de ne jamais s’arrêter, car le repos est mortel à une
influence ainsi établie. Quand le chef ne possède
aucune ressource pour nourrir sa troupe, elle se
disperse et devient la proie d’un rival plus fort.
Balgada Aréa, qui avait conquis le Tigré dans
l’espace de deux mois, vit s’abattre son pouvoir,
comme par miracle, du jour où il fut contraint
de prendre ses quartiers d’hiver dans un pays
qui cependant l’avait re çu , pour ainsi d ire , à
bras ouverts : mais ce fut précisément cette cordialité
q u i, empêchant le chef tigréen de livrer
ses hôtes au pillage, lui fit perdre tout son ascendant
auprès d’une armée affamée.
Au-dessous de la noblesse, représentée maintenant,
comme nous le voyons, par ces chefs de parti
et coureurs d’aventures, il faut ranger immédiatement
la classe des possesseurs de terre ou cultivateurs.
Ils jouissent d’une grande estime, et ont
sur la population, l’influence la plus directe ; dans
certains cas , ils fomentent la révolte, et vont
jusqu’à imposer des conditions aux maîtres du
pays : mais cela n ’arrive que lorsque ceux-ci sont
dépourvus de toute énergie, car le défaut d’union
entre les populations coalisées donne un avantage
énorme à la force militaire.
La classe des debteras vient ensuite : nous en
avons déjà parlé dans la première partie de cette
introduction. Ils remplissent auprès des nobles
l’office de sacristains. Ils jouissent d’une médiocre
considération : le peuple garde rancune
de l’argent qu’ils savent adroitement lui extorquer,
et désigne par le nom d’homme de plume
tout individu dont les mains ne sont pas nettes.
Mais si les debteras ne sont pas considérés, ils
sont respectés, en raison de leur très-grande
puissance. La gestion morale du pays leur appartient
, ce qui est le résultat direct de leur éducation
supérieure ; et de l’habileté avec laquelle ils
s’immiscent dans les affaires les plus secrètes de
chacun, et les plus générales de l’É ta t, on peut
dire, sans exagérer, que la majeure partie du revenu
public leur passe par les mains.
La classe des négadé, ou marchands, occupe
l’échelon plus bas ; on en fait peu de cas dans le
discours ; ce sont les traitants de l’Abyssinie, et
leur conscience est réputée des plus minces. Mais
s’ils ont les désavantages du trafic, ils en ont
aussi tous les privilèges; leur richesse les fait
toujours choyer, accueillir, respecter en face.
Les plus grands seigneurs comptent avec eux,
et ne dédaignent pas de s’asseoir à leur table,
tout comme ils ne refusent pas de les admettre à
la leur ; car ils ont besoin d’eux. Il se fait un
mutuel échangé de bons offices entre ces deux
classes : les nobles recherchent l’argent, les négociants
la protection dans leur trafic. Gomme le