un homme d’une grande instruction; il parle six ou sept langues,
est bon chimiste, physicien , astronome, grammairien , etc. 11 a
visité toutes les principales nations de l’Europe en voyageant à
pied, bien que sa fortune à celte époque lui permettait de prendre
les voitures publiques.
Après avoir parcouru une partie de ses domaines (à M. Lozier),
nous le quittâmes pour continuer notre route Vers Colima. Nous
traversâmes encore une fort jolie plaine, celle de Lameseta, peuplée
d’indiens, et nous nous retrouvâmes à la Raqueti. Le soir
nous allâmes coucher à Colima, et le lendemain à Concepción.
Je devais terminer ici ma narration , mais je m’aperçois que je
vous ai parlé de princes, de fortifications d’Arauco , du palais du
gouverneur. Il y aurait vraiment conscience à vous laisser croire
qu Arauco est une ville. C’est une mauvaise bourgade composée
dune centaine de chaumières, entourée d’une muraille de terre
qu un seul coup de canon renverserait. Les bastions ont pour
tout armement une seule pièce de huit montée sur un affût en si
mauvais état, qu au premier coup il se démolirait. Le palais du
gouverneur est une chaumièreun peu plus grande que les autres.
Elle a deux chambres ; l’in tendant en occupait une, et Rouse èt
moi l’autre. La porte qui devait fermer l’entrée de la ville est en
morceaux depuis plusieurs années et n’a pas été réparée. Le gouverneur,
qui est un capitaine, était allé loger en ville, et nos domestiques
à la belle étoile.
Quand j ai dit que mes caciques étaient des princes, je n’ai rien
exagéré ; car il 11 en est pas un qui ne soit revêtu d’une gale de la
plus belle espèce. Je ne sais comment nous avons échappé sans
en avoir attrapé notre part, au milieu de cette profusion de poignées
de main et d accolades. Il est vrai de dire que nous ne perdrons
probablement rien pour attendre, car ce léger défaut est
assez généralement répandu dans le pays pour qu’une main chilienne
nous en fasse le cadeau.
Ces Indiens ne sont plus aujourd’hui ce qu’étaient ceux qui
combattirent les Espagnols. Ils sont bien encore désignés par qua-
tregiandes dénominations; mais il s’est formé parmi eux un
nombre considérable de subdivisions. ,
Ces Indiens sont d'un aspect sale et presque bideux, très-gras,
et d une apparence lourde. Leur physionomie est sans expression ;
ils ont un nez épaté, de grosses lèvres , des visages ronds. A les
voir, on se demande comment de pareils ennemis peuvent être à
craindre. On les dit braves ; mais, à mon avis, c’est plutôt le genre
de guerre qu’ils font, la nature du terrain sur lequel ils combattent,
qui les rendent redoutables. Jamais ils n’engagent une affaire que
lorsqu’ils pensent que la supériorité du nombre leur assure le
succès. Leur mobilité naturelle, les montagnes couvertes de forêts
qu ils habitent, leur donnent la facilité d’échapper à l’ennemi, et
même de choisir leurs champs de bataille. Si quelquefois les Chiliens
parviennent à les,forcer au combat dans une position désavantageuse,
c’est qu’ils les atteignent dans une retraite. Leurs
invasions ne sont que passagères ; ils entrent sur le territoire de la
république avec la rapidité de l’éclair, toujours accompagnés de
chevaux de rechange, un’ petit’sac de, blé rôti fournit toute leur
nourriture, et au besoin ils mangent les chevaux qui ne leur
sont pas utiles. Ils occupent plusieurs points à la fois, mais
leur but n’étant que de voler des bestiaux, d’enlever des familles
et non de combattre, ils se retirent aussi légèrement dès qu’ils
ont assuré leur proie.
Je ne crois pas que l’on puisse craindre qu’ils aient jamais l’idée
de reconquérir le pays quelles Espagnols leur ont enlevé. Une
pareille entreprise^ demanderait des combinaisons trop élevées
pour des hommes de cette espèce. Leur ambition ne dépasse pas
le vol de quelques animaux. D’ailleurs leur situation ne leur permettrait
pas de s’entendre sur un plan aussi vaste.
Bien que l’on distingue encore parmi eux quatre grandes divisions
désignées sous les noms d’Araucanos, Huilliches, Pegun-
ches et Puelches, elles n’existent que de nom. Chacune d’elles est
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