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 auparavant  s'ils  
 roient  point  ,  
 voient  que  j'etois  toujours  occupé  
 à  deilincr  ou  à écrire,  ilsn'auroicnt  
 pas  voulu  me  détourner.  Ils  en  
 iifoient  avec  moi  d'une  maniere  
 d'autant  plus  honnête,  que  le  foin  
 que  je  prenois  de  delïïncr  exaftemcnt  
 tous  les  lieux  dignes  de  remarque  
 ,  leur  plaifok  extrêmement  
 ,  &  ils  enflent  bien  fouhaitté  
 que  j'euiTe  demeuré  un  an  entier  
 chez  eux.  Ils demandoient  affez  
 fouvent  ce  que  je  voulois  qu'on  
 m'apprêtât,  &  ils  ajoutoient  que  je  
 ne  devois  pas  me gêner  pour  m'accommoder  
 à  leur  maniere.  Aufll  
 m'apportoient-ils  des oeufs  &  d'autres  
 choies  qu'ils  n'auroient  pas  
 pû  manger  en  ces jours  là,  &  lors  
 que  je  voulois  les  difpenfer  de  fe  
 donner  cette  peine,  en  leur  difant  
 que  je me  contenterois  fort  bien  de  
 leur  ordinaire  ,  &  qu'étant  chez  
 eux  je  ne  devois  pas  fonger  au  
 au  choix  des  alimcns,  mais feulement  
 à  la  neceUité  de  prendre  de  
 la  nourriture,  ils  me  repondoient  
 qu'ils  fçavoient  fort  bien  que  je  
 pouvois  manger  en  bonne confcience  
 de  routes  fortes de  chofes,  puis  
 que  l'Eglife  me  le  permettoit,  &•  
 qu'ainfî  ils  ne  vouloient  pas  m'obliger  
 à  l'aufterité  de  vie  qui  leur  
 étoit  preferite  par  les  Réglés  de  
 leur  Ordre  £fc.  Le  Pere  Gardien  
 m'offrit  auffi  de  pouvoir  demeurer  
 fix  mois,  & même  davantage,dans  
 le  Couvent  fans  qu'il  m'en  coûtât  
 rien -,  auffi  étoit-ce  une  perfonne  
 fortgenereufe,  il étoit forti d'une des  
 meilleures familles de  Milan,  &s'appelloit  
 Tieiro  Marino. Ces Supérieurs  
 portent  ordinairement  le  titre  de  
 Il  Guardiano  del Sacro  fnonte Sion.  
 Le  Gardien de la  Sainte  Montagne  
 de  Sion.  
 ExtorGons  J'ai  déjà  dit  quelque  part  que  
 des  Turcs  "Purcs  rançonnent tantqu'ils peu- cnvEis  Je  <  .  ,.,  * ,  
 Cloitte.  ve':  le  Couvent,  &  quii  ne  s en  
 di  Nave,  où  Amiral-des vaiflèaux  
 de  guerre  de  la  Republique de Venife. 
 prefente  point  d'occafion  qu'ils  ne  
 la  tournent  admirablement  à  leur  
 profit.  Peu  de  temps  devant  que  
 j'arrivafTe  à  Jerufalem,  il  fc pafTa  
 à  cet  égard  quelque  chofe  d'aiTez  
 fmgulier,  à  l'occafion  du  Capitano \  
   Le  BafTa  aiant  appris  que ce  
 Seigneur  éfoit'  au  Couvent,  envoia  
 un  de  fes gens  au  Pcre  Gardien  &  
 lui  fit  demander  11 l'Amiral  n'aVoit  
 pas  la  curiofité  de  venir  auffi- voir  
 le  Jourdain.  La  rcponfe qu'on  fie  
 à  ce  compliment  fut  que  l'Amiral  
 n'en  avoit pas  le temps,  parce  qu'il  
 étoit  prêt  de  fe  remettre  en  Mer  
 avec  fes  vaiflèaux  qui  étoient  à  la  
 rade  ,  &  qu'ainfî  il  remercioic  le  
 BafTa  de  l'ofFre  obligeante  qu'il  lui  
 faifoit  &-C.  A  quelques  jours de  là  
 le BafTa  renvoia  au Cloitre  ,  & fi: •  
 demander  qu'on  eût  à  lui  paier  
 cent  écus pour  l'ofFre qu'il  avoit  faite  
 à  l'Amiral  de  le  faire  conduire  
 avec  fes  gens  au Jourdain  ,  parce  
 que c'étoit  tout  un qu'il  eût  accepté  
 la  chofe ou  qu'il  l'eût  refufée ,  puis  
 que  les  préparatifs avoient  été faits,  
 & que  fon  monde  s'etoit  rhisenétat.  
