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 entendu  que  les  hommes  se  trouvaient  d’un  côté  
 et  les  femmes  de  l’autre.  Les  matelots  sans  armes  
 étaient rangés  sur  deux files dans l’intervalle ;  enfin  
 les  hommes armés étaient placés tout-à-fait en arrière  
 avec les capitaines d’armes à leur tête pour les  
 commander. 
 M.  1 évêque, assisté  de  deux missionnaires,  dit sa  
 messe qui dura environ une heure. De temps en temps  
 les naturels  chantaient dans leurs rangs  des  versets  
 d une  hymne  composée par  les  missionnaires ;  ces  
 chants simples et paisibles qui avaient  toujours  lieu  
 dans  un  unisson  parfait  produisaient  un  effet  touchant. 
   Parmi  nous, personne ne put manquer  d’en  
 être  vivement  impressionné ;  même  ceux  qui,  par  
 habitude ou par tempérament,  se trouvaient le moins  
 susceptibles de pareilles sensations. Sans doute après  
 les hommes religieux, ceux qui étaient le plus à même  
 d admirer  ce  spectacle  devaient  etre  les  personnes  
 qui pouvaient comparer  l’état actuel de ces naturels  
 élevant leurs prières au trône de l’être suprême, suivant  
 un  culte  doux  et  plein  d’humanité,  avec  les  
 rites  barbares  et  sanguinaires  que  leur  commandait  
 leur religion primitive. 
 Au moment de l’adoration, une  décharge générale  
 de mousqueterie  eut  lieu  et produisit  une  vive  impression  
 sur les naturels ;  les femmes  et  les  enfants  
 poussèrent même  quelques  cris  d’effroi  qui  furent  
 bientôt réprimés. Par mon ordre, une salve d’artille-  
 ne eut lieu sur les corvettes, mais le vent qui soufflait 
 avec  force, l’empêcha de retentir dans les montagnes  
 de l’île comme elle n’eût pas manqué de le faire par  
 un temps calme. 
 La messe dite, l’évêque adressa d’abord aux Français  
 une petite allocution pour les remercier de l’assistance  
 qu’ils avaient bien voulu porter aux travaux  
 des missionnaires ainsi  que  des dons que nous  leur  
 avions  faits  à  eux et aux naturels. Ensuite  il fit une  
 sorte d’allusion aux dangers que nous avions courus,  
 déclarant que la  providence  nous  avait  sans  doute  
 arrachés aux glaces prêtes  à nous ensevelir,  dans le  
 dessein de nous  conduire à  Manga-Reva, pour  nous  
 mettre à même de favoriser l’oeùvre des missionnaires  
 ,  par  notre  influence  et  nos  exemples,  comme  
 pour  donner un éclatant  démenti aux calomnies des  
 ennemis de la France et de la religion catholique. En  
 prononçant cette petite harangue, le bon prélat était  
 si ému  qu’il fut souvent  obligé de  s’interrompre  et  
 de  se répéter. 
 Enfin  il  s’adressa  dans  la  langue  du  pays  aux  
 naturels, et  cette  fois  ayant repris tout son aplomb,  
 il les  entretint  durant  près  de  vingt  minutes  avec  
 beaucoup d’aisance et d’énergie.  Sans doute, ce qu’il  
 leur dit leur fit une vive impression,  car ils observèrent  
 un  profond  silence  et  restèrent  encore  un  
 moment  comme  attérés  sous  le  coup  de  ses  paroles. 
 Tandis qu’il dépouillait ses ornements pontificaux,  
 je  fis  faire  quelques tours  d’exercices à nos  soldats.  
 Les naturels étaient enthousiasmés de ce spectacle et