu  
 là.  Combat  du  'Font  à  'Pife.  Arrivée  de  la  Flotte  Hollandoije  de  
 Srnyrne  a  Ligourne.  l'Auteur  s'y  embarque.  
 a ;  
 CHAPIulïï  
 toft  que  je  fus  de  retour  à  
 ^Romc  ,  je  commençai  à  me  
 preparer  pour  aller  à  Ligourne  ,  le  
 défir  que  j'avois  de  voir  les  païs  étrangers  
 s'étant  tellement  augmenté  
 par  la  vue  de  Rome  &  de  quelques  
 autres  villes  confiderables  &  de  divcrfcs  
 raretez  que  j'y  avois  obfervées, 
   que  je  m'imaginois  que  je  
 n'aurois  jamais  alîèz  de  temps  pour  
 contenter  mon  envie.  
 Je  pris  donc  congé  de  mes  amis  
 le  i(S,  de  Juin  1677.  &  donnai  à  
 Souper  à  tous  les  Confreres  avec  
 qui  j'avois  pailè  fore  agicablement  
 la  plus  part  du  temps que j'avois  demeuré  
 à  Rome,  Le  lendemain  matin  
 ils  me  traitterentàleur  tour,  par  
 un  grand  déjeuner  qu'ils  me  donnèrent  
 hors  de  la  ville,  après  quoi  je  
 quittai  Rome,  en  repaflant  fouvent  
 Départ  efprit  tous  les  divertilTede  
 a ^ s .  ™Ens  que  j'y  avois  eus.  
 Comme  il  étoit  déjà  tard,  nous  
 pallîmes  la  nuit  à  la  premiere  pofte  
 nommée  Afiura,  &  la  lendemain  
 Aftura.  matin  nous  vinmes  pour  la  Seconde  
 fois  à  Monte-Fiascone  :  Le  ip,  
 nous  fûmes  obligez à caulè  des  grandes  
 pluyes  ,  de  palier  quatre  fois  
 la  Riviere  de  Rigo,  Le  foir  nous  
 Siene.  vinmes  à  i/raf ,  &  le lendemain  matin  
 à  Florence.  
 Nous  y  demeurâmes  jufqu'au  îS.  
 que  nous  vinmes  à  Pife,  où  entre  
 autres  Ciiriofitez je trouvai  une  Tour  
 fort  remarquable.  Elle  n'eft  pas  
 droite  comme  les autres Tours,  mais  
 elle  penche  un  peu  d'un  côté,  &  
 elle  a  été  ainfi  bâtie  à  deiTein.  C'eft  
 ici  qu'etoit  autrefois  le  Port  de  
 Florence.  
 Le  29.  nous  nous  rendîmes  à  Lii  
 Ligoui-gourne  qui  pour  plus  d'une  raifon  
 me  parut  11  agréable  que  j'y  paflai  
 un  an  entier.  C'eft  un  port  de  mer  
 ^  du  Pont  i  
 Pife,  
 Florence.  
 m.  
 Arrivée  
 fort  célébré où l'oil  voit  tous les  jours  
 entrer  &  fortir  quantité  de  vaifleaux.  
 Le  jeu  du  Balon  y  eft  fort  en  .  
 vogue  dans  le  temps  du  Car-Balon.  
 naval.  Il  conllfte  en  deux  partis,  
 dont  chacun  tâche  d'être  aulli  long  
 temps  maître  du  Balon  ,  qu'il  le  
 peut  pouflèr  par  delà  les  autres.  
 L'endroit  qui  fert  de  bornes  à  ce  
 jeu  eft  tendu  d'une  corde  qui  l'environne  
 &  le  jeu  eft-  fort  divertiffant  
 pour  les  Speftateurs.  
 Pendant  que  je  demeurai  à  Li-  Combaè  
 gourne  ,  j'allai  à  Pife  pour  y  
 le  combat  du  Pont,  Les  Combattans  
 y  viennent  vêtus  de  cuiraflès,  
 le  cafque  en  tête  ;  Ils  ont  chacun  
 leur  enfeigne  que  l'on  plante  aux  
 deux  extremitez  du  Pont  qui  eft  
 raifonnablement  long  ,  &  large  à  
 proportion.  Le  Combat  fe  fait  
 avec  de  certains  inftrumens  de  bois  
 faits  expres  ,  qui  leur  prennent  le  
 long  du  bras  ,  &  y  font  attachez  
 ferme.  Ils  s'en  donnent  de  fi  rudes  
 coups  ,  que  j'en  vis  emporter  
 quelques  uns  tout  en  làng  &  la  
 téte  caiTée.  La  Viftoire  confifteà  
 fe  rendre  maitres  du  Pont,  de  la  
 même  maniere  qu'au  combat  qui  
 fe  fait  à  coups  de  poing  à  Veniib  
 entre  les  Caftillans  &  Nicolottes.  
 Quelque  agreable  que  me parût la  Arrirà  
 demeure  de  Ligourne,  je  n'y  auroisde  la Flot.  
 pas  pourtant  pafle  toute l'année fi ce  ts^ollMn'euft  
 été  que  je  voulois attendre la  |  
 Flotte  de  Hollande  qui alloit  à Srayr- Ligourne,  
 ne  avec  laquelle  je  me  propofois  de  
 paflèr en Turquie,  Elle arriva enfin, &  í^Auteur  
 je  cherchai  l'occalion  de faire  amitié s'embatavec  
 le  Sieur  Jean  Minne  qui  en  é-1"^- 
 toit  le  Commandant  &  qui  montoit  
 le  vaiffeau  le  Prince  à  Cheval  ,  à  
 quoi  aiant  réüiTi,  je  fis  mes  préparatifs  
 pour  le  voyage,  
 CHAPIli  
 il  
 n