 Il  ne  falut pas  beaucoup contefferlà  
 defTus ,  &  l'on  fut  contraint  de  
 compter  quatrevingt  écus  au  BafTa ,  
 qui  n'avoit  point  eu  d'autre  deflein  
 en  cnvoiant  faire compliment  à  l'Amiral  
 ,  que  de  tirer  quelque  argent.  
 Ce  fut  l'Amiral  qui  paya  la  fomme  
 ,  afin  dé  n'en  charger  pas  le  
 Couvent  qui  pourroit  en  avoir  afaire  
 dans  une  autre occafion.  
 Pour  la  fatisfaftion &«   l.' ii»nifnt.riuuat,in--FJnraaiios  qu'ij  
 on  de  ceux  qui  voudroient  entre- f®"*^  f"'™  
 prendre  le  voiage  de  la  Terre S.?™  do  
 je  mettrai  ici  tout  d'un  temps  un la  We  
 état  ou  liilé  des  frais  que  les Pele-®™'^- 
 fins  font  obligez  de faire,  de  quelque  
 qualité  ou  condition  qu'ils  
 puifTent  être  ,  car à cet égard il n'y  
 a  point  de  changement  ou  de  difference, 
  même entré le Maître & fon valet, 
  il faut que chacun paye également,  
 ce qui  fait qu'on pourroit avec raifon  
 appellcr  cet  argent  une capitation.  
 Premièrement donc quand on eiï arrivé  
 à JafTa qui eftle port de merle plus  
 près de la Terre SaiiitCjil faut donner à  
 l'^ga  ou  Gouverneur  une  fommc  
 de  quatorze  écus  dont  les  Drogemans  
 du  Cloitre  ont  la moitié,  &  
 pour  cela  ils  font  obligez  de  vous  
 fournir  un  Cheval  &  de  vous mener  
 jufqu'à Jerufalem,  &  quand  on  
 rcrcpaiTe  
 à Jaffa  il  faut  encore  payer  
 quatorze  ecus.  
 Qiiand  on  vient  à  Jerufalem il  
 faut  payer,  pour  paffer  à  la  Porte  
 deux  ecus  &  demi  ,  un  demi  à  
 TOfEcier,  <Jcux  &  demi  au  Grand  
 Drogeman  du  Cloître  ,  &  un  au  
 fécond  Drogeman.  Pour  la  premiere  
 fois  qu'on  entre  dans  l'Eglife  
 du  S. Sepulcre  on  donne  quinze  
 écus  ,  &  enfuite  à  toutes  les fois  
 qu'on  ouvre  la  porte  deux  écus  &  
 demi,  &  environ  trente  fous à un  
 Turc  qui  demeure  auprès de  l'Eglife  
 ,  au  Portier  quinze  fous.  Pour  
 la  vifite  des  lieux  Saints qui font  
 hors  de  Jerufalem avec  ce qu'il  faut  
 donner  a»  Drogeman  il  en  coûte  
 environ  trois  écus.  Les Turcs  veulent  
 aufTi  qu'on  leur  donne  pour  la j  
 viiite  du  Sepulcre  de David  deux ;  
 ecus  &  demi.  Les  frais  qu'il  faut '  
 faire pour  aller  à Bethlehem  ,  tant  
 pour  le  louage  des chevaux  ,  que  
 pour  ce  qu'il  faut  au  Drogeman,  
 vont  à  quatre  écus  :  mais fi l'on  
 veut  voir  quelques places  extraordinaires  
 ,  il  en  coûte  bien  davantage  
 ,  parce  qu'il  n'y  a  point  de  
 prix  fixé.  Pour  fe  faire  appliquer  
 la marque  fur  le  bras  ,  on  donne  
 ordinairement  à  celui qui  le fait,  un  
 Sequin  d'or,  qui vaut  deux  écus  &  
 demi.  Il  y  a  quelques  perfonnes  
 qui  en  donnent  quelquefois  deux  
 Se davantage  ,  felon  qu'ils  fe  font  
 plus  appliquer  de  ces  marques,  
 car  le prix n'efl  point  fixé.  Quand  
 on  fe trouve  à Jerufalem à la fête de  
 Pâque  chaque! Pelerin  eft obligé  de  
