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394- V O Y A G E au L E V A N T
Cependant je m'cnnuyois beaucoup
dans ce lieu, parce que je ii'ofois
fortir, dans la crainte que l'Aga ne
m'extorquât quelque argent, comme
mon Viturm m'en avoit averti, &
que cela m'étoit arrivé dans quelc]
ucs autres endroits. Car c'eft la
coutume de ces Meilleurs d'obliger,
à tout le moins, les Etrangers qui
paiTcnt par les lieux où ils commandent
, de leur faire quelque prefent,
& cela conllfte d'ordinaire en quelques
livres de Tabac, deCaffé, ou
de chofcs femblables.
Dans cette contrée on a toutes
fortes de fruits comme des amandes,
des noix, des pommes, des poires,
des raifins, des cerifcs &c.
Le I f, la Caravane arriva, nous
nous joignimes à elle, Se nous partîmes
avec à trois heures après midi.
Le foir nous nous arrêtâmes dans
une campagne auprès d'un beau
ruiiTeau d'eau claire.
L e 16. nous partîmes de là deux
heures avant le jour. Se après avoir
paiîë quelques villages nous nous arrêtâmes
à huit heures dans un champ,
à l'ombre de quelques arbres auprès
d'un ruiflêau qui couloit doucement.
,Nous y fumes jufqu'a deux heures
après midi, que nous remontâmes à
cheval: Mais nous n'étions encore
gueres avancez, lors qu'un ferpent
lauta contre nous. Je pris auiîî tôt
un piftolet, & je tirai fi heureufenlent
que je frappai la bête & la
tuai.. Les Turcs en furent etonnez,
& ils mefurerent le ferpent qui fe
trouva long de trois à quatre pieds
pour le moins. En fuite nous rencontrâmes
plufieurs villages dans une
vallée, & lors que le Soleil fe couchoit
nous nous arrêtâmes auprès
d'une eau courante.
Le 17. deux heures avant le jour,
nous nous remimes en chemin, &
nous pailàracs bien une douzaine de
villages, dans une vallée environnée
de montagnes de tous côtez. Autour
de ces villages nous vîmes beaucoup
de blé encore debout. Apres
nous être un peu repofez ici.nous
repartîmes à deux heures après midi,
& nous arrivâmes une heure avant
la nuit, dans la montagne > où l'on
voit plufieurs villages. Nous fumes
obligez de la traverfer, afin de trouver
des pâturages pour nos chevaux.
Comme la nuit approchoit, nous
nous arrêtâmes auprès d'une belle
fontaine qu'on a bâtie là de belles
pierres, pour la commodité des
voiageurs.
Le 18. un peu devantlejournous
remontâmes à cheval, & nous marchâmes
prefque toujours entre les
montagnes par un pais aflez fertile,
& 011 il y a plufieurs villages Nous
nous repolâmes depuis dix heures
du matin jufqu'a deux heures après
midi, Se lors que nous eûmes un
peu marché , nous aperceumes les
montagnes de Smyrne, qui à caufc
de leur prodigieufe hauteur fe découvrent
de fort loin. Le foir nous nous
arrêtâmes dans une agreable vallée
peine de bleds.
Le ip. deux heures devant le
jour, nous repartimcs, & nous traverfàmes
une montagne fort efcarpée
qu'on eft obligé de defcendre à
pié, après quoi l'on vient à un
pone de bois , fous lequel pafle une
eau fort rapide qui defcend de la
montagne. Environ midi nous nous
arrêtâmes au bas de la montagne auprès
d'une eau courante, & nous y
demeurâmes jufqu'a trois heures.
On prend toujours garde ici, autant
qu'on le peut, que les lieux où
l'on s'arrête foient propres pour les
bêtes qui fervent de montures à la
Caravane, parce qu'on les y laiflc
paître librement en pleine campagne,
fans prendre d'autre foin pour leur
nourriture, & il faut que le lieu où
l'on campe puiffc les, entretenir.
Dans cette montagne qui elT: toute
couverte de bois, nous rencontrâmes
une caravane d'environ trente
perfonnes qui étoient tous bien armez.
