que nous les regardons. Les femmes restent à leur place, déjà
nous avions remarqué leur absence le matin à notre débarquement.
Elles ont été de toul temps sauvages, soit que la jalousie
des maris les empôelie de paraître aux yeux des étrangers, soit
timidité ou aversion naturelle. Une chose remarquable avait lieu
même avant l’arrivée des missionnaires, c’est que contrairement
aux moeurs relâchées des îles de l’Océanie, jamais les femmes de
Gambier ne se sont prostituées aux étrangers. Le pilote Le Guil-
lou, qui a visité ces îles dès l’année 1829, nous a attesté ce fait ;
avant l’arrivée des missionnaires, il n’avait dans différents voyages
aperçu qu’une seule vieille femme, donnant à manger à Une foule
de rats qui empestaient ces îles et qui paraissaient être les favoris
des habitants. Dernièrement même, lorsqu'il a voulu épouser
dans toutes les règles religieuses et civiles une femme du pays, il
a éprouvé mille obstacles dont il n’a triomphé qu’en employant
la menace contre les parents récalcitrants. Les missionnaires ont
profité de cette heureuse disposition naturelle pour consolider
l’établissement des moeurs chastes et pures, et quoique les prières
de ces messieurs aient arrêté toute tentative de séduction dans
les deux équipages, je ne crois pas qu’on aurait trouvé beaucoup
de femmes disposées à trafiquer de leurs faveurs. On ne sait pas
jusqu’où des offres séduisantes et riches auraient trouvé de la
résistance, car on n’en a point fait ; mais le fait est que les femmes
ont toujours conservé l’apparence de la pudeur.
Enfin, en terminant notre promenade, M. Cvprien nous mon-,
tra les endroits où des sacrifices humains avaient eu lieu , et
d'autres où des festins de chair humaine avaient été consommés.
Souvent, nous dit-il, des disettes survenaient lorsque la récolte
des fruits à pain manquait; alors la faim chassait souvent des
familles entières hors d’une île qui ne pouvait plus les nourrir;
les plus forts opprimaient les plus faibles, et des exemples fréquents
de cannibalisme avaient lieu. Quoique sobres, les naturels
une f i s poussés par la faim, devenaient féroces et impitoyables.
On a vu des hommes en poursuivre d’autres pour se repaître de
leur chair, et les guetter des semaines entières pour les surprendre
à l’improviste et les assommer. Des moeurs aussi féroces, attestées
d’ailleurs par les navigateurs qui ont toujours eu à réprimer
des attaques, honorent le courage des missionnaires qui ont osé
les braver.
« C’est un grand penseur et un homme profond d’après M.
Cyprien, que le roi Mapouteoa. » Cet éloge nous a frappés, car le
pauvre Mapouteoa ne paie pas de mine. Quoique grand et profond,
il est dépourvu de noblesse dans le maintien, et son oeil
inquiet semble redouter notre présence. Il s’inquiète beaucoup
de notre commandant, et nous demande s’il doit venir le voir.
( M . Desgraz.)
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La chaloupe part dès le malin pour aller à l’aiguade, au pied
du morne de Manga-Reva, à mille mètres du mouillage. A peine
cette embarcation était-elle rendue au brisant, formé par les récifs
qui bordent la côte, qu’on a vu accourir une troupe de naturels
qui tous faisaient signe de prolonger le brisant vers la pointe
pour trouver un endroit propice au débarquement. L’un des
naturels est venu à la nage pour piloter nos gens. On a prolongé
vainement tout le récif sans y trouver une coupure qui permît à
un canot de le franchir avec la marée basse et un peu de ressac.
La chaloupe vint donc mouiller en face de l’aiguade, en dehors
du récif; les futailles furent jetées à l’eau, et les naturels grands
et petits, vinrent les chercher, et les conduisirent en travers des
coraux jusqu’à la grève. Les enfants de huità dix ans étaient les
plus empressés à venir prendre nos barils, et culbutaient avec eux
dans les brisants, tandis que nos hommes n’osaient pas s’y aventurer.
Dès que le choix de l’aiguade < ut été fait, les naturels se
mirent en foule à déblayer la rigole de toutes les feuilles et bran