 donner  dix  écus  pour  aller  au Jourdain  
 i  c'eft  le  BafTa qui  tire  cette  
 fomme  >  & qui vous  donne  de fes  
 gens  pour  vous y  conduire ;  Et  fi  
 hors  ce temps là  quelqu'un y vouloir  
 aller  ,  il  en  coûte  environ  cent  
 écus que  le BafTa demande pour l'efcorte  
 qu'il  vous donne.  Quand  on  
 part  de  Jerufalem,  il  faut  faire un  
 prefent  au  Couvent  pour  le  bon  
 tiaittement  qu'on  y  a  receu,  mais  
 comme  il  n'y  a point  de  prix fixé,  
 chacun  donne  felon  fon moyen  ou  
 felon  qu'il  eft  liberal.  Les  Marchands  
 Hollandois  & Anglois  donnent  
 ordinairement  chacun cinquante  
 écus  ;  mais  on  n'a  que  faire de  
 rien  donner  aux Religieux  en  particulier  
 ,  foit à  ceux  qui  le donnent  le  
 foin  de  vous mener  par  tout  ,  foit  
 aux  autres.  Sur  quoi  il m'arriva  un  
 jour  quelque  chofc de  fingulier avec  
 un  certain  Religieux  de  Florcncc de  
 fort  bonne maifon,  que j'avois connu  
 en  Egypte.  J'avois  dcfTcin  de  
 kn  faire  pcefejit  de  cinquante  petites  
 croix_ garnies  de Naçre  de  perle  
 que  j'avois  remarqué  qui  lui  plaifoient  
 fort : - Mais, comme  je fçavojt  
 bien que  cela  ne  fc  pouvoir  pas faire  
 fans  que  le Pere Gardien  en  eût  
 c.onnoifTance ,.  je  lui  dis  que  je  lui  
 en  parlerois  :  Lui qui  fçavqit  l'amitié  
 que  ce  digne  Supérieur  me portoit, 
   ne  douta, point  qu'il  ne m'accordât  
 fans  peine  ma  demanda  ;  
 mais  il  en  arriva  tout  autrcmeiir s  
 Car  lors  que  j'eii  purlaiau  Gardien  ,  
 il  me  dit  que  s'il m'accordoit  cela,  
 d'autres  Religieux  en  pourroicnc  
 prendre  occafion  d'abufer  de  cette  
 liberté  pour  engager  les Pèlerins  à  
 leur  faire de  ferablables prefens ,  qui  
 par  civilité fe verroient  obligez  à une  
 depenfe  dont  ils  fe feroient  bien  
 pafTez,& qu'ainfî le plus fût étoit dene  
 donner  point  pied  à  cette mauvaifc  
 coutume : Que le voyage de Jerufalem  
 étoit déjà d'afTez grand coût, & que fi  
 l'on  avoit  quelque  argent  de  refte,  
 il valoir mieux  l'employer  à acheter  
 quelques raretez & quelques  curiofitez  
 de  la Terre  S. pour  les emporter  
 en  fon pais,  & qu'enfin s'il m'accordoit  
 cette grace,  je  donnerois  peutêtre  
 à  ce  Religieux  quelque  chofc  
 de  plus  grandeconfequence.  Il fallut  
 donc  que  je  lui promifTe cxpreffément  
 le contraire,  Scqueje^regardafTe  
 comme  une  grande  faveur  la  
 permillîon  qu'il  m'accordoit  de fairc  
 une  petite honnêteté  à  celui  à  qui  
 j'avois  defTein delaifTer quelque marque  
 de  mon  fouvenir.  
 Comme  c'eft la coutume  desPcIcrins  
 de  fe pourvoir  à Jerufalem  de  
 diverfes chofcs qui  font rares en leur  
 pais  ,  foit.  pour  en  faire prefent à  
 leurs  amis  ,  foit  pour  d'autres  rations; 
   J'y  achetai  aufll diverfes  raretez, 
   &  entre  autres  chofes quelques  Rpfa'ls  
 Rofes  de Jericho  :  Comme c'eft une  
 P  p  3  plante  
 Hi  i