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 22  VOYAGE  au  l e v a n t  
 fur  quelque  gibier,  ne  pouvant  pas  danger  ,  &  que  cela  tenoic  bien  
 comprendre  quel  plaiiir  il  y  avoit  plus  de  la  témérité  que  de  la  braà  
 s'cxpofer  fans  necellîté  à  un  tel'  voure.  
 C H A P I T R E  VI.  
 Tefle  à  Smyrne.  Trécautions  des  Francs  contre  ce  mal.  
 'Defcriftion  de  Smyrne  avec  quelques  remarques  fur  la  mattiere  dont  
 onyvit.  Occafion  que  l'Auteur  trouve  pour  aller  à  Ephefe.  
 PEndant  que  nous  étions  à  l '^n-  : avec  les  autres,  
 cre  auprès  du  Fort,  
 PeRe  
 Smyrne.  
 Et  comme  ils  ne  
 nous  aprì-'prennent  pas  de  precaution  pour  eux  
 mes  que  la  Pefte  avoit  régné  long  mêmes,  &  qu'ils  fe  hafardent  fans  
 temps  à  Smyrne,  &  qu^on  s'apercevoit  
 encore  en  quelques endroits des  
 ménagement  ,  auffi  ne  ménagent  ils  
 nullement  les  Francs  ;  au  contraire  
 reftes  de  fes  defôrdrés.  A  caufe  de  ils  prennent  plaifir  à  les  chagriner  ,  
 quoi  les  Marchands  faifoient  encore  • &  à  leur  faire  peur,  en  allant  à  defdifficulté  
 d'ouvrir  leurs  maifons  quilfein,  comme  leur  tomber  pour  ainétoient  
 fermées  depuis  fort  long  
 temps,  &  ce  n'etoit  pas fans raifon  ,  
 puilque  dans  l'efpace  de  trois  mois  
 cette  maladie  avoit  emporté,  tant  
 dans  la  ville  qu'aux  environs  ,  autour  
 de  trente  mille  perfonnes.  
 J e  jugeai  donc  à  propos  de  demeurer  
 encore  quelques  jours  dans  
 le  vaiifeau  mais  cela ne pouvoir  manquer  
 de  m'etre  fore  ennuieuxj  ni  
 fervir  qu'a  me  donner  un  plus grand  
 défir  de  remettre  pied  à terre,  avoir  
 fi  dire  fur  le  corps.  Ils  ne  laiiTeroient  
 pas  même  de  le  faire,  quand  
 ils  fauroient  qu'ils  ont  de-ja  pris  le  
 mal.  Cette  témérité  avec  laquelle  
 ils  affrontent  ce  mal  contagieux  
 vient  à  la  vérité  d'un  bon  principe,  
 favoir  de  la  confiance  qu'ils  ont  en  
 ,1a providence  de  Dieu  ,  qui  a  ordonné  
 de  leur  vie  &  de  leur  mort»  
 mais  ils  en  font  un  très  mauvais  ufage  
 dans  l'application  violente  qu'ils  
 s'en  font  à  eux  mêmes  ,  &  qui  leur  
 été  fi  long  temps  fur l'eau.  Ainiî  eft  fouvent  tres  funefte,  puis  qu'elle  
 après  un  retardement  de  quinze  eft  caufe  de  la  mort  de  plufieurs  
 jours,  je  iortis  du  Vaiiîèau,  afin de  d'entre  eux,  quand  ce  feu  commenni'aller  
 loger  plus  au  large  à  Smyr-  ce  une  fois  à  s'allumer.  L'on  en  vit  
 ne.  Í en  ce  temps  là  un  trifte  exemple  
 Dès  que  j'y  fus  arrivé  j'allai faluer,  dans  la  ville  &  aux  environs  deMa- 
 M'. Jacob  van Dam Confuí de la  Na- '  naffia  qui  n'eft  qu'a  hiiit  heures  de  
 tion  Hollandoife  ,  &  lui  demander,  Smyrne  ,  car  dans  le  même  efpace  
 fa  protedion  felon  h  coûtume  de  : de  trois  mois,  il  y  mourut  plus  de  
 ces  pais  là.  Je.  trouvai  que  c'étoit,  trente  mille  perfonnes  de  cette  ma<  
 une  perfonne  fort  civile,  de  qui  j'aiiladie,  
 receu  depuis  cela  plufieurs  bons i  Au  refte  quoi  que  les  Turcs  femoffices  
 en  diverfes  occafions.  ¡ blent  ne  craindre  point  ce  terrible  
 j'avois  des-ja  été  auparavant  dans  ¡fléau,  on  ne  fçauroit  repréfenter  la  
 la  ville,  mais  je  ne  m'y  etois  gueres  ] mifere  qu'on  voit  ici  à  cette  occafiproraené  
 ,  parce  qu'il  etoit  dange-j  on.  Les  cris  &  lesgemiifemens  dureux  
 de  le  faire.  La  raifon  en  eft|rent  jour  &  nuit  ,  deforte  qu'on  
 que  les  Turcs  malgré  l'experience  ¡ n'cft  prefque  pas  un  moment  fans  
 qu'ils  ont  fouvent  faite  de  la  contagion  
 de  cette  maladie n'cvitent  point  
 de  fe  trouver  enfemble  à  leur  ordinaire  
 pendant  le  cours  du  mal,  &  
 de  converfer  fans  fcrupule  les  uns  
 les  entendre,  &  lors  que  quelqu'un  
 vient  à  mourir  ,  ils  louent  à  prix  
 d'argent  de  certaines perfonnes  pour  
 les  pleurer  nuit  &  jour  ,  plus  ou  
 moins  long  temps,  felon  qu'on  eft  
 conen  
 E G Y P T E ,  SYRIE,  &c.  2?  
 convenu  avec  eux  du  temps  &  du  
 prix  ,  &  pour  lors ces  pleureurs  font  
 des  luirleraens  lugubres  &  efFroiablcs, 
   pendant  qu'on  emporte  continuellement  
 cette  multitude  de  
 morts:  Cell  aiTeurement  un  trifte  
 fpeitacle  pour  ceux  qui  font  obligez  
 d'y  aflifter.  
