Toutefois, je composai mon extérieur et m’armai
de courage pour conduire Y Astrolabe jusqu’au mouillage.
Vers une heure, le commandant Duhaut-Cilly vint
lui-même me faire sa visite et me proposer ses services.
La douleur dont j’étais pénétré et l’attention
qu’il me fallait donner à la manoeuvre ne me permirent
que de le remercier, et de le prier de vouloir
bien m’envoyer tous les canots dont il pouvait disposer,
attendu que nos avirons ne nous faisaient avancer
que bien lentement, et qu’en ce moment même nous
avions bien de la peine à nous éloigner des brisants de
la pointe sud, sur laquelle nous semblions dériver.
M. Duhaut-Cilly s’en retourna peu après en me promettant
des canots pour me remorquer.
Je réitérai la même prière au capitaine Scott, du
President, qui venait m’inviter à dîner ail nom du
contre-amiral Ross, et je lui expliquai en même
temps la raison qui m’empêchait de me rendre à l’invitation
du général.
Vers deux heures, tous les canots de Y Ariane et des
deux navires anglais arrivèrent à mes ordres, et désormais
halées avec vigueur, nos deux corvettes atteignirent
promptement la rade. Je laissai tomber l’ancre
par 32 brasses de l’arrière du President, et M. Jac-
quinot alla se placer peu loin de Y Ariane.
Sur-le-champ je donnai l’ordre aux deux commis
d’administration, ainsi qu’aux deux commis aux
vivres, de faire toutes les démarches nécessaires pour
nous procurer les vivres qu’il nous restait encore à
prendre, attendu que je ne voulais pas passer plus de
trois jours sur la rade de Valparaiso. Pour moi, libre
enfin de me livrer seul à mon chagrin, je me renfermai
dans ma chambre, et j’y passai le reste de la journée
à écrire à ma femme une lettre dans laquelle je
lui offrais toutes les consolations en mon pouvoir.
Une fois ce devoir accompli, je me sentis un peu consolé
et surtout plus affermi dans la résolution de résister
aux instances de mon Adèle et de continuer la
campagne, quoi qu’il dût m’en coûter et quel que fût
le sort que la fortune dût me réserver.
Vers dix heures du matin, en compagnie du capitaine
Jacquinot, j’allai rendre ma visite au commandant
de Y Ariane. M. Duhaut-Cilly nous accueillit
avec beaucoup de cordialité et s’empressa de satisfaire
aux petites demandes de service que je lui adressai,
comme le prêt de sa chaloupe et d’une légère quantité
de poudre. Ces heureuses dispositions à nous obliger
de sa part me portèrent à lui faire une demande plus
importante , mais qui n’obtint pas d’abord le même
succès.
La mort de deux personnes, six malades que nous
étions obligés de laisser, deux autres individus débarqués
sur leurs prières, et surtout sept ou huit mauvais
sujets qui avaient lâchement déserté àTalcahua-
no , tout cela avait considérablement affaibli nos
équipages, dont la force n’était déjà que tout juste
celle qui convenait à la navigation active que je me
proposais d’entreprendre, navigation, à tous égards ,
bien différente dé celle des bâtiments qui ne par