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 t72  VOYAGE  au  L E V A N T  
 ;  !e  paflage  au  travers  de  ces  traordinaire.  On  voit  cette  Tour  
 montagnes  eft  fore  agréable.  Dans  du  côté  de  la Terre,  au travers d'un  
 la  figure  que  nous  avons  mife  ici  treillis  de  bois  dont  elle  eft  renferon  
 voit  la  ville  reprefentée  N°. ô j .  mée.  On  dit  qu'elle  a  été  bâtie  là  
 &  le  Château  marqué  à  la  let-  par  les  Turcs  ,  &  dans  l'endroit  
 f e  A.  même  où  étoit  autrefois  la  Tour  de  
 A  une  heure  après midi nous nous  S.  Nicolas,  
 remîmes  à  la  voile  avec  un  vent  i  Les  Vaifleaux  mcdiocres  fe  metde  
 Nord,  aiant  toujours  la  mon-:  tent  à  l'Ancre  entre  cette  tour,  &  
 tagne  à  côté  de  nous,  juiqii'a  trois  la  porte  de  la  ville.  Vis  à  vis  de  
 heures.  j cette  Tour  de  l'autre  côté  du  Port,  
 Arrivée à  ^^  """  premicr  de  Mars  , mais  au  Nord  pourtant, cft  le  Cha- 
 Rhodes & environ  une  heure,  nous  arrivâmes  ' teau  S.  Ange  ,  cet  efpace  eft  eftidefaipti 
   à  la  célébré  Ville  de  Rhodes,  où  ^ mé  être  de  plus  de  cinquante  brafvMIe  
 contraints  de  demeu-j fes,  &  l'on  etoit  que  c'eft  l'endroit  
 rifle.  rer,  parce  que  le  vent  nous  étoitj où  étoit  autrefois le Coloffe ou  laftacontraire  
 ,  &  par  ce  moien  j'eus j tue  du  foleil  qui  étoit  une  des  fept  
 l'occafion,  contre  mon  attente,  de  ' merveilles  du  monde,  dont  la  granfatiiFaire  
 ma  curiofité  en  villtant  ! deur  étoit  telle  que  les  Vaifleaux  
 cette  fameufe  place.  | paflbient  à  la  voile  entre  fes jam- 
 Dés  que  le  jour  parut  je  me  misj bes  pour  entrer  dans  le  Port ,  &  
 en  éntf-aitr   fd^ef   llei>   fafnirifei,ï   &R  rj eJ om m'i'm^Mag^ri-r^  
 nai  auffi  tôt  à  regarder  feulement  
 la  ville  par  dehors,  que  j'y  trouverois  
 quelque  chofe  de  fort  agreable. 
   
 A  l'entrée  du  Port  la  premiere  
 chofe  qu'on  voit  c'eft  un  Chateau  
 rond  ,  qui  avance  un  peu  dans  la  
 Mer,  auprès  duquel  il  y  a plufieurs  
 moulins  bâtis  de  pierre  de  taille  ,  
 le  nombre  des  ailes  defquels  eft  
 plus  grand  que  celui  des  nôtres,  
 ce  qu'on  verra  fouvent  dans  mes  
 tailles-douces.  Il  y  a  quelques  uns  
 de  ces  moulins  qui  font  ruinez.  
 C'eft  là  que  les gros vaifleaux fe mettent  
 à  l'ancre.  
 Vis  à  vis  du  Chateau  au  Nord  
 du  havre,  en  entrant  à  main  droite,  
 on  voit  une  fort  belle  Tour  quarrée  
 dont  on  dit  que  la  hauteur  eft  
 de  plus  de  cent  pieds,  il  y  a  à tous  
 les  coins  de  petites  guerites,  d'où  
 l'on  découvre  tous  les  vaifleaux  qui  
 arrivent.  Cette  tour  outre  qu'elle  
 eft  attachée  aux  murailles  de  la  ville  
 par  le  moien  d'une  courtine,  l'eft  
 auiTi  à  une  baftion  qui  eft  derriere,  
 &  qui  eft garni  de  quelques  groflès  
 pieces  de  Canon  qui  peuvent  fervir  
 à  empêcher  de  tous  les  côtez  l'entrée  
 des  Vaifleaux  dans  le port.  
