M. de Maronée. Le brave père voulait m’en remettre
bien davantage ; mais je lui représentai combien il
était douteux que je pusse rendre cet argent à sa destination
, et il fut convenu qu’à mon retour en France,
je remettrais cette somme à la maison centrale de
Lyon, si je n’avais pu m’acquitter de ma commission.
J allai déjeûner avec mon confrère Duhaut-Cilly,
qui s’exprima cette fois d’une façon très-obligeante
au sujet des opérations que nous avions déjà exécutées
, et de ce que la marine devait encore espérer de
nos travaux dans l’Océanie.
En revenant, je passai à bord de la Zélée j j’autorisai
M. Jacquinot à mettre à la voile dès qu’il serait prêt,
et lui donnai le groupe de Gambier pour lieu de rendez
vous , si nous venions à nous séparer dans la traversée.
A mon retour à bord, je trouvai une lettre du père
Jean-Chrysostôme. Après m’avoir renouvelé ses remerciements
, il me priait d’user de toute mon influence
pour empêcher les matelots sous mes ordres
de séduire les femmes de Manga-Reva, et détruire par-
là l’effet des pieux efforts des missionnaires.
Je lui répondis que j’aurais égard à sa recommandation
, et que j’inviterais sérieusement tous les
hommes soumis à mes ordres à respecter la religion
et les bonnes moeurs; qu’il m’était, il est vrai, impossible
de répondre de la conduite de cent cinquante
individus, gens avides de plaisirs et rendus encore
plus altérés de jouissance par une longue privation ;
mais qu’au moins je ferais cesser sur-le-champ le
scandale en remettant à la voile le jour même où
j’apprendrais qu’une tentative blâmable aurait eu
lieu de la part de qui que ce soit.
MM. Duportail, Cazotte et Huet eurent l’attention
de venir me faire leurs adieux, et plusieurs officiers
du Président et de Y Ariane restèrent avec nos officiers
jusqu’au moment de l’appareillage, qui eut lieu sur
les deux heures de l’après-midi *.
La chaloupe de Y Ariane me donna assez longtemps
la remorque ; puis, à quatre heures, une petite brise
du S. S. 0. s’étant élevée et ayant promptement fraîchi,
nous serrâmes le vent et mîmes le cap à l’O. S. 0.
sous toutes voiles.
Enfin, j’étais arrivé à ce moment que j’avais attendu
depuis si longtemps, celui où je verrais nos
deux corvettes prendre définitivement leur essor à
travers les îles de l'Océanie*. De cet instant seulement
commençait vraiment la campagne dont j’avais conçu
et proposé le projet. Car mon travail aux glaces, tout
périlleux qu’il avait été et tout important qu’avaient
pu être ses résultats, n’avait eu pour but que de satisfaire
aux désirs du ro i, et comme je l’ai déjà avancé,
ce genre de recherches n’était jamais entré ni dans
mes goûts, ni dans mes études. Mais désormais il en
devait être tout autrement. J’allais recommencer une
navigation dont j’avais une longue expérience, renouer
le fil de travaux hydrographiques qui m’étaient
Note 52.