V O Y A G E au L E V A N T
íiainc ; mais on n'y voit plus de
ccrcucil , parce qu'avec le temps il
a érc mis tout en pieces par les'écrangers
, qui ont toujours voulu en
emporter quelque morceau. Les
Mûmes du lieu difent qu'après que
Saint Lazare fe fut délivré des mains
des Juifs , il s'en vint à Chypre , où
il! fut dans la fuite établi Eveque
par les Apotres qui y vinrent , &
qu'après qu'il en eut exercé les fonctions
trente ans durant avec beaucoup
de zele. , il y mourut
& y fut enterré , mais que
depuis fon corps fut tranfporté
à Conftantinople , & de là à Marieille,
où l'on veut qu'il foit à prefcnr.
Qiioique je n'aye pu faire tout
le tour de l'Iile , ni la traverfer
toute pour la vifiter , je ne laif
ferai pas de rapporter ici ce que
les Cypriottes & autres habitans
qui y ont demeuré longtemps m'en
ont dit , & je laiflerai à ceux qui
ont quelque connoiflance de l'Antiquité
, de juger fi ce qu'on]
m'en a dit s'accorde avec la Geo-1
graphie, ou s'en éloigne. !
Il ell certain que fi l'on confuí- !
te les anciens Géographes, comme,
Sc/Jax , Strabon , & Ttolamée
fur l'enumeration des anciennes'
villes de cette Ille , on trouvera}
que les noms Se le nombre font
fort differens de ce que les gens
du pais en difent aujourd'hui.
Mais difons aullî qu'il arrive aflez
fouvent , que par le changement
du langage des peuples , les
noms des villes & des Places
changent aulïï , ou du moins reçoivent
une terminaifon qui les
peut aifez déguifer , comme on
le peut voir en ceux de Jí7r/¿-í2/<z,
Bajfa-, Lapidii., Chili qui font les
noms que portent aujourd'hui les
anciennes villes de Cermnia-, Taphos,
Lapathus iiCitium.
Villes de Chypre donc , à ce
difent , a eu autrefois juf
qu'a, treize villes ceintes de murailles
, comme Nicojia, Famagoujla,
Âgianappa , Larnica , Chiti , Lemtfco
, Bijfchopia, Abdiina, Cou-
¿lia j Bajfa , Lefcara , Lapida &
Sarignia. De toutes ces villes il
n'en refte plus que deux , f^avoir
Nicofie & Farmgoufte que nous avons
décrites ci-deflùs.
Agianappa , qui veut dire S,
Nappe , eli auprès du Cap de U
Greca .¡aù il n'y a rien à voir qu'une
Eglife faite dans une Grotte , &
dediée à la Vierge Marie. Aux environs
de cc lieu on prend tous les
ans un nombre confiderable de petits
oifeaux appeliez Becque figues,
que l'on confît dans le vinaigre
pour les envoier enfuite en divers
lieux : Ils fe prennent à la glu,
de la même maniere que nous prenons
ici les petits oifeaux.
Larnica n'eft aujourd'hui qu'un
bourg mediocre comnre nous l'avons
dit.
Chiti n'ell: audi qu'un bourg ruiné.
Ei(fchopia cft une belle plaine
unie , où l'on voit beaucoup
d'anciennes ruines; Elle eft arrolée
d'une belle Riviere , & l'on dit
qu'anciennement il y croiifoit beaucoupi
de cannes de Îlicre. Aujourd'hui
elle cft plantée d'arbres qui
portent le coton. Il y a dans ce
quartier une aifez grande pêche j
c'eft environ à mille pas du Cap
U gata. Abdima, & environ à deux
cens davantage de la mer. Au
refte il y a autour plufieurs petits
bocages dont les arbres font des oliviers.
CougUa n'eft gueres éloigné de la
Mer : Il n'y a rien à y voir à prefent.
Seulement il y vient beaucoup
de foye & de coton.
Baffa n'eft aufll qu'un bourg ruiné
qui eft au bord de la Mer.
Lefcara eft au pied du Mont
Olympe , tout auprès de la Mer.
Cette montagne commence là à
s'eleiier infenfiblement , jufqu'a ce
qu'avançant toujours dans les terres
, elle s'clcve enfin fort haut.
Il n'y a non plus rien à voir à
Lefcara , finoii une aifez belle ri,
vierc qui fort de cette montagne,
& le long de cette riviere plufieurs
villages aifez agréables. C'eft dans
ce lieu que fc recueille le fameux
Ladamm qui vient d'une roiëe qui
tombe
Agianajt,
[M.
Larnica.
Chiti.
Diflchopiq
Couglia.
Baffa.
Lercar.1.
