De temps en temps, aux lueurs de l’incendie qui
couvrait les flancs de la montagne, ils purent distinguer
les bandes de sauvages en armes qui les cherchaient
pour les égorger. Mais ce n’était pas tout;
extenues de fatigue et-de faim, ils étaient torturés
par une soif ardente sans voir la possibilité d’être
soulagés. S’armant de courage et de patience, ils sé
préparèrent à passer la nuit parmi les ruines d’une
méchante cabane située près de la cime du mont,
lorsqu un bruit soudain vint ranimer leurs frayeurs.
C était sans doute l’ennemi qui approchait, et cette
fois il ne leur restait plus qu’à recommander leur
âme à Dieu ; c est ce qu ils firent en effet; Cependant
ils remarquèrent bientôt que le bruit partait toujours
du même endroit et ne se rapprochait point. Ils prêtèrent
l’oreille attentivement et reconnurent enfin que
c’était le murmure d’une petite cascade qui tombait
contre les rochers. Leurs craintes se changèrent en
actions de grâces à la providence qui leur envoyait
déjà un soulagement inattendu dans leur détresse.
Les sauvages, ennuyés de l’inutili té de leurs recherches,
s’étaient retirés chacun chez eux. Alors les missionnaires
purent réussir à sortir de leur retraite,
et avec de grands soins et beaucoup de prudence, ils
purent retrouver leur canot qui avait été échoué au
rivage, et s’en retournèrent à Ao-Kena.
Ils laissèrent ensuite s’écouler un certain intervalle
pendant lequel ils accrurent encore leur renommée
d’hommes utiles et chers à la divinité. Une circonstance
heuieuse avança beaucoup leurs affaires, i
Le fils d’un des principaux chefs dé Maiiga-Rêva
étant allé faire un tour à Ao-Kena, y tomba dangereusement
malade, les missionnaires lui prodiguèrent
tous leurs soins et eurent le bonheur de le
sauver.
Le bruit de ce succès miraculeux se répandit à
Manga-Reva, chacun en fut ému, et le roi Mapou-teôa
désira lui-même les voir. On se doute bien qu’ils se‘
rendirent avec empressement à ses désirs, et cette
fois ils furent favorablement accueillis. Aussitôt ils se
mirent à prêcher leur doctrine. Il est digne de remarque
que les hommes des classes supérieures furent
les premiers à comprendre et à goûter les vérités
qu’on leur annonçait. A leur tête se distinguait Ma-
toua, l’oncle du roi, grand-prêtre et sacrificateur qui
abandonna ses pratiques pour embrasser le christianisme
avec un empressement inoui. On ne peut douter
que son exemple n’en ait entraîné bon nombre d’àu-
tres, particulièrement dans la classe du peuple. Lès
baptêmes commencèrent à avoir lieu et se succédèrent
rapidement. Les habitants d’Aka-marou se rangèrent
bientôt à la foi nouvelle. Ceux de Taravaï furent les
plus tardifs et leur conversion ne datait encore que de
deux ans lors de notre passage.
Au milieu de ces succès, les missionnaires un
moment arrêtés dans leur marche triomphante par
des persécutions imprévues, furent obligés encore
une fois de se retirer à Ao-Kena, dont les naturels
continuèrent de rester fidèles, après avoir été lès
premiers à écouter leurs prédications.