e n E G Y P T E . S Y R I E , &c. 30Î
auparavant s'ils
roient point ,
voient que j'etois toujours occupé
à deilincr ou à écrire, ilsn'auroicnt
pas voulu me détourner. Ils en
iifoient avec moi d'une maniere
d'autant plus honnête, que le foin
que je prenois de delïïncr exaftemcnt
tous les lieux dignes de remarque
, leur plaifok extrêmement
, & ils enflent bien fouhaitté
que j'euiTe demeuré un an entier
chez eux. Ils demandoient affez
fouvent ce que je voulois qu'on
m'apprêtât, & ils ajoutoient que je
ne devois pas me gêner pour m'accommoder
à leur maniere. Aufll
m'apportoient-ils des oeufs & d'autres
choies qu'ils n'auroient pas
pû manger en ces jours là, & lors
que je voulois les difpenfer de fe
donner cette peine, en leur difant
que je me contenterois fort bien de
leur ordinaire , & qu'étant chez
eux je ne devois pas fonger au
au choix des alimcns, mais feulement
à la neceUité de prendre de
la nourriture, ils me repondoient
qu'ils fçavoient fort bien que je
pouvois manger en bonne confcience
de routes fortes de chofes, puis
que l'Eglife me le permettoit, &•
qu'ainfî ils ne vouloient pas m'obliger
à l'aufterité de vie qui leur
étoit preferite par les Réglés de
leur Ordre £fc. Le Pere Gardien
m'offrit auffi de pouvoir demeurer
fix mois, & même davantage,dans
le Couvent fans qu'il m'en coûtât
rien -, auffi étoit-ce une perfonne
fortgenereufe, il étoit forti d'une des
meilleures familles de Milan, &s'appelloit
Tieiro Marino. Ces Supérieurs
portent ordinairement le titre de
Il Guardiano del Sacro fnonte Sion.
Le Gardien de la Sainte Montagne
de Sion.
ExtorGons J'ai déjà dit quelque part que
des Turcs "Purcs rançonnent tantqu'ils peu- cnvEis Je < . ,., * ,
Cloitte. ve': le Couvent, & quii ne s en
di Nave, où Amiral-des vaiflèaux
de guerre de la Republique de Venife.
prefente point d'occafion qu'ils ne
la tournent admirablement à leur
profit. Peu de temps devant que
j'arrivafTe à Jerufalem, il fc pafTa
à cet égard quelque chofe d'aiTez
fmgulier, à l'occafion du Capitano \
Le BafTa aiant appris que ce
Seigneur éfoit' au Couvent, envoia
un de fes gens au Pcre Gardien &
lui fit demander 11 l'Amiral n'aVoit
pas la curiofité de venir auffi- voir
le Jourdain. La rcponfe qu'on fie
à ce compliment fut que l'Amiral
n'en avoit pas le temps, parce qu'il
étoit prêt de fe remettre en Mer
avec fes vaiflèaux qui étoient à la
rade , & qu'ainfî il remercioic le
BafTa de l'ofFre obligeante qu'il lui
faifoit &-C. A quelques jours de là
le BafTa renvoia au Cloitre , & fi: •
demander qu'on eût à lui paier
cent écus pour l'ofFre qu'il avoit faite
à l'Amiral de le faire conduire
avec fes gens au Jourdain , parce
que c'étoit tout un qu'il eût accepté
la chofe ou qu'il l'eût refufée , puis
que les préparatifs avoient été faits,
& que fon monde s'etoit rhisenétat.
Il ne falut pas beaucoup contefferlà
defTus , & l'on fut contraint de
compter quatrevingt écus au BafTa ,
qui n'avoit point eu d'autre deflein
en cnvoiant faire compliment à l'Amiral
, que de tirer quelque argent.
Ce fut l'Amiral qui paya la fomme
, afin dé n'en charger pas le
Couvent qui pourroit en avoir afaire
dans une autre occafion.
Pour la fatisfaftion &« l.' ii»nifnt.riuuat,in--FJnraaiios qu'ij
on de ceux qui voudroient entre- f®"*^ f"'™
prendre le voiage de la Terre S.?™ do
je mettrai ici tout d'un temps un la We
état ou liilé des frais que les Pele-®™'^-
fins font obligez de faire, de quelque
qualité ou condition qu'ils
puifTent être , car à cet égard il n'y
a point de changement ou de difference,
même entré le Maître & fon valet,
il faut que chacun paye également,
ce qui fait qu'on pourroit avec raifon
appellcr cet argent une capitation.
Premièrement donc quand on eiï arrivé
à JafTa qui eftle port de merle plus
près de la Terre SaiiitCjil faut donner à
l'^ga ou Gouverneur une fommc
de quatorze écus dont les Drogemans
du Cloitre ont la moitié, &
pour cela ils font obligez de vous
fournir un Cheval & de vous mener
jufqu'à Jerufalem, & quand on
rcrcpaiTe
à Jaffa il faut encore payer
quatorze ecus.
