lieux, étaient de francs ignorants. Ils avaient même
fini par être si effrayés du métier que je faisais, qu’ils
répandaient l’alarme parmi l’équipage, en s’écriant
que je voulais perdre mes navires. Je les fis appeler
et leur ordonnai sévèrement de se taire s’ils ne voulaient
pas que je les misse aux fers à fond de cale.
Heureusement leurs clameurs produisirent très-peu
d’effet sur nos matelots habitués aux dangers tout
autrement terribles des glaces, et ils étaient les
premiers à se moquer des terreurs des deux marrons*.
Vers six heures du soir, une fois parvenus sur la
ligne qui joindrait Kamaka à Aka-marou, nous avions
dépassé la crête de la chaîne du grand brisant et le
fond augmenta considérablement : je continuai de
louvoyer, mais à sept heures la nuit étant venue, la
brise ayant fraîchi et les ténèbres rendant nos bordées
courtes et périlleuses, je me décidai à mouiller
sur la pointe S. 0. d’Aka-marou, à un demi-mille environ
de la côte. Un quart d’heure plus tard, la Zélée
en faisait autant. Dans la nuit , il passa des rafales
assez fortes du N. 0.; mais nous étions abrités par les
terres dans cette direction, et nos navires furent peu
fatigués par la mer.
Après soixante-quatre jours de la navigation la
plus lente et la plus contrariée, il nous fut bien agréable
de nous voir enfin parvenus au but de nos efforts
et de respirer l’air de la terre. Nous n’étions pas non
plus indifférents à l’espoir de nous procurer quelques
rafraîchissements, surtout de pouvoir savourer quelques
uns de ces fruits des tropiques, si précieux
pour des estomacs fatigués par les privations de la
mer.