souvent paru vagues et incohérents ; il semblerait cependant
qu ayant pris eux-mêmes ces hommes dans leur premier état, et
les ayant guidés pas à pas pendant quatre années dans une voie
nouvelle, ils devraient en connaître à fond les moeurs et le langage
primitifs. Nos apôtres ont peut-être exagéré l’état de dégradation
où ils ont trouvé ces enfants de la nature, pour rehausser
dautant 1 importance de leur conversion. De toutes les pratiques
usitées chez les peuples sauvages, il n’en est pas qui
répugne autant à l’homme civilisé que le cannibalisme. Les missionnaires
ont peut-être avancé trop légèrement que les Manga-
Reviens étaient anthropophages. Une pareille assertion devrait
être appuyée de preuves irrécusables, surtout lorsque le capitaine
Beechey qui a visité cé peuple, il y a douze ans, alors qu’il
était encore livré aux pratiques superstitieuses, pense que les habitants
de Gambier ne mangeaient pas de chair humaine. J’avoue
que n’ayant vu qu’une grosse pierre noire sur laquelle un
homme fut, dit-on, assommé, puis dévoré par ses semblables, je
n’ai pas encore été convaincu. A cet égard, je suis d’une incrédulité
qui ne doit céder qu’à une évidence palpable, car, suivant
moi, le cannibalisme est plus fait pour caractériser un peuple
que ne peuvent l’être la couleur de la peau, l’angle facial ou la dé-
pression du crâne. Je pense qu’avant tout les mangeurs d’hommes
doivent être séparés de la grande famille des peuples. Quoi qu’il
en soit, on dit que les Manga-Reviens immolaient des victimes humaines
aux mânes de leurs chefs, et dévoraient le corps deces victimes
dans un repas funèbre. On dit que déciméspar des guerres
cruelles, la population qu’on évaluait anciennement à 5 ou 6ooo
âmes, a été réduite à 2 ooo ou 2800 On dit que l’infan ticide était fort
commun, et qu’une mère ne se faisait pas le moindre scrupule de
jeter son nouveau-né dans un trou et de l’y ensevelir sous un tas
de pierres. O11 dit enfin que la famine venant quelquefois en aide
à la guerre et à la destruction des enfants, mettait aux abois ce
misérable peuple.
Les naturels de l’archipel Gambier sont grands et bien bâtis.
Leurs extrémités semblent pourtant un peu grêles, eu égard
aux autres parties du corps. Leur physionomie est grave et
peu expressive, excepté dans la conversation et la discussion, où
elle prend un caractère de franchise et de bonhomie qui enchantent.
Leur regard triste et languissant dans le silence devient
tout à coup plein de vivacité dans la conversation. Leur tête
est haute et un peu pointue, le front quoique fuyant, et
assez déprimé sur les tempes, ne manque pas de développement.
Les bosses sourcilières ont une saillie très-remarquable.
Ceux qui attachent quelque importance au développement
du crâne pour en tirer des inductions sur le don d’intelligence
et de moralité des individus, peuvent remarquer que la circonférence
de la tète des Manga-Reviens, mesurée au-dessus du
nez et des oreilles, atteint le plus souvent 22 pouces, tandis que
nos pauvres boules toutes gonflées de civilisation, n’ont guère
que 18 à 20 pouces de développement. Le nez des insulaires est
assez épaté, quoique infiniment moins que dans la race nègre. La
bouche large, rapprochée du nez et à lèvres épaisses, est ornée
de fort belles dents ; la moustache et la barbe sont assez épaisses,
le poil est rare sur les joues.
Les naturels, à l’état sauvage, portaient la barbe et les cheveux
longs, mais ils paraissent aujourd’hui vouloir se rapprocher des
modes européennes, en coupant l’un et l’autre. Leurs cheveux
noirs sont quelquefois frisés, mais jamais crépus ou laineux. Le
tatouage est usité chez ce peuple qui, à défaut de vêtements, semblait
l’employer pour distinguer les rangs, les familles, peut-être
aussi pour conserver le souvenir des faits glorieux et des événements
remarquables.
11 est possible que plus d’un sauvage porte aussi des titres de
noblesse blazonnés sur la peau. Quoi qu’il en soit, cette étrange
parure sillonne la peau en larges bandes noires, dont le plus sou