poussaient des cris de joie et d’admiration. Puis
tout le monde se rembarqua pour les corvettes à l’exception
des officiers qui voulurent rester à terre à se
promener*.
Pour moi, je montai le grand canot de l’Astrolabe
en compagnie de M. l’évêque, des abbés Liausou, Laval
et Armand, et de MM. Jacquinot, Dubouzet et Roque-
maurel. Le trajet dura plus d’une heure à cause du
vent et de la houle assez forte. Aussitôt arrivés, nous
nous mîmes à table; le dîner fut assaisonné par une
douce gaieté et la plus franche cordialité ; malgré
ma modeste cuisine, mes convives depuis longtemps
sevrés des jouissances de la civilisation, se régalèrent
sans doute beaucoup plus qu’ils ne l’auraient fait
en Europe à la table somptueuse d’un ministre ou
d’un financier. En outre, ils semblaient tous si heureux
de se retrouver avec des compatriotes que nous
ne pouvions pas nous empêcher nous-mêmes d’être
sensibles à leur joie.
Un peu avant quatre heures, je renvoyai le grand
canot aux ordres des missionnaires pour les reporter
sur Manga-Reva où ils voulaient retourner,
et je passai le reste de la journée à bord, où le mauvais
temps me consigna.
Le soir, une missive de M. Cyprien m’annonça avec
tous les ménagements possibles qu’une tentative
contre la pudeur des beautés manga-reviennes'
avait été faite par un de nos matelots, et il invoquait
mon autorité pour prévenir le retour d’une pareille ****
action. Après un plus ample informé, je découvris
que l’affaire se réduisait à ce qu’un marin par plaisanterie
et sans aucune intention avait fait semblant
de poursuivre une femme. Je répondis dans ce sens
au bon abbé, et lui annonçai qu’en outre il pouvait
être tranquille, puisque je comptais remettre à la
voile dès le surlendemain, si le temps le permettait.
Le vent du S. 0. souffle encore avec force et la is.
mer brise avec violence sur les récifs. Cependant je
me décide à aller faire mes adieux à M. l’évêque ; à
sept heures et demie, je m’embarque dans le grand
canot avec MM. Roquemaurel * et Gervaize, je dépose
avec quelque peine mes deux serviteurs sur la
porte de Manga-Reva pour aller laver mon linge et
me ramasser du pourpier. Puis une belle brise nous
pousse rapidement vers Ao-Kena. J’accoste la goélette
anglaise the Friends, pour rendre ma visite au capitaine
Rugg qui paraît enchanté de cette démarche de
ma part et m’en témoigne sa joie par un salut de
neuf coups de canon à mon arrivée ainsi qu’à mon
départ. En France on n’en aurait pas accordé davantage
à un vice-amiral.
Son navire était vraiment beau dans son espèce,
très-large ét armé de six caronades de douze,
plus quatre petits canons de quatre et trois livres de
balles. La grande chambre spacieuse et bien emmena