ses droits, les animait d’une pointe de critique. Pour
laquelle des diverses opinions touchant les natures du
Christ, l’évêque se prononcera-t-il ? sera-t-il tolérant,
persécuteur ou réformateur? Telles sont les questions
que se posent à l’avance ces pieux théologiens, et déjà
chacun prépare une controverse, sans doute dans 1 intention
de s’éclaircir sur les sentiments de son p a triarche
, mais en réalité pour l’embarrasser s il le
peut.
Oubié, pour d’autres motifs, n’attendait pas moins
impatiemment l’arrivée de ce personnage. Aussitôt
qu’il en reçoit l’avis officiel, il quitte le camp d’Ad-
digrate, gagne l’Haramat, où il lève une contribution,
et se dispose à venir à Adoua. De la il envoie des ordres
pour que l’aboune soit accueilli partout sur son
passage avec les respects dus à son rang et à son caractère.
Le Dedjas Chéto lui-même, le fils du prince,
doit le recevoir à la frontière. Les relais sont organisés
ainsi que les stations, et fournis de provisions de
toutes sortes ; une mule magnifique tirée des écuries
royales est destinée à l’aboune ; d’autres mules sonl
préparées pour toutes les personnes de sa suite ; enfin
le luxe abyssin convoque pour cette réception l’arrière-
ban de ses magnificences.
Ces démonstrations, si d’autres circonstances ne
fussent venues les corroborer, auraient suffi pour faire
pressentir les desseins d’Oubié; mais déjà le chef du
Semiène, ordinairement si discret, si dissimulé même,
ne prend plus la peine de les cacher; il annonce tout
haut le projet de marcher sur Gondar, d’en chasser le
Ras, détrôner l’empereur et reconstituer l’empire ; car,
dans l’ivresse de l’espoir, son ambition ne connaît plus
de bornes ; ses vues s’étendent bien au delà de Gondar
et du Cboa, et ne s’arrêtent qu’aux vastes régions
gallas. Comme on peut le penser, l’ardeur du chef a
communiqué à ses créatures la même fièvre d’activité ;
tous s’empressent de lever leurs contributions et de
rallier le camp : à mesure que les troupes arrivent à
Adoua, elles se débarrassent à vil prix sur le marché
des bestiaux qui leur ont été donnés en paiement.
Cependant, chose surprenante, tandis qu’au Tigré
régnent l’effervescence et le mouvement, Ras Ali et
les Amaréens restent dans l’inaction la plus absolue ;
ils ne peuvent encore croire qu’Oubié songe à les attaquer,
car ils s’imaginent que les Tigréens n’oseront jamais
affronter le choc de la cavalerie galla. Dedjaz
Beurou, seul, le gouverneur du Godjam, obtient l’attention
de Ras Ali, et parvient par ses provocations à
l’attirer hors de son territoire ; il le traîne ainsi à sa
suite autour du Godjam , et lui échappe toujours par
des marches forcées : cette manoeuvre est le résultat
d’une convention faite avec Oubié, et a pour but d’occuper
Ras Ali jusqu’à l’arrivée de celui-ci.
Le 23 octobre nous reçûmes une lettre d’Angélo nous
apprenant son arrivée à Messoah , et celle d e l’aboune,
avec q u i, disait-il, il avait été pendant tout le voyage
en la meilleure intelligence, mangeant, buvant, vivant
enfin de pair à compagnon, lui Hébreu, avec
l’évêque copte : il paraît qu’ils avaient trouvé leur
point de contact dans leur commun mépris pour la