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V O Y A G E
rcr bien des infolences, ce qui
vient, en grande partie , de ce qu'-
ils nous voientà tout moment arriver
d'Europe avec de nouvelles modes
d'iiabits , qu'ils regardent comme
des chofes indignes de la gravité de
l'homme , & qu'ils traittent de Singeries
inutiles, aufli nous appellentils
des fingcs fans queue. Sur tout
ils en veulent à nos chapeaux qu'ils
nous ôtent à tout moment de deiTus
la tête , deforte que le plus feur eft
de s'habiller à leur manière pendant
qu'on eft dans leur païs. A propos
de quoi il me fouvient de quelque
chofe' qu'il faut que je remarque ici
en paflànt.
Erreur.™ ^Qijdq"« voiageurs ont écrit
fujet des qu'il n'etoit pas permis aux Chrécouleurs
ticns de porter le Turban blanc,
pasperrai^'^'®'^ à dire de le porter tout blanc &
aux Clirè-ÛHS y mèlcr quelque autre couleur;
tiens dc& que ii un Chrétien était trouvé
e -
Turquie.
mes : T dt
•quie.
Horter eu Xu r b a n , il fuidroit qu'-
il fe fît Turc , ou qu'autrement on
le feroit mourir. C'eft une erreur,
car moi même je fuis allé à Ephefe
& à Conftantinoplc avec le Turban
blanc fans qu'on m'en ait fait aucune
peine; & pour ce quieft du Turban
vert , il n'y échet pas non plus
une fi grande punition que quelques
uns le prétendent , je l'ai vu même
porter à quelques uns de nos Chrétiens.
Il eft vrai que le plus iêureft
de s'en abftenir, pour prévenir tout
inconvenient , & il n'y a rien de
plus raifonnable que de fe conformer
aux maniérés d'un pais oii l'on
fouhaitte de jouir paifiblement des
droits de l'hofpitalité.
Sodomie Outre les défauts des Turcs, que
fort com-nous venons de rapporter, laSodoteTureî
™"« ^ft ordinaire parmi eux, &
ils s'en font aulîî peu une affaire,
qu'on fait ailleurs des galanteries
les plus innocentes ; c'efl le fujet
ordinaire de leurs chanfons , de
même que le vin, par où ils font
ailcz connoitre qu'ils fe plaifent
bien plus à cette pafïïon brutale &
contre nature, qu'a la fréquentation
naturelle des femmes. Ils font auifi
d'ordinaire enclins à l'ivrognerie
pourveu qu'ils le poifTent faire fecrettement
& fans faire tore à leur
L E V A N T
reputation ; & comme il n'y a perfonne
qui connoifTe mieux qu'eux
de quelle vertu eft l'argent, auifi
pourroit-on difiicilement trouver des
gens qui le convoitent avec plus d'avidité
qu'eux, jufques là qu'il n'y a
rien^qu'on ne leur fafTc faire pour
,dc l'argent , comme on fait tout
faire aux plus vils d'entre eux pour
quelques verres de vin.
