le laissai faire au nom de la science 5 d’ailleurs cette
tentation était plus excusable en ce, que ces ossements
étaient exposés et abandonnés en plein air; la porte
même du cimetière était le plus souvent ouverte, de
sorte que rien n’empêchait les chiens d’aller les ronger
à leur gré.
Nonobstant la remarque des Chiliens, j’ai examiné
un moment ces divers crânes établis sur une table, et
je ne trouvai aucune différence entre eux. Tous offraient
presqu’au même degré une nature peu distinguée
et une grande pauvreté sous le rapport des facultés
de l’intelligence aussi bien que des sentiments
moraux.
Tout était prêt sur nos corvettes, et c’était le jour
définitivement fixé pour le départ. Mais le vent était
au nord, le ciel était chargé et la mer présageait un
fort mauvais temps. Peu jaloux de me mettre en route
avec des vents debout, le matin je suspendis les dispositions
de l’appareillage.
Dès midi, il vente grand frais de N. avec des rafales
et une pluie abondante et continuelle. Au lieu
de déraper il fallut songer à assurer notre tenue au
mouillage. Le coup de vent qui est, dit-on, des plus
violents qu’on puisse voir, dure avec une grande
force les deux jours suivants. Plusieurs navires chassent
sur leurs ancres. La lame vient briser avec fureur
sur la plage qui présente dans tout son contour
l’aspect d’un immense récif.
Tout en déplorant ces fâcheux retards pour la suite
de mes opérations, je me félicite de n’avoir pas essuyé
à la mer ce mauvais temps. Il n’en fût résulté que des
peines et des fatigues inutiles pour tout le monde,
tandis qu’au "mouillage, nos marins jouissent du repos
et de vivres frais qui ne peuvent que consolider leur
entier rétablissement.
Le 18, le vent diminua beaucoup, mais resta toujours
au N. N. E.; il en fut de même dans les journées
suivantes, et le 21 mai, il fit calme avec beau temps.
Du reste, je tins les équipages consignés à bord ,
pour éviter à quelques-uns de nos matelots l’occasion
de déserter *; d’ailleurs je donnai moi-même l’exemple
et ne bougeai point de mon navire. M. Dumoulin
fut le seul que j’autorisai à descendre à la plage, pour
aller faire des marques sur des rochers à une petite
hauteur au-dessus de la mer : marques destinées à déterminer
plus tard si le terrain n’a pas changé de niveau.
C’était une opération recommandée par les instructions
du dépôt, comme on a pu le voir.
La corvette Monte-Agudo est restée au mouillage de
Quiriquina, retenue aussi un peu par le vent du nord,
et beaucoup parla crainte que lui inspire un gros navire
qui louvoie depuis deux ou trois jours devant la
rade, et qui a passé pour être une corvette péruvienne ;
le bruit même s’est répandu qu’elle se proposait d'entrer
dans la baie et de piller le village de Talcahuano.
Comme les habitants n’ont ni canons, ni hommes à
lui opposer, leur frayeur est grande. Les autorités se
sont assemblées, e t, après de graves délibérations,