l’Egypte, qui ne peuvent pas voir les chrétiens faire
des fouilles sur leurs ruines sans s’imaginer qu’ils
vont y chercher des trésors enfouis.
M. Mège me fit ensuite voir son moulin avec tous
ses détails, ce qui ne m’intéressa que médiocrement,
attendu que sa construction repose sur un mécanisme
très-simple et bien connu. Le torrent de Penco
n’étant pas assez abondant pour alimenter sa provision
d’eau, il a fait des fouilles pour établir un réservoir,
et il a retrouvé des ruines considérables qu’il
attribue aux casernes et aux prisons de l’ancienne
cité. Pour celui qui a visité les antiquités de là Grèce
et de l’Italie, l’aspect de ruines aussi modernes ne
peut inspirer qu’un sentiment de. tristesse sans aucun
mélange d’admiration
M. Mège, natif de Marseille, est établi dans ce pays
depuis dix-neuf ans passés. Deux ou trois fois déjà
il a réuni une petite fortune de 15 à 20 mille piastres,
qu’il a chaque fois perdue. Aujourd’hui il est en train,
dit-il, de recommencer et espère être plus heureux.
Puisse-t-il ne pas se tromper dans son attente ! On
en dit du bien, et il passé pour un homme probe et
honnête, ce qui n’est pas peu de chose à citer à côté
d’exemples si peu édifiants. Sa femme est une personne
assez agréable, qui vient de Mendoza. Depuis
sept ans qu’ils sont mariés, ils n’ont pas encore d’enfants.
A quatre heures, je pris congé de mes hôtes, je me
rembarquai et n’arrivai que très-tard à bord, car le
vent étant passé au nord, bonne brise, il fallut que
mes canotiers eussent les avirons sur les bras durant
les deux tiers de la route, à travers une mer clapo-
teuse et qui nous mouillait à chaque instant.
M. Bardel, qui déjeûnait ce matin avec moi, m’a
dit que Penoleo recevait du gouvernement la retraite
de capitaine, de douze piastres par mois, et en
outre le titre pompeux de chef des. ambassadeurs, ce
qui lui donnait beaucoup de crédit aux yeux de ses
concitoyens. J’ai remis au vice-consul un fusil pour
lui en faire cadeau en mon nom, sur l’assurance
que celui-ci m’a donnée que cette libéralité pourrait
produire un bon effet en faveur des Français exposés
à tomber plus tard entre les mains des Arau-
canos.
M. Dumoutier, toujours plein d’ardeur pour l’intérêt
de la phrénologie, a réussi a déterrer dans un lieu
nommé la Mocha, un charnier plein de débris de cadavres
indigènes, et il en a rapporté sept ou huit
crânes assez bien conservés. Cette exhumation se faisait
aux yeux des braves habitants qui contemplaient
avec calme cette violation des tombeaux, sous prétexte
que ces restes proviennent de païens. En habiles
physiologistes, ils avaient trouvé d’ailleurs que ces
infidèles n’avaient point la cruz sur le crâne (par allusion
à la suture cruciale) si bien marquée chez les catholiques.
Sans égard pour cette distinction, M. Dumoutier y
ajouta encore huit ou dix crânes qu’il alla enle ver à la
nuit tombante dans le cimetière de Talcahuano. Je
lui adressai à cet égard quelques observations, mais je
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