Les defiuts de leurs femmes ne Def™ts
font pas moins grands; elles ont entre
autres celui de la fiinéantife , &
de ne fonger qu'aux moieiis de fe
donner du plaifir. Celles qui font
riches ne font rien autre chofe que
d'etre avec leurs amies , aififes fur
un à prendre du Caiïe, Scelles
paiîent ainfi tout leur temps dans
l'oiiiveté , fans j.imais fe faire un
devoir de s'occuper à quelque travail
honnête. Il s'en trouve pourtant
quelques unes entre elles qui
fçavcnt broder fort proprement. J'ai
vu des Houffes de cheval fort riches,
&desmouchoirs ouvrez, oula
foye de diverfes couleurs , l'or &
l'argent, étoient fi bien mis oeuvre,
qu'on auroit de la peine à les imiter
dans notre Europe. Elles font
aufïï fort fuperbes, & ont tant de
îaftion pour les ajuftemens, qu'eles
ne font jamais affez richement
habillées à leur gré, fans fe mettre
en peine fi leur état &-leurs facultez
le leur permettent. La Chafteté
n'eft pas non plus la vertu dont elles
fe piquent le plus, foit que le
mépris & la jalouflc de leurs maris
en foit la caufe , foit qu'elles
ayent naturellement du penchant au
libertinage ; Au moins quand elles
recontrent quelques Francs dans la
rue, (ce qui ne leur arrive que rarement
parce qu'elles font prefque toujours
renferméesO & qu'elles font
hors de la vue de leurs Maris &des
autres Turcs , elles s'arrêtent pour
parler à ces Etrangers , & dans ce
qu'elles leur difent elles mêlent bien
des douceurs & des paroles pafîionnées
i Elles leur difent qu'elles ont
grand regret de ce qu'ils font Infidèles,
qu'elles voudroient fe faire brûler
pour eux &c. elles accompagnent
même cela de mouveraens fi tranfportez,
e n E G Y P T E ,
portez , qu'il eft difficile de ne fe
pas kifler toucher, principalement
fi en tirant un peu le crefpe noir qui
leur cache ordinairement le vifage,
• elles jettent quelques coups d'ceil
qu'elles ont fort beau , & accompagnent
ainii de quelques regards amoureux
leurs paroles attraiantes &
leurs geftes paflionnez. Cela m'eft
arrivé plus d'une fois, & ainfi j'en
puis parler avec certitude. Elles
font d'ordinaire fort blanches, à
quoi ne contribue pas peu ce qu'elles
ne voycnt prefque jamais le Soleil
ni la limiierc; Mais elles ontencorc
recours à l'art pour augmenter
leur beauté naturelle , car elles fe
peignent les fourcils & les paupieres
avec un certain noir qu'elles appellent
Sarí^íe, qu'elles s'imaginent qui
leur ajoute quelque agrément, & je
fcrois aflcz de leu rien timen t. Elles
peignent aulli leurs ongles d'un rouge
obfcur qu'elles nomment Elhanna:
Et pour ce qui eft du reftc de
tout leur corps, oii l'on remarque
rarement quelque défaut exterieur,
elles l'ont ii propre & fi net, à caufe
qu'elles fe baigncntau moins deux
fois la femaine , que nos Femmes
d'Europe leur doivent ncceffairement
ceder, fans en excepter même
vajufqu'a
& jaloufie efclavedes maifons, & à lesièrdes
Turcs vir comme des Idoles.
Hu^s" agrémens des femmes
des Turquie ne font pas que
S Y R i E , &c. 1-4.1
leurs^ maris les en eftiment davantage,
à peine leur font-ils l'honneur
de les tenir pour des animaux raifonnables.
Auffi ne croient-ils pas
qu'elles aillent en paradis , & ils
ne leur permettent pas nqn plus d'entrer
dans leurs Moiquées , comme
fi elles n'etoicnt capables que deles
troubler dans leur dévotion. Cependant
quoi qu'elles foient fi raeprifées
, & que leurs maris leur
îrefercnt de jeunes garçons, ils ne
aifîent pas d'en etre fÎ jaloux , & .
de s'en defficr tellement, à caufe
de la foibleffe du fexe, qu'ils ne leur
permettent pas de voir aucun homme,
fuft-cc même leurs plus proches
parens; & une femme qui montrcroit
fon vifiige découvert , ou fes _
mains feulement , paiJèroit pour
déshonorée, & auroit des coups de
latte fiir le derrière. Elles ne vont
jamais au marché', m on ne les voit
point dans les rues, fi ce n'efr pour
aller aux bains. Au refte, plus elles
font mariées à des perfonnes de
qualité , & plus font elles malheureufes
par rapport à la liberté,
car comme nous l'avons dit, les perfonnes
de qualité , & qui ont du
bien, ont chez eux des bains, &ainfi
ils tiennent leurs femmes renfermées
au logis , où ils les font garder
par des Eunuques, de forte que les
pauvres Dames ne fçauroient trouver
aucun pretexte pour fe divertir un
peu.
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