mer. Du reste, ce n’était pour M. Bardel qu’un pied à
terre, sa résidence habituelle étant fixée dans la ville
même de Concepcion.
Nous passâmes ensuite chez M. Mathieu, qui devait
nous fournir tous les vivres dont nous avions besoin,
et je vis avec bien de la satisfaction que presque toutes
ces fournitures pourraient se faire à bon marché et
dans d excellentes qualités. J’avais l’intime conviction
qu’avec des soins et de bons vivres, nous pourrions
maintenir nos matelots en parfaite santé, une fois
qu’ils seraient rétablis du scorbut.
Après avoir parcouru le village entier de Talca-
huano, nous visitâmes le local destiné à nos malades,
que je jugeai très-convenable au but proposé. Il était
situé près de la mer, dans un endroit bien aéré et facile
à surveiller. Seulement on aurait pu désirer qu’il fût
plus spacieux; mais on n’avait rien trouvé de mieux.
Les ouvriers travaillaient à force, et, d’après mes ordres
, tout devait être prêt pour le jour suivant.
Ayant été abordé, dans ma promenade, par deux
capitaines baleiniers dont les navires étaient mouillés
sur la baie„;voisine dejSaint-Yincent, pour continuer
leur peche durant la saison d’hiver, je leur fis quelques
questions sur la conduite de leurs équipages, et ils me
répondirent(qu’ils en étaient satisfaits. Comme M. Du-
moutier brûlait du désir de pouvoir disséquer un cerveau
de baleine tout frais, je les priai de neus avertir
quand ils en auraient capturé une et qu’ils seraient
prêts à la dépécer. En ce moment, il y avait cinq baleiniers
français à Concepcion, dont trois mouillés sur la
baie Saint-Vincent, et deux à la pointe de l’île Quiri-
quina. Chaque jour, ces bâtiments expédiaient de grand
matin deux baleinières au large pour courir sur la baleine
; mais ces animaux étaient devenus rares et fort
défiants. Aussi cette pêche était-elle très-peu fructueuse,
et je pensai que le plus grand avantage que les
capitaines retiraient de cette excursion journalière
était de tenir leurs équipages exercés et toujours en
haleine.
Plusieurs des matelots qui ont pu descendre à terre
ont déjà subi l’influence pernicieuse des vins du pays.
Bon nombre se sont enivrés ; les uns sont rentrés à leur
bord dans un état pitoyable, et les autres sont restés à
courir bordée dans les rues ou les cabarets de Talca-
huano. Cet inconvénient m’était bien connu ; mais je
ne pouvais pas songer à consigner nos matelots sur nos
navires : c’eût été les exaspérer et provoquer leur désertion
; en outre, il y avait une foule de travaux à exécuter
qui demandaient à chaque instant leur présence
à terre. Le seul parti à prendre était donc de tolérer en
partie ces abus, sauf à sévir contre les excès trop prononcés.
C’est aussi ce que je fis.
Ayant appris que notre hôpital temporaire à terre
était disposé, et le temps étant assez beau , je donnai
l’ordre que les malades des deux navires y fussent transportés
dans la matinée. Cette opération fut longue et
pénible, surtout à bord de la Zélée, où le nombre des
scorbutiques était beaucoup plus grand *. Plusieurs de
1838.
Avril.