deviendrait aussi précieuse. M. Garrido se confondit
en remerciements, me renouvela toutes les offres
possibles de politesse , et s’en retourna très-satisfait
de sa visite, du moins en apparence.
Je le suivis bientôt à terre, et près du débarcadère
je trouvai M. Duportail et son associé qui m’attendaient
avec des chevaux, dont l’un m’était destiné;
c’était une jolie bête d'une grande agilité et en même
temps d’une admirable douceur. Aussi, malgré ma
parfaite ignorance dans l’art de l’équitation pus-je
suivre sans peine mes deux compagnons presque continuellement
au galop dans les rues de la ville, allure
habituelle des gens du pays. Nous enfilâmes d’abord
la grande rue mal pavée, mais assez droite, vaste et
bordéé de maisons irrégulières et la plupart en bois,
il est vrai, mais faisant assez bonne figure et offrant
quelquefois de riches magasins bien assortis.
Nous vîmes passer un détachement de miliciens,
composé d’hommes généralement petits et de peu
d’apparence, quoique assez proprement vêtus d’uniformes
en toile bleue et qui, du moins, avaient des
chaussures*.
On me fit gravir , le sommet d’un morne escarpé
qui domine immédiatement tout le quartier de Y Al—
mendral. De là on jouit d’un magnifique panorama de
la ville, de la rade et des navires qui couvrent ses
eaux. Sous vos pieds même se développe l’Almendral
avec ses maisons, ses rues et ses jardins dont quelques
uns sont assez agréables. Sur la droite, un
charmant bouquet d’oliviers renfermé dans l’enclos
de l’hôpital de la Merced, repose un moment la vue ;
ses arbres sont d’une plus belle venue et surtout d’un
vert plus foncé que ceux que l’on est habitué à voir
en Provence.
Malheureusement ce beau tableau a un bien triste
cadre dans les montagnes qui l’environnent de toutes
parts. Elles sont arides, pelées et couvertes seulement
de chétives broussailles semées ça et là sur le roc nu.
Nulle part l’oeil n’y saisit le moindre espace cultivé,
ou qui soit susceptible de l’être. Au bord du torrent
qui vient tomber à la mer vers l’extrémité de Y Almendral,
on me fit remarquer une petite maisonnette
isolée, comme ayant été la résidence de feu Portalès,
premier ministre de la république.
C’est de là que Portalès ayant appris qu’un régiment
s’était insurgé, partit pour aller le faire rentrer
dans le devoir ; les mutins s’emparèrent de lui, le
retinrent captif et marchèrent sur Yalparaiso qu’ils
sommèrent de se soumettre, en déclarant qu’ils ne
laisseraient libre Portalès qu’à ce prix. Mais les habitants
revenus de leur première surprise, repoussèrent
les rebelles; alors ceux-ci fusillèrent Portalès, et son
cadavre fut rapporté dans sa maison de campagne.
C’était, m’assura M. Duportail, un homme de talent,
de mérite et bien supérieur à tous ses compatriotes ;
mais il avait beaucoup de hauteur dans le caractère,
et ne se donnait pas la peine de dissimuler son profond
mépris pour ses concitoyens. Il les traitait
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