 Entre  ce  pieces  de  Canon  il  y  en  
 a  une  longue  de  douze  pieds.  Elle  
 porte  un  boulet  d'une  grofliur  exc  
 etoit  tout  ce  que  pouvoir  faire  
 un  homme  de  mediocre  grandeur  
 que  d'embraflêr  le  pouce  de  cette  
 ftatuè,  ce  qui  fe  peut  aifément  inférer  
 de  ce  que  lors  qu'elle  eut  été  
 renverfée  par  un  tremblement  de  
 terre,  on  chargea  neuf  cens  Chameaux  
 du  cuivre  qu'on  avoit  cmploié  
 pour  la  fondre.  
 Il  y  a  au  Chateau  dont  nous  
 venons  de  parler,  qu'on  nomme  
 auflî  le  Diamant  ,  parce  qu'il  eft  
 oftogone  ,  un  bon  Port  pour  les  
 Galeres.  L'entrée  en  eft  fort  étroitt 
 e ,  &  elle  fe ferme  le  foir  avec  une  
 chaine  dont  l'un  des  bouts  eft  attaché  
 à  une  tour  qui  eft  fur  le  bo«t  
 du  rempart,  &  l'autre  à  une  roche  
 qui  eft  fur  la  Terre  ,  à  quelques  
 pas  du  Chateau  S.  Anfelmo.  
 Lors  que  je  fus  entré  dans  la  
 Ville,  je  m'en  allai  auflî  tôt  à  un  
 bourg  qui  n'en  eft  pas  loin,  dans  
 l'efperancc  d'y  trouver  quelques  
 Religieux  qui  fe  vouluflTent  bien  
 donner  la peine  de  me  faire  voir  ce  
 qu'il  y  avoit  de  plus  curieux,  mais  
 on  me  dit  qu'il  n'y  avoit  plus  de  
 Francs  ni  de  Prêtres  étrangers  qui  
 demcuraflènt  là.  Je  fus donc  obligé  
 de  m'addreflfer au  Supérieur  des  
 Grecs  ,  mais  comme  il  ne  fçavoit  
 pas  la  langue  Italienne,  je  demeurai  
 auflî  fçavant  que  j'étois,  &  je  
 m'en  retournai  fort  mal  fatiffàit  à  
 notre  
 I 1  
 en  EG  YP  TE,  
 notre  Saïque.  Cependant  comme  
 je  n'attendois  pas  de  tirer  grand  
 profit  de  mon  débarquement  à  terre  
 ,  il  y  eut  un  Vénitien  qui  m'aborda  
 en  me  parlant  Hollandois  ;  
 il  avoit  été  efclave  trente  ans  durant  
 ,  mais  mis  en  fuite en  liberté  
 depuis  aflèz  long  temps,  &  comme  
 il  avoit  voiagc  fur  mer  pendant  
 quelques  années  avec  des  Hollandois, 
   cela  lui avoit  donné  l'occafion  
 d'apprendre  la  langue.  Il  m'offrit  
 de  bon  cceur  fes fervices  ,  &  me  
 mena  chez  un  Hambourgois  qui  
 aiant  été  fait  cfclave  dès  fa jeuneflè,  
 s'écoit  rendu  Turc  ,  &  exerçoitl'office  
 de  Canonier  fur  une Galere, avec  
 l'infpeftion  fur  rout  le  Canon  
 de  la  vil e ,  il  s'appelloit  AU,  je  le  
 trouvai  fort  honnête  homme  à  fa  
 revoke  près  ,  il  me  témoigna  toute  
 forte  d'amitié,  &  me  mena par  tout  
 où  il  crut  que  ma  curiofité  trouveroit  
 l'occafion  de fe fatiffaire.  
 Pour  ce  qui  regarde  la  ville  de  
 Rhodes  elle  eft  fuperbement  bâtie  ,  
 aiant  des  murailles  de  la maniere  à  
 peu  près  de  celles  de  Rome.  On  
 y  peut  entrer  par  deux portes,  dont  
 l'une  eft  du  côté  delà  Mer,  & l'autre  
 du  côté  de  la  Terre.  Celle  qui  
 eft  fur  le  bord  de  la mer  eft  très belle  
 ,  &  la  ville  eft  de  ce  côté  la  fermée  
 en  partie  d'une  double  muraille. 
