
 
        
         
		f  
 M f i  
 3 9 6  V O Y A G E  a u  L E V A N T  
 nous  mîmes  pied  à  terre,  &  nous  
 nous  rcpo  fîmes  jufqu'a  deux  heures;  
 puis  continuant  notre  chemin  nous  
 vnimes  en  peu  de  temps  à  la  montagne  
 ,  &  de  là  à  une  fontaine  aux  
 environs  de  laquelle  on  découvre  la  
 mer,  Smyrne,  &  le  Château,  ce  
 qui  fait  une  très  agréable  vue.  De  
 là  venant  dans  la  plaine  où  il  y  a  
 quantité  de  petits  Bocages,  on  çaffe  
 quelques  bourgs  jufqu'a  quatre  
 bonnes  heures  de  Smyrne.  Je  quittai  
 la  Caravane  en  cet endroit,  parce  
 qu'étant  fi  près  du  port  que  je  
 defirois  il  y  avoit  longtemps,  je  
 trouvois  qu'elle  màrchoit  trop  lentement. 
   Je  pris  donc  le  devant,  &  
 j'arrivai  à  Smyrne  environ  cinq  heures. 
   Je  n'y  fus  pas  plutôt  que  j'allai  
 au  logis  du  Conlul  Mor.faur  van  
 Dam.  
 Il  n'y  a  jamais  eu  de  traître  qui  
 m'ait  plus  ennuyé  dans  mes  voiages  
 que  celle  c i ,  parce  que  dans toute  h  
 Caravane  il  n'y  avok  pas  une  feule  
 perfonne  qui  entendît  la  langue  des  
 Francs,  non  pas même mon  Viturin;  
 de  forte  que  comme  je  n'cntendois  
 pas  celle  des  Turcs,  je  ne pus  m'inflruire  
 de  rien,  pendant  toute  la  
 route,  ni  de  la  difpolition  du  païs,  
 ni  des  villes,  ni  des  bourgs,  non  
 plus  que  de  leurs  noms,  &  c'eft  ce  
 qui  eft  caufe  de  ce  que  je  n'ai  pu  
 faire  aucune  remarque.  
 CHAPIe 
 n  E G  Y P  r  E ,  S  Y R I  E ,  & c .  39 7  
 C H A P I T R E  LXXVI.  
 Etrange  aloanture (jui  arr'm  à  l'Auteur,  qui  à caufe de la  
 rejjemblance  des  noms-¡fut pris  pour  un de  ceux  qai  ulfajfmerent,  le  Tenfwnnaire  
 'ûelVit.  
 APres  que  j'eus  été  quelques  femaines  
 à  Smyrne  ,  j'apris  une  
 choie  qui  me  furprit  autant  qu'elle  
 me  donna  de  déplaifir.  Comme  elle  
 interelfe  mon  honneur.,  j'ai  crû  
 que  je  la  devois  inferer  ici,  tant  
 pour  mon  propre  interell,  que  pour  
 faire  voir  les  é:ra]iges  avantures  qui  
 peuvent  arriver  aux  perfonnes  qui  
 voiagent.  Tout  le  monde  fçait  ce  
 qui  arriva  au  grand  Penfionnaire  
 Monlieur  Jean  de  Wit,lc2i.dc  
 Juin  ÌÓ72  ,  qui  fortant  à  onze  heures  
 du  foir  de  l'Ailemblée  de  Mef  
 Jieurs  les  Etats  de  Hollande,  fut  attaqué  
 par  quatre  perfonnes,  qu'un  
 zele  iiidifcret  &  furieux  porta  à  affalliner  
 ce  Miniftre  d'état,  deflèin  
 qu'ils  euflent  de  moi  cette  pcnfée.  