 Pour  ce  qui  eft  des  Francs  ou  des  
 Chretiens  d'Europe  ,  ils  font  rarement  
 attaquez  de cette maladie,  peutêtre  
 parce  cju'ils  obeïflent  fagement  
 Precau-  ^  cette  maxime,  qu'il faut  eviterles  
 tion  des cûups  dmis  les  lieux  où  ils  frappent.  
 cmcK  ce  occafion,  pourieprécautionner  
 du  mieux  qu'il  leur  eft  poffible  
 ,  prefque  tous  les  marchands  
 tant  Anglois  que  François  &  Hollandois  
 ,  fe  retirent  foit  dans  quelque  
 bourg  du  voifinage  où  la  pefte  
 fe  fait  le  moins  fentir,  foit dans  leurs  
 propres  maifons,  où  ils  s'enferment  
 bien  ,  fins  ouvrir  à  perfonne  ,  &  
 fans  laift"et  entrer  qui  que  ce  foit,  
 auin  long  temps  qu'ils  entendent  dire  
 que  le  fnal  n'eft  pas  encore  paiïe.  
 On  leur apporte de dehors tout ce  qui  
 leur  eft  neceflàire,  &  on  le met  dans  
 une  corbeille qu'ils  defcendent  par  la  
 fcnctre  avec  une  corde,  &  qu'ils  ont  
 le  foin  de  retirer.  Avant  que  de  
 s'en  fervir,  ils  le  lavent  dans  l'eau,  
 ou  le  mettent  à  la  fumée,  felon  que  
 la  chofe  lé  peut fouiFrir.  Pour  adoucir  
 ces  dilîicultcz,  &  pailèr le  temps  
 le  plus  agréablement  qu'il  leur  eft  
 poflible  ,  comme  ils  ne  iàuroient  
 gueres  fonger  à  autre  chofe,  le  négoce  
 ceflànt  abfolumcnt  pendant  ce  
 temps  là  ,  plufieurs  familles  fe  joignent  
 ordinairement  enfemble  ,  &  
 s'enferment  de  la  maniéré  que  nous  
 avons  dit.  
 Defcrip-  Pour  venir  à  prefent  à  la  defcripde  
 Smyrne,  ceux  du  
 pais  difent  qu'elle  a  été  bâtie  par  
 Tantale  &  que  depuis  elle  fut  apellée  
 Smyrne  du  nom  cTime  des  Amazones  
 qui  étant  venues  en  Afie  fe  
 rendirent  Maitraiftès  de  cette  ville.  
 Long  temps  après  elle  fut  toute  ruinée  
 par  quelques  trcmblemens  de  
 terre,'mais  à  caufe  de  la  commodité  
 du  Port ,  Marc  Antoine  la  rebâtit  
 plus  près  de  la  Mer.  
 Cette  ville,  que  les  Turcs  appellent  
 aujourd'hui  If/jjir  ,  fe  glorifie  
 d'avoir  donné  naiflîince  au  Poète  
 Homere,  &  elle  a  été  autrefois  une  
 de  CCS fept  Eglifes d'Afie,  dont  il  eft  
 parlé dans TApolocalypfe  de S'.  Jean.  
 Elle  eft  raifonnablement  grande,  
 &  bâtie  fur  la  croupe  d'une  Montagne  
 en  tirant  Vers  e N o r d ,  comme  
 il  paroift  pas  la  repréfentation  qu'on  
 en  a  mife  ici.  
 On  y  voit  encore  plufieurs  ruines  
 de  l'ancienne  ville  ,  &  principalement  
 fur  la  Montagne  on  voit  les  
 murs  de  la Citadelle,  qui étoit  fituée  
 au  T,evanr  de  la  ville.  On  attribue  
 cet  ouvrage  aux Empereurs Grecs.  Il  
 y  a  dedans  une petite mofquée  qu'on  
 croit  avoir  été  une  Eglife  bâtie  à  
 l'honneur  de  Saint  Jean  ,  au  Portail  
 de  laquelle  il  y.a  encore  deux  petites  
 colomnes  de  l'ordre  Corinthien. 
   11 y  a  tout  auprès  une  voûte  
 foutenuë  de  diverfes  colonnes.  
 Dehors  on  voit  fur  la  Portedu  Château  
 un  bufte  de  marbre  qui  eft  ua  
 peu  gâté.  C'eft  celui de  l'Amazone  
 dont  je^  vien  de  parler  ,  qui  yeftreprefentée, 
   de  la  même  maniere  qu'- 
 on  la  voit  fur  les médaillés.  J'en  ai aporté  
 avec moi quelques unes qui  font  
 d'argent.  On  en  trouve  aufli  d'autres  
 fur  un  des  côtez  defquelles  eft  
 le  portrait  de  l'Amazone  ,  &  fur  le  
 revers  une  double  hache a deux  tranchans, 
   vous  en  avez  ici  la  figure.  
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