tabli, et personne n’eût pu deviner que c’eût été pour
finir d’une manière si triste et si imprévue. Pressé de
satisfaire un besoin, au lieu de s’asseoir simplement
sur un des sièges de la poulaine, il avait eu la funeste
idée d’aller se percher sur le garde-fou de bâbord.
L’écoute du grand foc étant Venu à battre, l’avait saisi
par le milieu du corps et précipité à l’eau. Tombé
soüs la joue du navire, et embarrassé par ses vêtements,
il est probable qu’il avait coulé sur-le-
champ; d’autant plus qu’il nê savait pas nager. C’est
là ce qui rendit superflus tous nos efforts pour le
sauver *.
Au bout d’une heure de vaines recherches, et lorsque
l’on fut bien convaincu qu’il n’y avait plus rien à
faire pour le pauvre Geôlier, je rappelai les canots et
fis remettre en route. Cet accident, le premier de
cette nature qui nous arrivait dans la campagne,
rendit un moment tous les visages tristes et moroses.
Mais le matelot est si peu capable d’impressions
profondes, il est d’ailleurs tellement familiarisé avec
de pareilles idées, que dès le soir ils avaient tous
repris leur insouciance et leurs plaisanteries habituelles.
Quant à moi, j’admirai pour la centième fois de ma
vie comment un homme osait s’aventurer sur la mer
sans Savoir nager. J’ai toujours Cru d’ailleurs qu’il
serait du devoir des chefs du gouvernement de faire
prendre des mesures dans la marine pour que tous
les hommes appelés à y servir devinssent familiers
avec cet exercice*.
Dans les journées du 6 et du 7 juillet, il nous fallut
subir un coup de vent du S. 0. a 1 ouest. Du reste,
malgré les fréquentes variations du vent entre le
N. N. 0. et le S. S. 0., la direction de la houle avait
toujours été celle du S. 0. au N. E. ; preuve infaillible
que le vent du S. 0. n’avait pas cessé de régner
dans les régions plus australes.
Le 8, au matin, nous voyons passer un paquet de
plantes le long du bord. Sans doute il provient de l’île
de Pâques, et les courants qui n’ont cessé de porter à
l’Est l’auront entraîné à 200 milles sous le vent de
leur sol natal.
L’après midi, un phaëton voltigeant autour du navire
nous annonce aussi la proximité de la terre; en
effet, notre position de 27° 2# lat. S. et 108° 33' 0 .
nous rapproche déjà beaucoup de l’île Salas-y-
Gomez.
Le lendemain au point du jour, d’après notre point
nous n’avions pas dû passer à plus de sept ou huit
lieues de cette île, et d’après celui de la Zélée, nous
n’en étions qu’à deux ou trois lieues. Cependant nous
ne vîmes rien, quoique l’horizon eût permis de distinguer
une terre à une plus grande distance. J’en
conclus déjà que nos montres devaient avoir des erreurs
assez considérables.
Le jour suivant dans la soirée, le vent persistant
1888., Juillet
7 .
9 .
10.