viij introduction.
la haute mission que lui confèrent les besoins de
notre civilisation actuelle. Les progrès des sciences
naturelles ont habitué les hommes a considérer
avant tout le lien commun qui unit les phénomènes
; dès lors l’érudition, du premier rang
qu’elle occupait, a été reléguée au second ; et on
s’est demandé, instruit par les grandes révolutions
qui se sont accomplies en Europe pendant
les trois derniers siècles, si les faits historiques
n’avaient pas, eux aussi, leurs lois générales, qui
limitaient jusqu’à un certain point l’action humaine.
Une pareille question est peut-être bien éloignée
de sa solution complète ; mais jusque-là
elle enchaîne irrévocablement, en dépit de toutes
les tentatives rétrogrades, les efforts de 1 esprit
humain. Pour mesurer toute l’importance du
problème, il suffit de voir qu il se rattache à
l’organisation des sociétés , cette science tant controversée,
dont il est absurde de vouloir chercher
les lois autre part que dans les manifestations
des sociétés elles-mêmes ; car jamais science
eut-elle d’autres fondements que les faits qui lui
sont acquis? quelle est donc l’erreur de ces utopistes
qui cherchent dans leur eerveau, dans le
hasard de leurs inspirations, le grand oeuvre de
l’alchimie sociale, espérant faire jaillir la vérité,
cet or p u r , du mélange des idées les plus contradictoires
? Il faut donc enfin le reconnaître : si un
homme isolé est soumis à tant de lois physiques
ou morales qui commandent, jusqu’à un certain
point, sa volonté, une collection d’hommes, une
société est un autre phénomène naturel, que régissent
d’autres lois qui lui sont propres; et si
l’homme doit s’attacher à les découvrir, il ne peut
le faire rationnellement que dans la comparaison
des phénomènes analogues , c’est-à-dire dans les
faits historiques. L’avenir gît dans le passé ; c’est
là un aphorisme que notre époque aura mis en
lumière.
Il n’en est que plus évident que le rôle de l’historien
doit changer , et devenir pour ainsi dire
plus grave et plus élevé, plus positif et plus philosophique.
Il ne doit plus se borner au simple
enregistrement des faits, et songer au moins à préparer
dés matériaux à l’étude pratique des sociétés,
si ce n’est à s’emparer des circonstances les plus
incontestables, les plus générales, les plus significatives
de l’histoire, pour en faire les termes
non douteux d’une appréciation philosophique.
J’étais profondément pénétré de ces idées avant
que le gouvernement du roi m’honorât de la
mission que je viens d’accomplir; et lors de
mon voyage, elles présidèrent à une notable part
de mes recherches. Vivement impressionné à la
lecture des relations de mes prédécesseurs sur