un poteau, la main sur la poignée de son sabre. Les Indiens,
formaient un grand cercle autour de lui, et trois ou quatre caciques
seulement s’étaient approchés pour 'le saluer. Il recevait
leurs accolades d’un air de mépris et les leur rendait à peine.
Un d’eux voulut commencer la harangue d’usage ; il lui fit signe
de la main de se retirer, et lui. dit qu’il l’avertirait quand il en
serait temps. Un instant après nous prîmes place sur les mêmes
sièges que nous avions occupés les jours antérieurs. Zuniga,
après être convenu avec l’intendant de ce qu’il allait faire, demanda
une chaise, la plaça au milieu du cercle, et fit signe delà
main qu’il était prêt à entendre les ambassadeurs.
La cérémonie fut la même que le premier jour. Couroumilla,
Trangoil et Henihuel, envoyé du cacique lnal de los Mcilales,
■firent leur harangue de salut. Zuniga les écoutait nonchalamment
étendu sur sa chaise et la tète baissée. Comme eux il faisait
chorus en chantant les derniers mots de chaque période ; mais à
chacun il faisait une réponse. Alors ses attitudes changeaient ;
elles devenaient menaçantes, imposantes, et ses yeux brillaient
d’un feu vraiment martial. 11 leur reprocha leur mauvaise foi
dans la plupart de leurs traités ; il leur demanda combien d’entre
eux avaient fait un faux serment sur la croix plantée la veille avec
tant de solennité. Il leur dit qu’il était bien informé, et que si aujourd’hui
ils n’étaient pas réunis aux Amadils qui avaient envahi
la province, ce n’était que la crainte qui les avait retenus ; qu’il
leur conseillait de conserver cette crainte salutaire, parce que,
s’ils osaient bouger, lui, Zuniga , irait les chercher dans leurs
montagnes, dont il connaissait les sentiers aussi bien qu’eux,
qu’il enlèverait leurs bestiaux, brûlerait leurs blés et leurs moissons,
comme il venait de brûler ceux du cacique Manguil et de
ses alliés ; que si Colipi était prolégé, c’est qu’il le méritait.
Tous les Indiens l’écoutaient en silence, ils suivaient des yeux
jusqu’au moindre de ses mouvements. Ils paraissaient saisis de
la vigueur et de la rapidité de son langage. Ces physionomies
apathiques, sur lesquelles nous cherchions en vain des sensations
les jours précédents, étaient animées et changeaient d’expression
suivant les inflexions de voix de l’orateur. Le fougueux, l’audacieux
Trangoil-lanca lui-même était entraîné, subjugué. Un peintre
habile aurait pu saisir le plan d’un beau tableau. Tout se
termina enfin par des protestations d’amitié ; Neculpan fut embrassé,
fêté par tous les caciques, et, comme les jours précédents,
d’abondantes libations vinrent replonger nos princes dans une
douce mais assez brusque ivresse.
Le soir, arriva le cacique Colipi. Les caciques réunis se plaignaient
de lui; il venait écouter les reproches qu’ils osaient lui
faire et leur apporter sa réponse. Ce chef allié des Chiliens avait
fait partie de la division q u i, avec Zuniga, venait de châtier le
cacique Manguil de Boroa. Il y avait conduit quatre cent soixante
et dix lances. C’était pour ainsi dire couvert des dépouilles de ses
ennemis qu’il se présentait devant eux. Il était accompagné de
sept caciques , ses alliés. Lorsque dans l’assemblée on annonça
son arrivée , il y eut un mouvement de mécontentement. L’intendant
ayant donné l’ordre a un des capitaines intei prêtes d aller
le recevoir et de lui préparer un logement, les Indiens païu-
rent blessés de cette distinction. Trangoil se leva et lui reprocha
cette préférence ; il dit entre autres que si Colipi était colonel, eux
ils étaient des Indiens libres. Mais Zuniga les fit bientôt rentrer
dans l’ordre. 11 leur déclara que Colipi méritait par sa fidélité les
égards qu’avait pour lui le gouvernement, qu’eux n’étaient que
des rebelles de mauvaise foi, qu’ils n’avaient qu’à changer de système,
qu’à imiter la conduite de Colipi, et qu’ils seraient aussi
protégés par les Chiliens.
L’arrivée de Colipi indiquait une nouvelle conférence; elle eut
lieu le lendemain, et ce fut encore un beau débat à voir. Le cacique
était plein de l’arrogance que lui donnaient et sa puissance,
et la protection du gouvernement. 11 leur déclara qu’il n’availpas
besoin qu’aucune autorité lui fût confiée sur les autres peupla