1888. Août. mouillé près de deux heures avant nous. Mais en
voyant sa position dans l’est à nous, je reconnus
qu’il avait pris un mauvais poste. En effet, il m’envoya
M. Thanaron pour m’annoncer que sur les indications
données par les naturels, il s’était vu forcé
de laisser tomber l’ancre par quarante-six brasses,
tout près d’un récif placé contre la poupe du navire,
et dans un endroit où il n’y avait point d’appareillage
avec des vents du S. E. Il me demandait
des secours pour changer de mouillage. Je lui fis
répondre qu’en effet c’était une opération indispensable,
mais qu’il fallait attendre pour cela un changement
de vent, et qu’alors je lui enverrais sur-le-
champ un renfort de bras.
Aussitôt mouillé, j’avais fait mettre les canots à
l’eau, et j’avais expédié le grand canot vers Ao-Kena,
sous les ordres de M. Marescot*, pour portera l’évê-
que les paquets qui lui étaient destinés et lui faire mes
compliments. MM. Dumoulin, Dumoutier et Le Breton
saisirent cette occasion pour commencer leurs
travaux.
Vers trois heures et demie, une petite yole montée
par quatre naturels, dont l’un tenait gravement à la
main un pavillon ajusté au bout d’un bâton, vint accoster
le long de Y Astrolabe. L’homme au pavillon,
vêtu proprement, expliqua du mieux qu’il put, qu’il
était l’envoyé de Yafca-riki de Manga-Reva** vers l’akariki
des Français ; puis il demanda où se trouvait celui
ci.
Sans doute il eut peine à reconnaître le puissant
chef qu’il cherchait sous le costume négligé dont j’étais
revêtu, car il répéta jusqu’à trois fois sa demande.
Enfin quand il ne put conserver plus longtemps ses
doutes, il me remit une lettre de l’abbé Guillemard
qui m’annonçait que le roi Mapou-teoa, l’ami des
Français, m’envoyait présenter ses compliments et
m’offrait ces petits cadeaux comme preuve de son
affection. C’était une quinzaine de poules, des cocos,
des bananes et des fruits-à-pain, que je fis sur-le-
champ distribuer aux diverses gamelles. Aux ordres
que je donnais, à la prompte obéissance dont ils étaient
suivis, Matea, le digne envoyé, qui en homme discret
et prudent avait sans doute voulu acquérir des preuves
irrécusables de ma dignité avant de se dépouiller
de la partie la plus précieuse de son message,
me prit à part d’un air mystérieux et tira de dessous
son gilet un petit paquet soigneusement enveloppé de
plusieurs morceaux d’étoffe du pays. Enfin je découvris
quatre ou cinq perles qui auraient été d’un certain
prix pour la forme et pour la taille, si elles avaient
été d’une belle eau. Mais elles étaient cendrées ou
brunes. Sans doute le sage Mapou-teoa ayant en vain
tenté de les vendre aux pêcheurs de perles, avait saisi
ce moyen de faire des largesses à peu de frais pour
son trésor. Je ris en moi-même de la ruse du bon roi,
et invitai son envoyé à partager mon repas qu’on
venait de servir. Il se comporta avec beaucoup de