1838. trouvâmes l’établissement de pêche de Jacobs, con- Août. r . , sistant en une petite maisonnette en bois entouree de
plusieurs amas de nacre. Tout près, je remarquai un
magnifique Barringtonia isolé, portant quelques-unes
de ces brillantes fleurs dont la forme est si singulière
et quelques maigres plantations de carottes, de choux
et de haricots ; ces derniers sont dévorés par les chenilles.
On éprouve un sentiment de surprise en retrouvant
ces végétaux si vulgaires dans notre Europe
égarés parmi les figures si étranges des plantes indigènes
de l’Océanie.
Enfin nous doublâmes la pointe ouest d’Ao-Kena et
fûmes bientôt de retour chez l’évêque. Durant cette
dernière partie du trajet, dans une petite fente entre
les rochers maritimes, nous découvrîmes un crâne
bien conservé qui se trouvait encore sans doute là
par suite des anciennes coutumes du pays; car les
naturels déposaient le plus souvent les cadavres de
leurs morts dans les grottes au bord de la mer.
M. Gervaize voulut bien se charger de cette relique
pour la porter à notre phrénologiste.
A midi précis, je rentrai au manoir épiscopal, un
peu fatigué de ma course en plein soleil, et de plus
pourvu d’une bonne dose d’appétit. Aussi fis-je grand
honneur au repas, quoique le menu se réduisît à des
poules rôties ou bouillies, du chevreau en partie rôti,
avec du vin de qualité très-médiocre. Mais tout cela
me parut délicieux; tant est vrai ce proverbe qui
dit : Il n’est meilleure sauce que l’appétit.
Les convives étaient M. l’évêque, MM. Guillemard,
Latour, Dubouzet, Roquemaurel, Gervaize, Jacobs,
Rugg et moi.
Le repas fut très-gai et j’y recueillis encore divers
renseignements, surtout sur l’établissement des missionnaires
à Gambier, et sur les mauvais traitements
qu’essuyèrent MM. Laval et Carret, a Taïti, de la part
des habitants à l’instigation des méthodistes et particulièrement
de M. Pritchard. M. Jacobs, qui paraissait
fort indigné de la conduite des missionnaires
anglais, s’étendit longuement sur ce dernier chapitre,
surtout quand Rugg se fut retiré. Avant de quitter
ces îles, je donnerai d’une manière succincte le résumé
de ces conversations.
Au reste, ce que j’appris en cette occasion, acheva
de me fixer sur la direction ultérieure de ma route.
Déjà la triste expérience que j’avais faite en m’obsti-
nant à vouloir atteindre l’île de Pâques, et le temps
précieux que j’avais perdu dans cette tentative, m a-
vaient dégoûté de poursuivre ma route par les parallèles
de 28 à 23°, pour aller reconnaître les îles de
Yavitou, Rimatera, Mangia et Raro-Tonga, comme
je l’avais proposé dans mon projet de voyage. Ce n é-
taient d’ailleurs là que des points sans importance et
désormais peu dignes d’intérêt, car je ne pouvais y
trouver aucune ressource pour mes équipages, sans
compter qu’il me faudrait peut-être consumer le
reste de la belle saison de ces contrées dans une lutte
stérile contre les vents.
Je sentis qu’il y avait bien plus d avantage à aller
visiter les groupes des îles Marquises ou Nouka-Hiva