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122 VOYAGE au L E V A N T
C H A P I T R E XVII.
'RefpeB des Turcs pour fefus Cbrijl, fourlaVierge cMarie,
& pour les 'Prophètes. Leur opinion touchant les quatregrandsTrophetes
ou Legijlateurs envoiez de Dieu au monde, de même que fur le
'Paradis & ^Enfer. Erreurs des voiageurs fur l'adoration des Saints &c.
Q'| U e l q u e extravagante que foit
la Religion des Mahometans,
ils ne croyent & ils n'adorent pourtant
qu'un feul Dieu, qu'ils reconnoiilènt
comme Eternel, Toutpuiff
a n t , & Createur du Ciel & de la
Terre.
RePpca Ils ont auffi un grand refpeft pour
pol^ëfc Not r e Seigneur Jefus Chriit & pour
Chrift , la Vierge Marie, lis croient que Jepour
1.1 fus Chrifl ejî le plus grand de tous
Mail&c Prophetes -, conceu. par le fouffle
' de Dieu au -ventre de la Vierge
Marie, -vierge devant, ér -vierge apres
l'enfantement. Mais ils ne veulent
en aucune maniéré le reconnoitre
pour le Fils de D i eu, & ils nous
reprochent qu'encore qu'il n'y ait
qu'un Dieu & qu'il n'ait point de
compagnon , nous lui en joignons
un autre , en lui donnant un Fils.
Ils regardent aullî comme une chofe
fort deraifonnnable ce que nous tâchons
de leur infinuer touchant la
T r i n i t é , ils n'en veulent point ouir
parler , & ils croyent qu'il y a de
l'extravagance, & même de l'Impiété
à recevoir de telles Dodrines. Ils
veulent bien reconnoitre à la vérité
les miracles que nôtre Seigneur a
faits pendant qu'il a converfé fur la
Terre , du moins ils ne nient pas
qu'il n'en ait Fait plufieurs , Se même
très grands ; mais comme ils s'ecartent
toujours du droit chemin, ils ajoutent
qu'il a prédit aux Juifs la venue
de Mahomet : que ce fut pour cela '
qu'ils tâcherent de le faire mourir,
de mém.e que parce qu'il les repre- '
noit à tous momens de leurs pechez j
& de leur mechante viç : Mais que ;
comme il difparut de devant eux
par une vertu divine, ils prirent un
de fes Difciples qu'ils difent êtrey«-
das , & qu'ils le crucifièrent: qu'-l
en E G Y P T E . SYRIE. 5fc.
aufll ce Judas au dernier jourtemoi-
' gnera le contraire devant Dieu, &
qu'il juftiiiera les Juifs de ce crime
qui leur eft impofé par les Chrétiens
I &c. Ils affiirent aullî que ce que S. J e a n
a prédit de nôtre Seigneur, c'eit jefus
Chrift qui l'a prédit de Maho-
: m e t , & ils difent que les Chretiens
; ont fauifement pris toutes ces chofes
en un autre fens.
! Ils croyent qu'au dernier jour le
monde fera jugé par trois Perfonnes
en la prefence de Dieu, fçavoir par
Moyfe, Jefus Chrifi , & 'Mahomet
& que chacun d'eux jugera fes fe£t:ateurs,
c'eft à dire que Moyfe jugera
les Jui f s , Jefus Chrift les Chrétiens,
& Mahomet les Mahometans , &
que fi Jefus Chrift juge bien, Mahomet
lui donnera fa fille en mariage.
En un mot , à la referve qu'ils ne
veulent pas reconnoitre nôtre Seigneur
pour le Fils de Dieu, & qu'-
ils débitent de lui beaucoup de rêveries,
on peut dire qu'ils ont pour
lui une très grande veneration, aulTi
bien que pour la Vierge Marie, &
s'ils entendoiïnt quelqu'un en parler
avec irreverence, ils le puniroient
auflî feverement que s'il avoit
mal parlé de I/Iahomet.
Ils croyent aufli à tous les Pro- Prophcta
phétes, pour les tombeaux defquels
ils ont une grande veneration. Mais " Ï S 'd^
ils croyent qu'il y en a quatre entre Dieu au
eux que Dieu a envoiez au monde
d'une façon particulière , dont le
premier a été Moife qu'ils appellent
Miffah , entre les mains de qui la
Loi de Dieu fut mife, &que n'aiant
pas été bien obfervée, Dieu envoia
un autre Prophète qui fut Da-vid.,
auquel il donna un pouvoir cgal à
celui qu'avoit eu le premier, & lui
coin»
commanda d'ecrire les Pfeaumes-,
Mais voiant que la malice des hommes
croiifoit de jour en jour, &
qu'ils ne fe mettoient pas en peine
de l'obfervation de fes Loix & de
fes Commandemens, il leur envoia
un troifieme Prophète nommé J e f f é
ou Jefus avec une Loi plus douce,
& qui propofoit le falut à tous les
hommes, i'^'xvovcl'E-oangile. Mais
comme celui ci n'eut pas un meilleur
fort que les autres , à caufe que les
homme» étoient eudurcis au mal,
& devenus plus méchans encore qu'-
ils n'etoient auparavant , Dieu leur
envoia un quatrième Prophete, fçavoir
Mahomet , revêtu de la même
authorité que les autres , & qui apporta
au monde l'Alcoran.
Paradis Les Turcs pofent aullî qu'il y a
& Enfer. ^ p^^adis & Un Enfer, mais ils
croient des chofes ridicules de la félicité
du premier , comme ils difent
qu'il faut attendre dans l'autre d'etranges
fupplices. Mais ces tourmens
de l'Enfer ne dureront pas éternellement
à ce qu'ils croient, & un
jour viendra que les Dannez pourront
être fauvez. Car pourvii qu'-
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lis ayent feulement quelque foi, &
quells ne fcicnt pas abfolument AI
thées, après qu'ils auront été nettoiez
de tous leurs pechez, & purifiez
dans une certaine eau qu'ils appellent
Salzàboul, ilsferont reccus en
; Paradis, & y jouiront delà même felij
cité qui ceux qui y auront été dés le
I commencement. Mais ceux qui nient
; qu'il y a un Dieu brûleront ecernellejment
& leur corps fera réduit en cen-
, dre:mais comme dans le fentiment des
•Mahometans, tout eft materiel, Dieu
j les créera,à chaque fois qu'ils auront
été confumez, afin qu'ils puiflênt
fouffrir éternellement.
Pour ce qui regarde l'adoration
des Saints que plufieurs Voiageurs ^ef T o ï
attribuent aux Mahometans, les fai-geL/Tu"
fant fur ce point feinblables aux gens
de l'Eglife Romaine, c'eft une d i o - " ' S
fe en quoi ils fe trompent ; car les Saints.
Turcs ne croient point de Saints
finon S. George feulement, pour qui
ils ont une grande veneration , mais
ils ne l'invoquent pas pour cela &
ils difent feulement que ça été un
Spahi, c'eft à dire un vaillant Chevalier.
CL^ CHAPI