puis des conversations s’établissent entre les pèlerins
des divers pays, et c’est là que les Arabes font leur
cours de géographie.
Les rares monuments d’Arabie sont généralement
mesquins et sans élégance, les mosquées de Djeddah sont
bien au-dessous de celles d’Alexandrie pour la grandeur
et le luxe. Comme dans tous les pays musulmans, c’est
là que se tiennent les écoles, dans une pièce réservée. On
n’apprend à lire aux enfants que dans le Coran : dans
d’autres salles des savants se livrent, pendant toute leur
vie, à la discussion d’un seul livre et de ses diverses interprétations;
et ce livre est encore et toujours le Coran.
On pratique aussi dans les mosquées de Djeddah une
cérémonie inusitée dans celles d’Égypte, et, je crois,
dans celles de la Turquie. A la mort d’un croyant, certain
nombre de ses amis s’y rassemblent la nuit pour
chanter un cantique funèbre : ils se mettent en cercle
debout et serrés les uns contre les autres; l’un d’eux,
faisant fonction de coryphée, entonne un verset auquel
les autres répondent par une ritournelle de grognements
gutturaux, accompagnée de trémoussements
de tout le corps.Peu à peu les grognements et les contorsions
deviennent si saccadés et si rapides, que la sueur
ruisselle sur tout leur corps, l’écume leur sort de la
bouche; et après deux heures d’un pareil manège, on
est souvent obligé d’emporter ces énergumènes dans un
état d’épilepsie Voisin de la mort : plusieurs y succombent.
Achmet Pacha, qui commandait l’armée égyptienne,
interdit sévèrement cette cérémonie à ses
troupes.
J’ai dit que le consul d’Angleterre nous avait offert
sa maison pour demeure. En l’absence d’autres consuls,
celui-ci prêtait ses bons offices à tous les Européens
avec la franchise et la cordialité habituelles aux hommes
véritablement distingués de cette nation.
M. Oglivie, issu d’une excellente famille, passait pour
un scholarj il était au mieux avec l’autorité locale, d’abord
à cause du respect qu’inspire généralement la puissance
anglaise, et ensuite parce que, nous dit-il, il en usait cavalièrement
avec le gouverneur. Sa maison faisait le
coin de la grande place qu’on rencontre immédiatement
après avoir franchi la porte de la Marine et la muraille
d’enceinte de la ville. Elle était spacieuse et devait avoir
été bâtie par quelque riche négociant, quoiqu’elle offrît
ce contraste, particulier aux constructions arabes, d’une
maçonnerie grossière, ne réunissant pas même les plus
simples conditions de solidité, avec des éclairs de véritable
génie architectural. Le porche était surmonté d’une
voûte de marbre sculptée en élégantes arabesques ;
la façade, percée sans symétrie de fenêtres d’inégales
grandeurs, empruntait de cette diversité même un aspect
pittoresque, que relevaient singulièrement des ornements
en menuiserie de la plus grande délicatesse.
Tout ne portait pas cependant le cachet arabe, car le
premier étage était garni d’un balcon très-saillant et
fermé par des grillages, suivant l’usage turc. Cette
maison avait une vaste cour, au beau milieu de laquelle
je fus très-surpris de voir tout dressé un mât
de pavillon avec son gréement : M. Oglivie m’apprit
que cette érection était l’ouvrage d’un matelot anglais ;