 J'appris  aufli  que  même  avant  que  
 je  partiflc  pour  la  Turquie  , &  lors  
 que  j'étois  encore  à  Ligourne,  je  
 paflbis  déjà  pour  cela.  Ce  qui  me  
 lèrabla  le  plus  à  propos  dans  cette  
 occafion  ,  ce  fut  d'aller  dès  le  lendemain  
 au  matin  me  laver  de  cette  tache  
 ,  auprès  de  tous  ceux  à  qui  je  
 crus  le  devoir  faire,  &  premièrement  
 auprès  de  Monfieur  Giacomo  
 de  Bucqttoi  chez  qui  j'étois  logé,  à  
 qui  je  donnai  toutes  les  raifons  que  
 je  pus  produire  du  contraire,  &  entre  
 autres  je  lui  fis  remarquer  une  
 différence  confiderable  d'âge,  puis  
 que  je  n'étois  alors qu'un  jeune  homme  
 de  vingt  ans,  au  lieu  que  celui  
 qu'ils  exccuterent  aulTi,  comme  cela  i qui  avoit  attaqué  M'.  De  Wi t  étoic  
 n'efl:  que  trop  connu  par  l'hifioire  incomparablement  plus  âgé.  lime  
 de  ce  temps  là.  Et  il  paroit  par  la j repondit  mgenuement,  qu'il  m'avoic  
 fentence  qui  fut  rendue  contre  un  
 des  complices,  que  ces  quatre  perfonnes  
 aiant  tiré  au  fort  à  qui  frapperoit  
 le  premier  ,  le  fort  tomba  
 par  deux  fois  fur  un  nommé  
 C O R N E I L L E  DE  BRUYN.  Cette  
 conformité  de  nom  &  de  fiirnom  
 avec  ceux  que  je  porte  fut  caufe  
 qu'on  me  prit  pour  ce  complice  de  
 la  mort  du  Penfionnaire  ,  comme  
 j'en  fus  averti  un  foir  par  un  de mes  
 amis :  &  cette  opinion  étoit  fi  bien  
 imprimée  dans  l'efprit  de  tout  le  
 monde  ,  que  perfonne  ne  doutoit  
 que  cela  ne  fût  vrai.  Je  fus  furpris  
 je  l'avoue,  &  je  ne  pus  aifez  m'é  
 tonner  qu'aiant  demeuré  fept  ans  en  
 Turquie  ,  &  aiant  logé  chez  plu  
 fieurs  perfonnes  d'honneur  &  même  
 de  diftinfliion,  qui  m'avoient  donné  
 toutes  fortes  de  marques  deleureifinie  
 &  de  leur amitié,  lans y être  obligez  
 que  par  leur  generofité,  pas  un  
 d'eux  ne  m'eût  jamais  fiut  paroitre  
 qu'il  fûc  dans  cette  prevention,  ni  
 toujours  pris  pour  cette  perfonne,  
 mais  qu'il  étoit  fort  aife  d'avoir  éié  
 trompé  en  cela.  Je  me  plaignis  enfuite  
 à  lui,  de  ce  qu'aiant  été  depuis  
 fi  tongtemps  auffi  bons  amis  que  
 nous  l'étions,  il  ne  m'avoit  jamais  
 rien  témoigné  de  cela  ;  que  ce  n'étoit  
 pas  avoir  agi  en  bon  ami,  puis  
 qu'il  fçavoit  bien  que  cela  donnoit  
 une  atteinte  à  ma  reputation  &c.  
 A  cela  il  m'allégua  des  raifons  
 qui  avoient  quelque  apparence,  &  
 dont  il  fallut  bien  que  je  me  contentaiTe. 
   Apres  l'avoir  quitté  je  
 m'en  allai  trouver  Monfieur  van  
 Ham  notre  Confuí  ,  auquel  aiant  
 fait  à  peu  près  les  mêmes  plaintes,  
 il  me  dit  auffi  qu'il  m'avoic  toujours  
 pris  pour  cet  homme  là,  &  qu'il  
 n'y  avoit  perfonne  à  Smyrne  &  à  
 Conftantinople  qui  en  doutât.  Il  
 me  demanda  en  même  temps  quelles  
 preuves  je  pourrois  donner  que  je  
 n'etois  pas  celui  pour  qui  l'on  me  
 prenoit.  Je  lui  repondis  que  j'avois  
 D  d  d  3  ftii:  
 JL!I,  » « Ï  ^AÄKMSF.