des, que sa lance lui donnerait le moyen de châtier ceux qui oseraient
mettre le pied sur son territoire. La querelle devenait sérieuse
; mais Neculpan les apaisa tous, et la réconciliation parut
être complète.
Enfin notre mission était terminée, et nous partîmes d’Arauco
pour revenir à Concepcion. Mais l’intendant désirant nous faire
connaître le pays , nous proposa de prendre un autre chemin.
Nous pensâmes alors à aller rendre à M. Lozier la visite qu’il
nous avait faite, et nous nous mîmes en route eh remontant le
■cours du Carampangue.
Que n’ai-je cette facilité , cette grâce descriptive qui transmet
facilement les impressions qu’on a reçues ! je vous ferais connaître
le beau pays que nous avons parcouru , des montagnes couvertes
d’arbres immenses, de jolis vallons au milieu desquels se promène
lentement une rivière capricieuse , des bois de pommiers
surchargés de fruits, de riches pâturages, de gras animaux, et
enfin de temps à autre, et dans des positions très-pittoresques,
des peuplades d’indiens assis. Voilà ce que nous avons vu ; tâchez
de vous en faire une idée. Je vous dirais bien qu’il y a beaucoup
de rapprochement entre ces pays et les jolies vallées de l’Helvé-
tie ; mais, comme je ne les ai vues qu’au petit Trianon, je pourrais
me tromper. Enfin nous arrivâmes à l’habitation du philosophe
que nçus allions visiter, et nqus le trouvâmes comme un patriarche
au milieu de sa famille.
M. Lozier est un des- Français qui ont quitté la France à la
chuté de Napoléon. Après avoir parcouru les Etats-Unis, le Brésil,
les provinces de la Plata, il est arrivé au Chili. Connu pour
-un homme vraiment instruit, il fut longtemps employé par le
gouvernement chilien, tantôt comme ingénieur, tantôt comme
recteur de Ylnstituto, du temps du général Pinto. Après le changement
qui amena au pouvoir le général Prieto, il fiit envoyé à
Concepcion pour y organiser un collège du gouvernement ; mais
quelques désagréments qu’il eut avec les autorités lui firent prendre
la résolution de se retirer. Il acheta aux Indiens d’Arauco une
assez grande étendue de terrain pour vivre au milieu d’eux. C’est
un homme de 5o ans, très-doux , mais très-original; il est d’un
caractère très-timide , et cependant il vit au milieu des Indiens.
11 est fatigué du monde et dit qu’il préfère les sauvages aux gens
à moitié civilisés. Il est décidé à terminer ses jours dans son désert.
Sa maison ressemble beaucoup à celle deRobinson Crusoê.
Elle est dans une gorge, et c’est unecaverne fermée par des roches
qu’il a entourée de murailles en pierre. Il dit qu’il n’a qu à se
louer de ses voisins sur lesquels il a acquis une certaine influence.
11 ne vient que très-rarement à la ville.
Nouveau Las Cases,il est un de leurs chaleureux défenseurs. Il
prétend que ces hommes sont d’un naturel fort doux, et reproche
continuellement aux Chiliens la mauvaise foi avec laquelle ils se
conduisent à leur égard. Il s’occupe en ce moment de construire
un moulin hydraulique. Du reste, M . Lozier n’est pas le seul savant
qui soit venu avec l’intention de terminer sa carrière au milieu
des Araucaniens. Don Simon Rodrigues, qui fut précepteur
du fameux Bolivar, est aujourd’hui dans un hacienda sur la frontière.
Après avoir voyagé longtemps dans toute 1 Europe, en avoii
étudié tous les systèmes d’éducation, il était revenu en Amérique
pour régénérer ses compatriotes. Le gouvernement chilien le- fit
venir de Lima pour diriger un collège à Concepcion. Mais cet
homme bizarre voulut introduire des principes a lui, et au lieu
d’apprendre à lire à ses élèves, il s’occupait à leur prêcher les doctrines
lès plus singulières sur la vie naturelle. Sur quelques observations
qui lui furent faites à cet égard, il donna sa démission
et se retira sur la frontière. Sa femme est une Indienne de son
pays ; il a trois enfants appelés Choclo , Sanauria et Poroto’ . 11
n’a jamais voulu les faire baptiser, prétendant qu ils n ont besoin
d’appartenir à aucune secte. Maigre une infinité de ridicules, c est
I Épi de Maïs, Carotte et Haricot.