1838.
9 août.
CHAPITRE XXII.
Suite du séjour à Manga-Reva,
Dans la matinée j’ai expédié M. Demas avec le grand
canot à Ao-Kena, pour porter à M. l’évêque de Nilo-
polis tous les instruments et objets en fer dont j’ai
pu disposer en faveur de la mission. Bien que je ne
fusse pas autorisé de fait à disposer ainsi de ces objets,
en cela j’ai cru faire une oeuvre louable, et j’ai pensé
que personne ne pourrait me blâmer de ces largesses
en faveur d’hommes qui, indépendamment même du
point de vue purement religieux, méritaient l’estime
et l’intérêt de leurs compatriotes pour les services
désintéressés qu’ils rendaient aux sauvages.
A dix heures et demie, je quittai le bord dans ma
yole pour essayer de débarquer à l’aiguade où nous
faisions notre eau, derrière la corvette. Mais la mer
et les récifs m’en empêchèrent. Alors je , fis le tour de
la pointe S. E. et mis pied à terre sur une jolie plage
de sable, devant un petit groupe de maisons qui
commence la vallée Riki-Tea. Je fis route le long de
la mer en ramassant quelques fougères et observant
de temps en temps les habitants occupés paisiblement
à divers travaux et dont aucun ne manquait de me
saluer affectueusement.
J’arrivai ainsi chez le matelot Guillou dont la case
avait un petit air de propreté et d’arrangement qui
faisait plaisir à voir.
Sa petite femme accorte et assez bien tournée,
portait dans ses bras un enfant de six à huit mois
tenu très-proprement. Auprès de sa case, il avait un
petit enclos où j’avais envoyé tous les charpentiers
des deux navires, pour achever un canot commencé
par Guillou, et qu’à ma prière il avait cédé aux missionnaires
à un prix modéré. Car je tenais beaucoup
à pouvoir remplacer avant mon départ la baleinière
qu’ils avaient si tristement perdue le long de Y Astrolabe.
La besogne avançait, mais le temps souvent
pluvieux les avait contrariés.
Le brave Matoua vint se présenter à moi, et apprenant
que je me proposais d’aller de l’autre côté de la
montagne, il s’offrit à m’accompagner avec six ou
sept de ses serviteurs.
. Un matelot, nommé Baur, portait ma boîte de
botanique, et malgré un soleil brûlant, je respirai le
grand air avec délices,, et cueillis quelques plantes,
dont les naturels me donnaient sur-le-champ les
noms dans leur idiome. Au reste, je ne trouvai rien
que je n’eusse depuis longtemps récolté à Taïli et
à Tonga-tabou.