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li • ••• 178 VOYAGE au L E V ANT
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que les Turcs y rançonnent trop
les voiagcurs. Je fis donc venir
un Arabe à notre bord, avec lequel
nous fîmes marché pour nous mener
avec fe barque par Acri à Jaffa
, & nous lui donnâmes de l'argent
d'avance , à condition qu'il
nous feroit partir dés le lendemain
de bon matin. Il y avoit encore
là quatre Saïques qui étoient deftinées
pour Damiete , qui firent
voile dès le foir avec un vent de
rcrre. Notre Capitaine voiant cela
fe mit aufli en état de partir,
parce qu'il étoit de Damiete , &
pour cet effet il nous fit conduire
avec fa chalouppe jufqu'au vaiflèau
que nous avions loué, & que nous
trouvâmes qui étoit entre de vieilles
ruines, auprès du Chateau que
les Turcs ont bâti dans cet endroit.
Mais à peine y fumes-nous arrivez
que les Turcs qui y faifoient
garde, nous crierent que nous nous
retiraffions, & que fi nous approchions
davantage ils feroient feu
fur nous , ainfi nous fumes obligez
de retourner à notre Saique
après avoir bien pris de la peine
inutilement, parce que nous trouvâmçs
que nous avions à faire
à de tres malhonnêtes gens, nous
rentrâmes donc dans notre bord &
nous nous mîmes à la voile.
J'etois cependant fort chagrin,
parce que je craignois , qu'en allant
à Damiete il ne me reftât pas
aiTez de temps pour pouvoir être
à Jerufalem à la fête de Pafques;
cela fut caufe que j'offris un prefent
de vingt Écùs à notre Capitaine
11 le lendemain il me vouloir
mettre à terre environ Acri , ou
en tel autre endroit qu'il voudroit;
mais il y avoit à ce qu'il pretendoit,
plufieurs raifons qui l'empéchoient
de le pouvoir faire. Nous
eûmes un veut de Sud qui nous
dura tout le 29. mais c'etoit un
vent fi mou , qu'il ne nous permit
pas de faire autre chofe que
de flotter lentement aux environs
de la Galilée, fans jamais perdre
de vue le mont Carmel , & aiant
toujours St. Jean d'Acri & Jaña
bien loin de nous. La nuit nous
eûmes le vent favorable du côté du
Nord-Nord-Eft , mais au jour le
calme revint, & nous perdîmes de
vue lestrois Saïques que nousavons
d i t , de même que la Terre, parce
u'elle eft fort bafle dans cet en-
'roit. A une heure après midi nous
jettâmcs l'ancre devant l'cmboucheure
de Damiete. Le lendemain
qui étoit le dernier jour de Mars à
la pointe du jour nous vîmes la terre
d'Egypte , y aiant bien encore
trois heures de mer, à caufe des
grandes grèves qu'il y a.
Un peu après le folcii levé un
Germe qui eft un petit vaiflèau .découvert
mené par quatre ou cinq
Arabes, nous vint prendre à notre
bord pour nous faire pafler le Bogas,
ou l'emboucheure du Nil. Avec ce
petit vaiflèau nous montâmes environ
trois milles d'Italie furia riviere,
le long de laquelle il y auoit beaucoup
de Saïques & d'autres vaiffeaux
qui étoient à l'ancre les uns
auprès des autres,
A un Bourg qui cft ici je vis
luelques Tentes Arabes dreffées,
!ont on voit la figure N". 68. &
nous fumes obligez de paflèr dans
une barque plus petite encore que
notre Germe , qui nous mena en
remontant la riviere à Damiete,
elle en eft bien environ à huit
milles.
A onze heures nous débarqua- ^„¡„ì^j
mes, & nous fumes auffi tôt con-Damiette.
duits à la Douane , afin de faire
vilîter nos hardes, mais avant que de
paiTer plus avant, je dois ici faire
part au Lecteur d'une aventure qui Avanture
nous arriva. Nous entrâmes, comme
j'ai dit, de notre Saïque dans un Arabes.
Germe , mené par quatre ou cinq
Arabes. Quand nous fumes en
chemin, ces fripons voiant que nous
étions des Européens commencèrent
à complotter contre nous, &
voulurent nous faire d'abord paier
notre paflàge avant que de nous
avoir mené où ils nous devoient rendre.
Je remarquai que ce qu'ils en
faifoient , c'etoit afin quenous ne
viifions pas ce que les autres Paffagers
payeroient, & je leur fis ligne d'aller
premièrement à eux ; mais parce
que