maisons, et qui divise tout le sol de la plaine en vastes
rectangles.
Quand je fus revenu sur la grève, mon patron Eve-
not m’annonça qu’un riche Anglais, possesseur de
la plus belle maison du pays et d’un moulin à farine
à vapeur, me priait de passer chez lui, s’engageant
à me montrer un endroit propre à chasser les perdrix.
En même temps, Joseph me contait qu’il avait
été accueilli par un Français, possesseur d’un autre
moulin à farine, mais mu par l’eau, qui l’avait chargé
de m’inviter à aller prendre le café chez lui. L’appétit
m’avait gagné, et je jugeai convenable de le satisfaire
avant d’aller voir ces deux braves gens. Pour
déjeûner, je m’étendis tout uniment sur la plage en
plein air; un gros morceau de granit me servit de
table, et quelques polissons du village me tinrent lieu
de cortège.
Comme je terminais mon repas, je vis s’avancer de
mon côté un homme assez bien mis, donnant le bras
à une jeune personne proprement habillée ; ce couple
s’arrêta devant moi, l’homme me demanda poliment
pourquoi je n’avais pas préféré aller m’établir sous
son toit pour déjeûner. Je lui répondis tranquillement
que je me trouvais fort bien où j’étais, et que cela était
plus convenable que d’aller de but en blanc chez une
personne que je n’avais point du tout l’avantage de
connaître. Puis, je jetai les yeux sur la jeune femme,
et reconnus une personne avec laquelle j’avais dîné
quelques jours auparavant chez M. Bardel, et qu’il
m avait présentée comme une parente de sa femme.
Je me rappelai alors que mon interlocuteur devait
être un Français, nommé Mège, établi dans le pays où
il faisait le commerce des farines. Alors je me levai,
j’offris mon bras à la dame et me dirigeai avec ma
nouvelle connaissance vers une habitation située à
peu près au milieu du village. Mon homme paraissait
assez communicatif, j’en profitai pour le questionner
à son tour et je lui dus encore quelques détails.
Penco fut aussi renversé de fond en comble par le
dernier tremblement de terre de 1835 , et il ne resta
du village entier que deux maisons debout. M. Mège
fut jeté par terre dans la plus forte commotion, et
faillit être écrasé sous les décombres de sa maison.
Les secousses furent longues, irrégulières,,et ce qui
les rendit funestes, c’est qu’elles eurent lieu à la fois
dans les deux sens, verticalement et horizontalement.
Leur durée totale fut de cinq à six minutes.
Il y eut aussi plusieurs fortes ondulations de la mer,
et suivant une mesure assez exacte, son élévation
monta jusqu’à quatre vares, environ 3 mètres ~ au-
dessus de son niveau moyen ; puis elle se retira d’une
quantité égale. Tous les habitans s’enfuirent aussitôt
sur les hauteurs voisines, et il faut convenir que leur
conduite était suffisamment justifiée par ce qui arriva
dans le tremblement de terre qui ruina Penco, si la
tradition est vraie ; on me montra en effet un rocher
assez près de la côte, que la mer vint alors couvrir, et
ce point est à près de 12 mètres au-dessus des plus
hautes marées ordinaires. Dans ce cas, la plaine entière
de Penco dut être couverte par les eaux.