deux moururent de sa propre main, vint attester l’effort
constant de sa longue carrière, ses successeurs firent
de la royauté un usage plus abusif encore, car en
moins d’un siècle plus de dix héritiers de la couronne
en marquèrent le déclin jusqu’à son annulation complète.
Cette partie de l’oeuvre de Michaël fut donc accomplie.
Le vieux ras avait ardemment poursuivi un autre but,
qui était d’anéantir dans l’État l’influence des Gallas.
Il y trouva l’écueil de sa haute fortune. La monarchie
de Menilek tombait par sa vétusté même; mais les
Éthiopiens, par leur nature, ne sont-ils pas éternelle!
ment condamnés à raviver leur sang aux veines gallas ?
Cette race ne fournit-elle pas à la leur l’élément principal
? Aussi ces Gallas, qui se fussent volontiers associés
à la révolution tentée par Michaël, s’il avait su se
les concilier, unirent leur intérêt à celui de la monarchie,
et conquirent, à l’ombre d’un pouvoir expirant,
une autorité redoutable. Il en résulta une plus grande
déconsidération de la royauté dans tout l’empire; la
scission des grands fiefs devint plus profonde; le règne
des ras gallas, substitué à celui des rois, ne fut plus
reconnu que dans l’Amarah; le Semiène et le Tigré
se constituèrent en États indépendants, dont lès chefs,
non-seulement se passèrent de l’investiture royale,
mais encore, se proclamant les seuls représentants
de la nationalité abyssine, liguèrent souvent leurs
forces contre les ras gallas de Gondar. Néanmoins
ceux-ci, malgré leurs revers, conservèrent intacte
leur position. Tel est l’état de choses qui, depuis
Michaël, s’est perpétué jusqu’à nos jours, et au milieu
duquel est apparu Oubié, ce prince noir destiné peut-
être à en changer complètement la face.
Oubié est fils du dedjaz Aïlo Mariam, chef héréditaire
du Semiène, et de l’Oizoro Mentaye : il a sept frères
issus de divers lits. Dès sa jeunesse il se signala dans
une expédition dirigée par son père contre un des
lieutenants du ras Imame, qui était entré dans la
province du Ouoguéra, dépendante du Semiène, et y
avait mis tout à feu et à sang. Ces exploits lui valurent
l’estime des chefs du Djanamora; mais comme sa
mère était d’une famille pauvre, et que l’aîné de ses
frères était d’une incapacité reconnue, Aïlo Mariam,
à sa m o rt, jugea prudent de désigner, pour successeur
, son troisième fils Marso, allié par sa mère,
Aligas Iroute, aux ras de Gondar. Les autres fils
d’Aïlo Mariam ne furent point satisfaits de cet arrangement
de famille, et se révoltèrent. Mârso était alors
fort jeune : les chefs éminents de l’armée, entre autres
Belata Deresso et Madjié Ouelda Kidane étaient du
même pays que l’Oizoro Mentaye; ils penchèrent tous
du côté de son fils Oubié, et se réunirent à lui. Marso,
vaincu dans un combat qui se livra à Arkoasié, fut
obligé de se réfugier auprès de sa mère. Les autres
frères firent leur paix avec le vainqueur qui leur
donna de quoi vivre, mais assez médiocrement pour
les tenir toujours sous sa dépendance.
C’est ainsi qu’à l’âge de vingt-sept ans Oubié prend
les rênes du gouvernement; mais il n’en reste pas