Comme nous les primes d'abord
pour des voleurs, ceux d'entre
nous qui auoient des armes fe mirent
en état de fe deffendre 11 l'on
nous attaquoit. Les Turcs qui ont
une extrême confiance aux Européens,
qu'ils fçavcnt être gens de
coeur 8c braves, capables d'ailleurs
de bien conduire ujic affaire de cette
nature, parce qu'ils (ont d'ordinaire
i l )( r .
enEG Y P T E , SYRIE. &c.
haire bien munis d'armes, & qu'ils
s'en fçavent bien mieux fervirqu'eux;
en forte qu'avec peu de monde ils
font capab es de deffendre toute une
Caravane ; Les Turcs , di-jc , me
mirent d'abord à la tête de leur
troupe : mais lors que nous croyions
être le plus près du danger, nous
trouvâmes que c'étoit une fauffepeur
que nous avions eue, & que ceux
que nous avions pris pour des voleurs
n'etoient que des Marchands,
qui pour voiager avec plus de feureté
s'étoient munis de bonnes armes
, & c'efl ce qui nous avoit
trompez, car ce n'eft pas chez eux
la coutume des marchands de voiager
dans cet equipage. Le foir nous
nous arrêtâmes auprès d'une eau
courante.
Le 20. un peu devant le jour nous
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de rifle de Chypre aux environs de
Nicofie. A deux heures après midi
nous remontâmes à cheval, & en
chemin huit Turcs fe joignirent à
nous ils étoient tous bien armez 6c
ils alloient à Smyrne. Une heure
après que le Soleil fut couché nous
nous arrêtâmes dans un champ en
un endroit où il n'y avoit point
d'(yu.
Le 22. lors que le jour commcnçoit,
la Caravane, que nous avions
laifTée derrière nous, arriva au lieu
oii nous étions, & nous en repartîmes
avec elle. Ce matin nous paffâmcs
dans un endroit où l'on voit
plufieurs ruines de beaux bàtimens
anciens , quelques unes defquelles
font de grandes pierres de marbre.
Ces ruines s'etendent affez loin jufqu'a
la montagne, fur laquelle il y a
repartîmes & nous rencontrâmes en- un village eù l'on voit encore une
core ce même matin une groflc Ca- Tour ancienne, avec un bâtiment
Se vers onze heures nous ruiné. On voit en fuite plufieurs
illages, & l'on rencontre fur le
ravane
vînmes dans les montagnes, &nous
paflâmes une vallée qui eft prefque
toute de terres cultivées. Nous
nous y arrêtâmes à l'ombre d'un côtau
auprès d'une eau courante, & à
trois heures après midi nous en par
times. Nous paiTâmes quelques villages
, & le foir nous nous arrêtâmes.
Le 21. trois heures avant que le
Soleil fe levât, nous nous remîmes
en chemin, & avant qu'il filf jour
nous paffàmes auprès d'une fontaine.
Tout auprès il y avoit une grande
ville fur les murailles de laquelle
nous vimes des C icognes à centaines.
Lors qu'il fit jour je remarquai
que la ville étoit en partie fur la
montagne & environnée de quantité
d'arbres , comme le font aufli plufieurs
villages que nous vîmes fur la
même montagne. Environ dix heu-|
res nous nous repofâmes, après avoir
éié le jour de devant & ce matin là
fort incommodez des Sauterelles,
qui à mefure que nous marchions
nous voloient dans le vifage, comme
font ordinairement les moucherons.
Elles étoient alors toutes po
fées à terre, & elle en etoit couverte
comme de fable, de la même maniere
que je l'ai remarqué en parlant
chemin un Puits couvert en maniéré
de Pavillon contre l'ardeur du
Soleil, afin de conierver l'eau fraîche
pour les voiageurs. Auprès du
puits il y a un timbre de pierre plein
d'eau, avec un petit vaiflsau pour
boire, je me fervis de l'occafion , &
je bùs un bon trait de cette eau parce
qu'il faifoit fort chaud. Eniùite
nous rencontrâmes une fontaine, &
nous nous y repofâmes depuis midi
jufqu'à quatre heures, que nous
continuâmes notre chemin , & paffant
plufieurs villages des deux côtez
de la plaine dans un terroir ailéz
fertile, nous laiflames encore une
fontaine fur le chemin , , & le foit
nous nous arrêtâmes le long d'une
eau courante.
Le 23, une heure avant qu'il fiil
jour nous partîmes, & nous paffàmes
fur un pont qui a neuf arches,
fous kfquelles il pafle de l'eau. Il
y en a beaucoup dans cet endroit ;
de forte que nous fûmes obligez par
trois ou quatre fois de paflér au travers
; elle étoit même quelquefois
affez profonde. Cet endroit caufe
une aflez belle vue par la quantité
d'arbres qu'il y a , & il aboutit à une
plaine fort agreable, A onze heures
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