   Au  devant  il  y  a une petite maifon  
 de  bois  où  fe  tiennent  ceux  qui  
 reçoivent  le  peage.  Du  côté  de  la  
 Terre  on  voit  une  enceinte  d'une  
 triple  muraille,  chacune  defquelles  
 eft  haute  de  dixhuit  braflès, raifonnablement  
 epaifl^e  ,  &  renforcée  
 d'un  grand  nombre  de  tours.  Sur  
 les  remparts  on  conte  en  tout  quatre  
 cens  foixante  pieces  de  Canon  
 entre  lefquelles  il  y  en  a  plufieurs  
 fort  
 fur  
 ;rofl£s  qui  font  de  fonte,  &  
 es  deux  Chateaux  cent  foi- 
 Xante.  
 Le  Chateau  de  dedans  la  ville  
 du  côté  de  la  Terre  eft  fort  haut,  
 &  fuperbement  bâti.  C'eft  ici  que  
 l'on  garde  les  principaux  prifonniers  
 du  Grand  Seigneur;  &  il  s'y  
 trouva  encore  du  temps  que;  j'étois  
 là  un  Roi  des  Tartares  qui  y  
 avoit  été  déjà  trois  ans.  Mais  il  
 S Y R I E ,  &c.  173  
 n'étoit  pas  renfermé  fi  etroitement  
 que  le  Bafli  ne  lui  permît  quelque  
 fois  de  s'aller  divertir.  
 La  rue  des  Chevaliers  de  Malte  
 eft la plus belle de toutes.  On  voit encore  
 devant  plufieurs  maifons  leurs  
 armes  qui  y  font  gravées  fur  le  marbre, 
   &  a  quelques  unes  il  y  a  des  
 infcriptions.  
 Les  Portes  font  auflî  ornées  des  
 armes  du  Grand  Maitre  de  l'Ordre. 
   
 Les  maifons  font  ici  bâties  de  
 grandes  pierres  ,  de  mêmes  que  les  
 dehors  de  la  ville,  ou  les  Bourgs  
 des  Grecs  ,  car  il  ne  leur  eft  pas  
 permis  de  demeurer  dans  la  ville. 
   
 Ces  dehors  ou  fauxbourgs  font  
 plus  grands  que  la  ville  même.  On  
 y  voit  plufieurs  beaux  jardins,  où  
 il  y  a  beaucoup  d'Orangers  dont  
 les  fruits  ne  le  cedent  à  aucuns  
 autres  ni  pour  l'odeur  ni  pour  le  
 goût.  
 Les  Femmes  Grecques  ont  ici  la  
 même  curiofité  à  l'égard  des  étrangers  
 que  je  l'ai  déjà  remarqué  en  
 parlant  de  celles  de  Stanchio.  
 L'ifle  comprend  en  tout  iix  
 Bourgs.  Celui  qui  eft  le  plus  près  
 de  la  ville  s'appelle  Cafal  Nova,  
 comme  qui  diroit  le  Bourgneuf.  
 Les  noms  des  autres  font;  S.  Janargier  
 ,  J.  Najîaifia  ,  Bakfimale  ,  
 Thepoeria.  ,  &  Triauda.  Ce  dernier  
 eft  au  pied  d'une  montagne  
 où  l'on  pretend  qu'a  été  l'ancienne  
 ville,  comme  les  gens  du  pais  
 me  le  feurent  bien  dire  ;  ce  lieu  
 eft  bien  à  huit  milles  d'Italie  de  la  
 ville  d'àprefent.  A  côté  de  ce Bourg  
 fur  le  bord  de  la  mer  on  voit  encore  
 quelques  vieux  morceaux  des  
 murailles  ,  mais  au  refte  comment  
 cela  fe  peut  accorder  avec  la  fituation  
 du  Port,  &  avec  l'endroit  où  
 étoit  autrefois  le  Colofle  ,  c'eft  ce  
 que  je  ne  faurois  comprendre.  
 Cette  Ifle  avoit  autrefois  quatre  
 villes  qui  la  rendoient  confiderable, 
   Ljmdus,  Camyrus,  Jan[fas,&c  
 Rhodes.  Les  murailles  de  la  premiere  
 ont  été  rafées,  &  il  n'en  eft  
 rien  refté  qu'un  petit  fort  autour  
 duquel  demeurent  plufieurs  Grecs  
 Y  3  qui  
 I.  ÎÎ  
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