quiétude pour l’avenir. Des lettres d’Alexandrie nous
annonçaient à la vérité que M. Pastrée, négociant de
cette ville, avait entre les mains 5 000 francs envoyés
p a rle Jardin des Plantes; mais nous ne pouvions fixer
l’époque où ils nous parviendraient. La situation était
triste, et mes collègues en paraissaient péniblement
affectés. Néanmoins notre réunion apporta dans cette
perspective un certain degré de confiance, dont nous
nous hâtâmes de profiter pour parer aux premières difficultés.
Nous écrivîmes en Égypte des lettres pressantes;
nous terminâmes tous nos comptes avec notre drog-
man, et nous nous décidâmes, sur un aussi frêle esquif
que celui que constitue une somme de 400 francs> à
nous lancer de nouveau à travers l’Abyssinie. Comme
nous avions résolu de ne pas retourner par le chemin
d Eguela Goura, et que d’ailleurs nous avions besoin
d’animaux de charge pour le transport de nos bagages,
j expédiai un homme avec mission de ramener les mules
et les domestiques laissés chez Ato Aptaye. Bêtes et
gens nous arrivèrent en assez bon état, grâce sans
doute au pacte d amitié qui me liait avec le choum.
Il était urgent de partir au plus vite pour ne pas-
accroître nos dépenses. Nous allâmes donc chez le sou-
verneur de Messoah et nous lui demandâmes des guides
pour nous mener à Addigrate, la seule voie par laquelle
il nous fût permis de voyager avec quelque sûreté
dans les circonstances actuelles. Nous le trouvâmes
ce jour-là tout à fait disposé à faire selon notre
désir; mais le lendemain c’était un homme tout à fait
changé : il nous reçut froidement et nous fit observer
que nôtre demande devait lui être transmise par
M. Dégoutin, qui représentait à Messoah la nation
française; à quoi je répondis que M. Dégoutin, comme
agent consulaire, était placé pour donner des renseignements
commerciaux, et m’avait nulle mission pour
intervenir dans les relations des Français avec l’autorité
du pays ; que lorsqu’il le faisait, ce ne pouvait être
que d’une- manière officieuse; mais que je n’avais pas
le droit de l’en requérir. Nous ne manquâmes pas de
nous étonner que notre gouverneur turc, jadis la complaisance
meme, fut devenu aussi rigoriste sur l’étiquette
diplomatique : sans doute nous voyions là les
effets des leçons de quelque Européen. Toutefois, ne
voulant pas faire une résistance intempestive, j ’écrivis
un mot à M. Dégoutin pour le prier de se rendre d’O-
mokoullou, où il habitait, à Messoah. Il y vint et
m’avoua que quoiqu’il n’eût rien dit au gouverneur
sur ce sujet, il ne pouvait qu’approuver son observation,
me démontrant à l’évidence que ma réponse touchant
les attributions consulaires n’était qu’une distinction
subtile, attendu que si le consul représentait la
France, l’agent représentait le consul, etc. « Allons
donc ensemble chez le gouverneur, lui répondis-je, et
veuillez lui transmettre de vive voix ma demande. » Je
tremblais qu’il n’insistât sur la nécessité d’une pièce
officielle; mais il n’en fut rien. Arrivés chez le gouverneur,
celui-ci adopta un autre thème; il prétendit
que les chemins n’étaient pas sûrs, et qu’il n’avait
pu trouver des hommes qui consentissent à nous accompagner.
Je vis bien qu’il fallait nous résigner à nous
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