
 
		senta  à ma  vue.  Presque toutes lés maisons  étaient renversées,  et  
 les  édifices  publics presque totalement  détruits ;  pour  arriver  à  
 la première maison vers  laquelle je me dirigeais, il me fallut faire  
 des  détours continuels ;  les décombres des maisons et des temples  
 obstruaient  entièrement  les  rues,  et  comme  quelques  pans  de  
 murailles  étaient  restés  debout,  il  était  à  craindre  que  leur  
 chute, qu’on  attendait  à  chaque instant,  n’écrasât  les personnes  
 qui passeraiént par-là. L’effroi se peignait  sur  les  physionomies  
 de toutes  les personnes  que  je  rencontrais  :  en  vain je  les  questionnais  
 sur  le sort  de  nos  amis  communs,  on  ne  me  répondait  
 pas,  ou  les  réponses  qu’on  me  faisait  étaient  celles  de  personnes  
 en délire. 
 La  chaleur  était  insupportable  et  me  semblait  plus forte  que  
 celle  qu’on  éprouva  à  Paris  en  i 8a5.  L’effroi  commençait  à  se  
 calmer quand tout à coup  se  répandit  le bruit  que  la  plaine  de  
 Talcahuano  était  inondée,  et  que  la  ville  était menacée  d’être  
 submergée par  les  eaux  de  la mer  et  de  la  rivière.  On  vit  alors  
 presque  toute  la  population  se  diriger  à  la  hâte  vers; les  lieux  
 élevés qui  environnent  la ville,  animée  par  la  double  crainte de  
 voir  l’inondation  de  la ville  et  celle  de  ne  pouvoir  se  procurer  
 les aliments les plus  nécessaires  à  la vie. Ce ne fut guère que. vers  
 trois  heures que  cette  crainte  commença  à  se  dissiper ,  et que  la  
 plupart des habitants  revinrent  aux  lieux  où  étaient  avant  leurs  
 domiciles. 
 Quoique les secousses  fussent presque  continuelles, beaucoup,  
 de  personnes  se  déterminèrent  à  entrer  dans  les  maisons  qui  
 étaient  restées  à moitié debout, pour  en  retirer les objets nécessaires  
 pour  se  faire  un  abri  pour  la  nuit.  A  chaque  instant on  
 craignait qu’une pluie  d’averse  ne'  vînt  augmenter  la  somme des  
 malheurs qu’on  avait  éprouvés ( les  tremblements  de  terre  qui,  
 en  1822  et  1829  avaient  renversé en partie plusieurs villes de  la  
 province de Santiago,  avaient  été  suivis  presque  immédiatement  
 de pluies  abondantes);  heureusement  il n’en  fut pas ainsi,  le ciel 
 resta serein jusqu’au  mardi  24,  et la  pluie  ne  tomba  que le lendemain  
 25. 
 Ce peu de jours suffit pour que  chacun  se  procurât  un  abri,  
 et  comme  dès  le  troisième  jour  le  marché  fut  abondamment  
 pourvu de vivres ,  les  habitants  reprirent  leur  gaieté  et leur insouciance  
 naturelles. Un  fait  suffira  pour  s’en  convaincre  Le  
 mauvais  temps  me fit rester dans  la  chaumière  où  était  logée  la  
 famille  d’un  de mes  amis ;  des  voisins  appartenant à la classe des  
 artisans  passèrent  une  partie  de  la  nuit  à  danser  au  son  de  la  
 guitare, sans s’inquiéter des oscillations de la terre qui se faisaient  
 sentir à chaque instant. 
 Le  nombre  des  personnes  qui  périrent  lors  de  ce  désastre  
 s’éleva à 81  ; la plupart de ces infortunés appartenaient à la classe  
 ouvrière  :  il y  eut  10  individus  grièvement  blessés,  et  plus  de  
 5oo  qui  reçurent des contusions plus ou moins  fortes. La population  
 de  Concepcion  s’élevait  alors  à  7  ou  800  âmes,  et  si  ce  
 n’eût été le concours  de trois circonstances, de l’heure,  de  la  largeur  
 des rues et de l’étendue des cours intérieures ,  les  f- de  cette  
 population qui habitait des  maisons  de  briques  auraient probablement  
 péri.  Depuis  lors  jusqu’aujourd’hui  les  mouvements  
 de la terre n’ont pas  cessé, et je Crois que  le  nombre en  a dépassé  
 1200. Le 27  février  i 835,  depuis  sept  heures  du  matin  jusqua  
 une  heure  de  la  nuit,  j ’en  ai  compté  trente-deux  grandes  et  
 petites .  J’étais légèrement indisposé ,eé jour-là et je gardais le lit :  
 comme mon matelas  était étendu par  terre,  il me  fut facile de les  
 sentir.  Il faut que  le mouvement  de  la  terre soit  assez fort,  pour  
 qu’on  s’en  aperçoive quand on marche. 
 Sans  compter le tremblement  de terre du 20 février, qui fut  la  
 ■cause  du  désastre  dont  nous  avons  parlé,  on  peut  diviser  les  
 autres  en  trois  classes,  selon  leur durée  et  leur  intensité.  Dans  
 la  première classe, je  rangerai  ceux  du  11  novembre  1835, du  
 26  avril  1836 et du  7 novembre  1837. Le premier,  qui lut le plus  
 fort,  eut lieu à neuf heures moins quelques minutes du matin.  Il