Maniere
de I ccnilîir
le Ladanum.
l a p i d a .
Sarignia.
en E G Y P T E , SYRIE, &c. 38J
tombe fur les fucillcs d'une petite
plante d'un demi pied de haut, qui
ne rcftemble pas mal à la petite lauge.
Pour amaftcr cc Ladamm les
Paifans mettent dès le matin leurs
chevres aux champs avant que
le Soleil foit levé , aiîn qu'elles aillent
brouter cette herbe , car comme
le Ladanum cft mou & gluant,
il s'attache à leur barbe que
l'on coupe tous les ans une fois &c
qu'on fait enfuicc paflcr fur le feu
pour en ôtcr le Ladanum. C'eft là
le meilleur , & tju'on appelle
auiTi Ladanum vierge. Il y en a
une fécondé forte qui s'attache à un
petit toupet de poil qu'elles ont
par derrière au deilùs de la fourche
des pieds , & qu'on leur coupe
auflî. Une troillcme maniéré de le
recueillir, eft avec une groife corde
fiite de poils de vache , que deux
hommes trament le long de ces
plantes. Enfin on le recueille encore
d'une quatrième maniere , c'eft
d'attacher plufieurs petites cordes
cnfemble à un bâton court , &d'en
aller frotter ces plantes tous les matins
tant qu'il y paroît de la rofée :
Mais ces deux dernieres manières
de ramaifer le Ladanum ne
donnent que le moins bon & le
plus groftier , parce que comme
en le ramalfant il s'y mêle beaucoup
de fable , cela l'altère confiderablement.
Le Ladanum eft noir,
d'une odeur forte , & d'un grand
iifage en temps de pefte, on l'employé
auflî dans les mcdicamens.
Il n'y a non plus rien à voir à
Lapida , finon un Cloitre de Moines
Grecs qui eft fur le bord de la
Mer , & une vieille Eglife qu'on
dit que les Apôtres ont fait bâtir.
On voit par quelques reftes de
vieux bâtimens , que plufieurs maifons
avoient leurs viviers dont l'eau
fe renouvelloit par le moien de celle
de la mer.
Il ne refte plus rien de Sarignia
ou Cerines, appellée autrefois Ceraunia
, qu'un Port pour les Galères
, & un Château aifez fort.
C'eft de là qu'on part pour aller
dans la Carmanie & dans la Natolie.
A une heure de là cft le magnilique
bâtiment de la Paix ou des
l'emplicrs.
Environ à cinq milles de Larnica,
fur une haute montagne qui fert
d'addrefte aux Matelots pour entrer
dans la Baye de Salines , il y
a un Cloitre nommé i5'. Croce ou le
Cloître de la Croix , dans lequel
il y a ordinairement une vingtaine
de Caloyers , qui font comme
nous l'avons dit fouvent, une efpece
de Moines Grecs. Ces bonnes
gens prétendent y avoir un morceau
du bois de la Croix de Notre
Seigneur -, Il eft de l'epaifleuc
d'environ un Ducaton, & long à
peu près d'un pied ; Il y a été apporté
par S. Helene. Il cit à ce qu'ils difcnc
fuipendu entre le Ciel & la terre,
fans que rien le foutienne , ni fans
être attaché à aucune chofc ,
mais qu'il i'e tient en l'air par un
miracle continuel. Tout le monde
fe rend là par devotion tous les ans
le 14,. de Seprembre qui eft chez les
Grecs le jour de la S. Croix , &
tuie très grande Fête ; C'eft afin
de baifer cc morceau de bois miraculeux
, ce qui eft accordé généralement
à tout le monde , & ce
que tous , tant les petits que les
grands font avec la même facilité,
làns qu'on remarque pourtant
que ce morceau de bois defcende
ou qu'il monte. Mais j'ai oui dire
à ceux qui l'ont vû (car pour
moi je n'en ai pas eu l'oecafionj que
ce bois eft enfermé dans une petite
chaflè d'argent doré , où on le
peut aller voir en tout temps, mais
que le jour de la S. Croix on tire
une petite placque au droit d'une
ouverture d'environ la grandeur
d'un Ducaton , à l'endroit où eft
ce bois , & qu'alors chacun le peut
baifer.
Sous ce Cloitre il y a une Grotte
où l'on trouve de l'eau qui a une
odeur de Rofes > dans laquelle
fc vont laver ceux , qui ont quelque
maladie ou quelque infirmité,
& ils en boivent aufti , avec un
tel fuccez, fi l'on en croit les Grecs,
que fans faire d'autres rcmedes,
l'on eft guéri.
J'-M
Particalaritez
d'un
Cloitre de
Grecs ou
l'on garde
un morceau
du
bois de b
vraye
Croix.