Qiiand on vient à Jerufalem il
faut payer, pour paffer à la Porte
deux ecus & demi , un demi à
TOfEcier, <Jcux & demi au Grand
Drogeman du Cloître , & un au
fécond Drogeman. Pour la premiere
fois qu'on entre dans l'Eglife
du S. Sepulcre on donne quinze
écus , & enfuite à toutes les fois
qu'on ouvre la porte deux écus &
demi, & environ trente fous à un
Turc qui demeure auprès de l'Eglife
, au Portier quinze fous. Pour
la vifite des lieux Saints qui font
hors de Jerufalem avec ce qu'il faut
donner a» Drogeman il en coûte
environ trois écus. Les Turcs veulent
aufTi qu'on leur donne pour la j
viiite du Sepulcre de David deux ;
ecus & demi. Les frais qu'il faut '
faire pour aller à Bethlehem , tant
pour le louage des chevaux , que
pour ce qu'il faut au Drogeman,
vont à quatre écus : mais fi l'on
veut voir quelques places extraordinaires
, il en coûte bien davantage
, parce qu'il n'y a point de
prix fixé. Pour fe faire appliquer
la marque fur le bras , on donne
ordinairement à celui qui le fait, un
Sequin d'or, qui vaut deux écus &
demi. Il y a quelques perfonnes
qui en donnent quelquefois deux
Se davantage , felon qu'ils fe font
plus appliquer de ces marques,
car le prix n'efl point fixé. Quand
on fe trouve à Jerufalem à la fête de
Pâque chaque! Pelerin eft obligé de
donner dix écus pour aller au Jourdain
i c'eft le BafTa qui tire cette
fomme > & qui vous donne de fes
gens pour vous y conduire ; Et fi
hors ce temps là quelqu'un y vouloir
aller , il en coûte environ cent
écus que le BafTa demande pour l'efcorte
qu'il vous donne. Quand on
part de Jerufalem, il faut faire un
prefent au Couvent pour le bon
tiaittement qu'on y a receu, mais
comme il n'y a point de prix fixé,
chacun donne felon fon moyen ou
felon qu'il eft liberal. Les Marchands
Hollandois & Anglois donnent
ordinairement chacun cinquante
écus ; mais on n'a que faire de
rien donner aux Religieux en particulier
, foit à ceux qui le donnent le
foin de vous mener par tout , foit
aux autres. Sur quoi il m'arriva un
jour quelque chofc de fingulier avec
un certain Religieux de Florcncc de
fort bonne maifon, que j'avois connu
en Egypte. J'avois dcfTcin de
kn faire pcefejit de cinquante petites
croix_ garnies de Naçre de perle
que j'avois remarqué qui lui plaifoient
fort : - Mais, comme je fçavojt
bien que cela ne fc pouvoir pas faire
fans que le Pere Gardien en eût
c.onnoifTance ,. je lui dis que je lui
en parlerois : Lui qui fçavqit l'amitié
que ce digne Supérieur me portoit,
ne douta, point qu'il ne m'accordât
fans peine ma demanda ;
mais il en arriva tout autrcmeiir s
Car lors que j'eii purlaiau Gardien ,
il me dit que s'il m'accordoit cela,
d'autres Religieux en pourroicnc
prendre occafion d'abufer de cette
liberté pour engager les Pèlerins à
leur faire de ferablables prefens , qui
par civilité fe verroient obligez à une
depenfe dont ils fe feroient bien
pafTez,& qu'ainfî le plus fût étoit dene
donner point pied à cette mauvaifc
coutume : Que le voyage de Jerufalem
étoit déjà d'afTez grand coût, & que fi
l'on avoit quelque argent de refte,
il valoir mieux l'employer à acheter
quelques raretez & quelques curiofitez
de la Terre S. pour les emporter
en fon pais, & qu'enfin s'il m'accordoit
cette grace, je donnerois peutêtre
à ce Religieux quelque chofc
de plus grandeconfequence. Il fallut
donc que je lui promifTe cxpreffément
le contraire, Scqueje^regardafTe
comme une grande faveur la
permillîon qu'il m'accordoit de fairc
une petite honnêteté à celui à qui
j'avois defTein delaifTer quelque marque
de mon fouvenir.
Comme c'eft la coutume desPcIcrins
de fe pourvoir à Jerufalem de
diverfes chofcs qui font rares en leur
pais , foit. pour en faire prefent à
leurs amis , foit pour d'autres rations;
J'y achetai aufll diverfes raretez,
& entre autres chofes quelques Rpfa'ls
Rofes de Jericho : Comme c'eft une
P p 3 plante
Hi i