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car Brcufa fignifie une amande. ; qucs fruits de ccdre qui écoient .iu
Ce Bourg cil de la Jurifdiflion du | haut des arbres & je rompis aullî
Patriarche. Enfuite on vient au
Hafiel. Bourg H a j î e l , qui appartient aux
Arabes. De là on vient à Ipfarey,
IlHatcy. gft [g dernier bourg & le plus
proche de la montagne du Liban.
Depuis cet endroit nous fûmes
obligez de prendre des gens qui
fceullènt lesj chemins au travers
des neiges , car fans un tel fecours
il feroit impoilible d'aller où
l'on pretend. Environ une heure
& demie après , étant arrivez aux
Ccdres nous trouvâmes que tout
étoit couvert de neiges , ce qui
nous obligea de laiflcr nos chevaux
, & de nous mettre à pied,
jufqu'a ce qu'enfin après bien de
la peine nous arrivâmes aux Cedres.
La neige y efl au matin avant
que le Soleil foit monté,
prcfque aufli dure que de la glace
, & elle rend le chemin très
rude &; incommode. Nous allâmes
nous repofer un peu , &
manger un morceau pour reprendre
des forces , mais le froid extrême
qu'il faifoit ne nous permit
pas de nous arrêter longtemps, &
à peine nous donna-t-il le loifir de
manger à notre fuffifance , outre
que nous fûmes encore obligez de
retourner au plus vjte fur nos pas
afin de repaflèr les neiges avant
que la chaleur du foleil les eût fondues,
parce que quand elles viennent
à fondre on court de grands
rifques , & il eft fouvent arrivé
que la trop grande lenteur des curieux
leur a coûté la vie, fenoyant
dans l'eau des neiges qui font de
tous cotez comme autant de montagnes.
Comme donc j'envifageois
ces dangers , je rac hâtai le plus
qu'il me fut poffible de deflincr ce
lieu où je me trouvois. On n'y
voit rien autre chofe tant que la
vue le peut étendre , que le Ciel
& des montagnes de neige. Elle
y eft en fi grande abondance qu'-
il y a plufîeurs cedres qui en font
prefquc tout couucrts 1 & ils y
fcroient même tous enfevelis fi le
vent ne l'eropêchoit. Je cueillis
lors que j'etois fur la neige quelquelques
petites branches alin d'en
conferver les fueilles , mais elles
tombèrent peu de temps après &
fe perdirent tout à fait ; Elles relfemblent
à celles du Romarin.
Quoique ces Arbres foient prcfque
tout cachez dans la neige, ils
ne lailTent pas d'être toujours verds,
les petites fueilles qui font aux
branches montent en haut & le
fruit pend en bas > étant en cela
oppoiez l'un à l'autre. Ils reiTemblent
fort bien à une pomme de
Pin. Les deux deflèins que
j'en donne font N°, i f f . & 1^6.
Les jours , ou , la lumiere qu'on
voit iiir les arbres, reprefentent la
neige qui eil fur les branches. Je
ne me contentai pas d'en prendre du
fruit , mais j'abbatis aufli un jeune
arbre comme il y en a plulieurs là
afin d'en emporter du bois. On
croit que c'eft de ces arbres qu'on
prit le bois dont fut bâti le TTenjple
de Salomon i. Rois y. 6.
C'eft une chofe qui fe dit ordinaircmeot
, & qui eft comme paffée
en proverbe, qu'on ne fçauroit
compter les Cedres du Liban j
c'eft à dire que quand après les
avoir comptez une fois & en avoir
trouvé un certain nombre, l'on
veut les compter une feconde fois,
on ne trouve plus le même nombre
qu'on avoit trouvé la premiere
, & je l'ai en effet ainfi éprouvé
moi-même. Car en comptant
une fois les plus remarquables,
j'en trouvai trente cinq la premiere
fois , & trente Cx la feconde.
Mais je n'attribue cette difference
qu'a la hâte avec laquelle je les
comptai , & peut-être aufîi à ce
qu'ils font un peu mêlez & confus
les uns parmi les autres , ce
qui fait qu'il cft fort aifé de s'y
méprendre. Hors cela je ne voi
pas qu'il foit plus difficile de les
compter que les autres arbres.
J'eus aufli la curiofité de mefurer
la groflèur des deux plus remarquables,
& je trouvai que l'unâvoit
cinquante fept paumes , & l'autre
quarante fept. Sous l'un de
ces